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La Tram’ du temps : Une machine à remonter dans le temps à Nantes

Fin mai, mon amoureux et moi avons passé quelques jours à Nantes, loin des soucis quotidiens.
Il y aurait tant à dire ! (J’ai enfin vu les Machines de L’île de Nantes !!!! #Jai8Ans #CestNoël)
Mais j’ai choisi de vous parler de l’étonnante exposition ponctuant les arrêts de tram de la ville jusqu’au 31 août. Un beau projet d’art public urbain, à la fois éducatif et artistique, mêlant sciences et histoire de façon ludique. Bref, plein de sciences humaines mêlées au cœur d’une installation artistique, tout ce que j’aime !

Un des arrêts de tram de la ville de Nantes. Chaque arrêt est un retour en arrière dans le temps, jusqu’à l’apparition de la vie sur terre. Non seulement, l’arrêt prend les couleurs de époque qu’elle illustre (ici, vous vous en doutez, nous étions à l’époque des dinosaures) mais, en plus, on peut entendre la date à laquelle on va s’arrêter quand nous sommes dans les trams ou les bus qui desservent l’arrêt. Très bonne idée pour se cultiver sans s’en rendre compte, de façon ludique et sans avoir besoin de trouver le temps d’aller au musée. En plus, le résultat visuel dépote ! Et ça, nous le devons à l’artiste @delphinevaute. Plus d’informations dans un nouvel article sur mon blog, Studinano (www.studinano.com) bientôt ! #Nantes #France #travelgram #holidays #art #trip #voyage #travel #vacances #skeleton #fossil #tram #travelpics #street #streetart #museum #musée #HistoireNaturelle #NaturalHistory #fossile

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Une machine à remonter le temps au cœur de la cité des Ducs de Bretagne

C’est l’image de ce tricératops, dont j’ai croisé le regard à un arrêt de tramway de la ville de Nantes qui a d’abord attisé ma curiosité. J’ai d’abord pensé que c’était un joli décor pour un arrêt de tram. Mais c’est en m’approchant que j’ai compris de quoi il s’agissait vraiment : une installation culturelle sur la préhistoire (au sens large) ponctuant les différents arrêts de tram de la ville.

Tombée sous le charme de ce tricératops, je l’ai photographié en me promettant de vous parler de lui (voir ci-dessus) et l’on peut même apercevoir un bout de l’ancienne usine LU derrière lui.

Bref, au cours de notre séjour à Nantes, mon amoureux et moi avons pris plusieurs fois le tram et le bus. C’est ainsi que nous avons découvert que, non seulement, l’installation prenait place aux arrêts du tram mais aussi dans les transports eux-mêmes : à chaque arrêt de la ligne, un message sonore nous indiquait où nous arrivions ainsi que l’époque à laquelle nous étions censés débarquer, -240 millions d’années, -180 millions d’années,… Jusqu’au présent et même le futur.

Illustration de Delphine Vaute pour La Tram' du temps.
Illustration de Delphine Vaute pour La Tram’ du temps.
Carte de l'installation La Tram' du temps, montrant les différents arrêt du tram ainsi que l'époque où ils nous permettent de nous "arrêter".
Carte de l’installation La Tram’ du temps, montrant les différents arrêt du tram ainsi que l’époque où ils nous permettent de nous « arrêter ».

Quand le tram devient la trame

L’initiateur du projet est Maxime Labat, membre de l’association Le Labo des savoirs. Quant aux magnifiques dessins qui ponctuent la « visite », nous les devons à Delphine Vaute.

Ce projet artistique et culturel a été intitulé La Tram’ du temps. Jeu de mot entre les mots « tramway » et « trame » qui évoque le fil rouge que trace l’exposition dans la ville de Nantes.

On parle de voyage dans le temps et vous pensiez que je n'allais pas faire un clin d'oeil à Doctor Who quelque part dans cet article ? Allons(-y) !
On parle de voyage dans le temps et vous pensiez que je n’allais pas faire un clin d’oeil à Doctor Who quelque part dans cet article ? Allons(-y) !

C’est effectivement un voyage dans le temps qui nous est proposé, à travers lequel nous partons à la découverte de périodes très lointaines de la vie de notre planète. Trias, Crétacé… Des périodes qui ont parfois duré plus longtemps que la nôtre (l’Anthropocène) et que nous connaissons pourtant mal, le plus souvent. La ligne de tramway devient une frise chronologique sur laquelle on est invités à voyager.

« Si vous mettiez l’histoire de la vie sur Terre à l’échelle de la ville de Nantes – même pas depuis son apparition il y a plus de 3,5 milliards d’années, disons… depuis l’explosion de la vie au cambrien, il y a 540 millions d’années – , on pourrait partir de la Gare Maritime, à l’ouest côté mer, jusqu’à la Gare SNCF côté est, vers les terres. A chaque pas, vous parcourriez 200 000 ans.

A ce rythme vous pourrez marcher une bonne demi heure, 2 700m pour parcourir 540 millions d’années.

Rendez-vous compte du gigantisme de l’histoire de la vie sur Terre. Rendez-vous compte du temps qu’il a fallu à la lente dérive génétique des populations végétales et animales pour nous léguer la diversité fascinante de la biosphère actuelle.

Pour ne pas se faire peur, nous jetons tout cela sous un voile pudique, sous un mot : « Préhistoire ».
Si nous pouvions remonter le temps, nous verrions à quelle point la terre a changé. La carte du monde, le climat, les paysages, la composition de l’aire, la Terre a connu 1000 vies. »

Source : Le Labo des savoirs, « La Tram’ du temps #1 : tour du monde en 540 millions d’années »

La médiathèque Jacques Demy (où sont visibles les dessins originaux de Delphine Vaute, gratuitement), la Manufacture / Maison Fumetti et le Muséum d’Histoire Naturelle sont partenaires du projet. Ces différents lieux donnent aussi à voir des parties de l’exposition, en lien avec La Tram’ du temps. Sur ces trois lieux, mon amoureux et moi avons visité le Muséum d’Histoire Naturelle. Vous pouvez retrouver quelques photos de notre visite sur mon compte Instagram :

A quoi ça sert ? Est-ce vraiment utile ?

Quand la vulgarisation scientifique descend jusque dans la rue, dans des lieux que nous fréquentons chaque jour, on peut espérer qu’elle touche un public plus large que lorsqu’elle reste confinée dans les musées et autres lieux d’exposition.
Toutefois, on peut légitimement se demander si cela fonctionne vraiment. L’exposition aurait-elle attiré mon regard si j’étais une habituée de Nantes ? Ou si je n’avais pas une formation artistique ? De fait, nombre d’œuvres d’art public urbain sont parfaitement invisibles aux yeux du public. Qui parmi vous n’est jamais passé aux pieds d’une sculpture sans même la voir ? C’est ce qui fait parfois dire aux mauvaises langues que les monuments publics et autres expositions de ce genre sont inutiles, de l’argent jeté par les fenêtres… (En général, comme Léodagan, je réponds « merde », ça colle à peu près avec tout… et aussi à ce type de mauvaises langues. Après, c’est vous qui voyez.)

On pourrait disserter des heures sur le sujet. Allez savoir si ça ne fera pas un jour l’objet d’un article sur Studinano… Pour l’instant, revenons-en à nos moutons.

Dans le cas de La Tram’ du temps, l’idée d’avoir vraiment intégré l’exposition aux transports de la ville est, selon moi, ce qui fait qu’elle a toutes les chances de fonctionner (comprenez d’être visible d’un maximum de personnes, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le but recherché par une œuvre d’art public). En effet, ce qui a d’abord attiré notre attention de touristes, c’est que chaque fois que nous descendions près d’un arrêt de tram (que ce soit en bus ou en tram), les indications sonores nous donnaient non seulement le nom de notre arrêt mais aussi une mystérieuse indication temporelle comme, par exemple « -440 millions d’années ». De quoi nous intriguer.

Néanmoins, l’art public urbain n’a pas vocation à vous contraindre (la plupart du temps, car il existe toujours des exceptions, bien entendu). Vous avez autant la liberté d’ignorer l’exposition que d’y prêter attention. L’idée n’est pas de déranger vos habitudes ou votre rapport à l’espace public mais de vous amener à poser un regard différent sur ce qui vous entoure. En l’occurrence, La Tram’ du temps vous invite à imaginer à quoi pouvait ressembler le territoire de Nantes à des époques extrêmement lointaines, très différentes de la nôtre.  Ainsi, le tramway se transforme en machine à voyager dans le temps et nourrit votre imaginaire autant que votre culture.

Illustration de Delphine Vaute pour La Tram' du temps.
Illustration de Delphine Vaute pour La Tram’ du temps.

Et pour prolonger la tram’ ?

Heureusement, nous vivons une époque où, non seulement, nous pouvons apprendre des choses en prenant le tram mais aussi, quand notre ville n’a pas d’aussi bonnes idées, en quelques clics sur internet.

Léo Grasset, créateur de la chaine Dirty Biology, est titulaire d'une licence en biologie des organismes et écosystèmes, d'un master en biologie évolutive et d'un diplôme d'études supérieures universitaires (DESU). Parce que vulgarisation scientifique ne rime pas avec méconnaissance, bien au contraire !
Léo Grasset, créateur de la chaine Dirty Biology, est titulaire d’une licence en biologie des organismes et écosystèmes, d’un master en biologie évolutive et d’un diplôme d’études supérieures universitaires (DESU). Parce que vulgarisation scientifique ne rime pas avec méconnaissance, bien au contraire !

En effet, des chaines de vulgarisation scientifique, il en existe des tas sur Youtube ! Pour rester dans le thème, si vous souhaitez en apprendre davantage sur la biologie en général, je vous conseille de vous rendre sur la chaine de Dirty Biology.   Vous y apprendrez notamment que vous feriez de bien beaux enfants avec vos cousins ou à quoi sert un pénis dans le règne animal. Stupide, vous pensez ? Ne vous fiez pas aux apparences et vous apprendrez des tas de choses tout en vous marrant bien.

Pour conclure, la seule ombre au tableau dans tout cela est que vous ne pourrez voir La Tram’ du temps que jusqu’au 31 août. En effet, l’exposition est éphémère. Et ça, c’est quand même bien dommage.


Cet article vous a plu ? (Ou non ?) N’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous pour me le faire savoir !


Sources :
Page Facebook du projet La Tram’ du temps
La Tram’ du temps sur le site Le Voyage à Nantes
Le Labo des savoirs
Site officiel de Delphine Vaute
Article France 3 Région sur La Tram’ du temps
Page Wikipédia sur Léo Grasset

Le Cône d’Avanton : un objet pas banal !

Suis-je capable d’écrire un article sur un objet d’art dont je ne sais a priori rien, en dehors du fait qu’il m’a fait beaucoup rire la première fois que je l’ai vu ? Oui. Je l’avais promis, je le fais. (Poke les copains de Twitter)

Non, l’art n’est pas ennuyeux. Et même quand il peut sembler poussiéreux au premier abord, il peut finalement s’avérer être très amusant. En témoigne cette… chose.

Cône d'Avanton Artefact datant de l'âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.) Or. 53 cm de haut, 321 g. Découvert en 1844 à Avanton (Vienne) Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d’Avanton
Artefact datant de l’âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.)
Or. 53 cm de haut, 321 g.
Découvert en 1844 à Avanton (Vienne)
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale

Non, ne niez pas : vous avez ri, je le sais. Parce que ce que vous venez de voir, d’imaginer, de comparer avec cet objet, je l’ai vu, imaginé, comparé avant vous (non, je n’ai pas l’esprit mal placé… si, en fait, carrément, mais vous aussi de toute façon).  Et il semble que nous ne soyons pas les seuls car les spécialistes ont longtemps cru que cet objet servait un culte lié à la fertilité. Je vous fais un dessin ?… Bon, ok : oui, on peut penser que c’est la forme phallique de ce très bel objet entièrement fait d’or qui a mené à imaginer cette première hypothèse. Pourtant l’hypothèse actuelle est beaucoup plus surprenante (en tout cas, moi, je n’y aurais JAMAIS pensé).

A quoi pouvait donc bien servir ce cône rituel ? Mais voyons, mais c’est bien sûr ! C’était un couvre-chef !… (je vous laisse digérer l’idée parce que j’ai cru que c’était une blague quand j’ai lu ça la première fois) Oui, cet objet serait ce qu’il nous reste d’un chapeau, d’une toque, d’une mitre, d’un machin haut-de-forme que les « prêtres » de l’époque portaient sur leur tête. Probablement au cours de cérémonie liées à un culte solaire. D’où la matière utilisée : l’or ; ainsi que les motifs représentés sur l’ensemble de l’objet, se rapportant à un culte solaire avéré à l’époque ; et la taille de l’objet qui pouvait symboliquement « viser » ou « s’élever » vers le ciel.
Vous me direz, du coup, ça reste relativement phallique quand même… Et un chouïa présomptueux (« Tu as vu comme mon gros cône doré est beau et haut, Dieu solaire ?! »).

guillemet« Le cône d’Avanton présente un décor constitué d’une succession de frises séparées par de fines cannelures. Son sommet porte des triangles disposés en étoile. L’objet est orné sur toute sa surface de motifs géométriques en relief, principalement circulaires et hémisphériques.

Les cercles concentriques, les spirales ou les roues sont reconnus comme des symboles solaires. Les hommes de l’âge du bronze d’Europe occidentale ne disposaient pas encore de l’écriture, et leur religion est difficile à appréhender par l’archéologie seule. Cependant leurs croyances devaient être fondées sur l’observation des phénomènes naturels comme la course du soleil à travers le ciel. Le soleil est lié au cycle du jour et de la nuit, aux saisons et au feu. Ce culte du soleil en Europe est d’ailleurs attesté par le char en bronze de Trundholm, découvert au Danemark, qui supporte un disque solaire recouvert d’une feuille d’or. L’or est inaltérable et d’un jaune brillant. Il fut spontanément associé à l’astre solaire. »  (Source)

Cône d'Avanton (détails) Artefact datant de l'âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.) Or. 53 cm de haut, 321 g. Découvert en 1844 à Avanton (Vienne) Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d’Avanton (détails)
Artefact datant de l’âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.)
Or. 53 cm de haut, 321 g.
Découvert en 1844 à Avanton (Vienne)
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d'Avanton (détails) Artefact datant de l'âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.) Or. 53 cm de haut, 321 g. Découvert en 1844 à Avanton (Vienne) Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d’Avanton (détails)
Artefact datant de l’âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.)
Or. 53 cm de haut, 321 g.
Découvert en 1844 à Avanton (Vienne)
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale

Certes, la forme de ce cône peut aujourd’hui prêter à sourire. Cet objet n’en est pas moins le résultat d’une prouesse technique pour l’époque puisqu’il fut réalisé dans « une seule tôle d’or mise en forme sans soudure » et son épaisseur est « inférieure à un demi-milimètre ». (Source). Toutefois, le cône d’Avanton fut découvert en très mauvais état et dû être restauré.

A ce jour, les archéologues n’ont retrouvé que quatre cônes de ce genre dans le monde. Celui d’Avanton est le seul qui ait été retrouvé en France (à Avanton, donc, dans la Vienne, comme son nom l’indique). Cela laisse penser qu’il existait une communauté partageant un culte semblable dans ces régions d’Europe à l’époque.

Toutefois, le Cône d’Avanton, contrairement à ceux découverts en Allemagne, n’est pas complet : il manque, à sa base, une sorte de collerette. Or, « cette idée de chapeau relève d’une observation : la base élargie en collerette ovale des cônes allemands, partie que le cône d’Avanton a perdue, présente une ouverture de même taille que le tour de tête d’un homme adulte » (Source).

Dans l'ordre :  - Le cône de Schifferstadt (Allemagne), vers 1500-1250 av. J.C. - Le cône d'Avanton - Le cône de Berlin (vers 1000-800 av. J.C.) - Le cône d’Ezelsdorf (Allemagne) vers 1000-800 av. J.C.
Dans l’ordre :
– Le cône de Schifferstadt (Allemagne), vers 1500-1250 av. J.C.
– Le cône d’Avanton
– Le cône de Berlin (vers 1000-800 av. J.C.)
– Le cône d’Ezelsdorf (Allemagne) vers 1000-800 av. J.C.
Cône de Berlin Datant de 1000-800 av. J. C. Conservé au Musée de la Préhistoire et de Protohistoire de Berlin
Cône de Berlin
Datant de 1000-800 av. J. C.
Conservé au Musée de la Préhistoire et de Protohistoire de Berlin

Du coup, il est difficile de se représenter un chapeau à partir de l’observation du seul Cône d’Avanton. Même si je trouve, personnellement, que cela reste aussi difficile après avoir vu les autres… Je veux dire, arrêtez-vous deux secondes et imaginez-vous la scène : nous sommes en plein âge du bronze et des gars (bon, ok, pas le premier clampin du coin, mais quand même) portent des cônes comme celui-ci sur leur tête… On peut d’ailleurs imaginer qu’ils font ça avec le plus grand sérieux du monde, si cela se fait bien dans le cadre d’une cérémonie religieuse ou rituelle… Ca y’est ? Vous voyez un peu le ridicule de la chose ? (bon, je suis un peu méchante, j’avoue… bouarf, on peut bien se moquer un peu des religions, non ? NON BAISSEZ CETTE KALACH § J’AI MÊME PAS DE CRAYON §)

Ceci dit, lorsque c’est chose faite, je trouve cet objet non seulement encore plus amusant mais surtout plus intéressant qu’au point de départ. Pas vous ? (vous avez le droit de dire non, hein)


Cet article vous a plu ? Vous connaissiez le cône d’Avanton ? Pas du tout ? Il vous a amusé ? Non ? Dites-moi tout dans les commentaires, ci-dessous ;)

Sources :
Panorama de l’art : Le cône d’Avanton
Historique d’Avanton

Nouvelle peinture : bienvenue dans mon monde !

Welcome to your world by Shou' (studinano.com) Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas 2013 80cm / 60cm
Welcome to your world
by Shou’ (studinano.com)
Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas
2013
80cm / 60cm

En voilà une qui aura vu le temps passer avant d’être enfin terminée !

Ma nouvelle toile s’appelle Welcome to your world (Bienvenue dans ton monde). Elle fait référence à un passage d’une courte bande dessinée intitulée La Naissance de Nélumbaë, que j’avais réalisée il y a quelques années, et que voici :

Extrait de La Naissance de Nélumbaë  by Shou' 2011/2012 Encre de chine sur papier Canson
Extrait de La Naissance de Nélumbaë
by Shou’ (studinano.com)
Court roman graphique / courte bande dessinée, 2011/2012
Encre de chine sur papier Canson

Comme vous pouvez le voir, la scène a un peu évolué entre temps mais l’idée reste globalement la même entre ces deux créations : un de mes personnages (surnommé une Bavarde, celle avec la bouche) fait découvrir le monde à l’autre (c’est une Nélumbaë, qui, elle n’a qu’un oeil et vient de naître : vous pouvez d’ailleurs voir le tableau représentant sa naissance un peu plus bas dans cet article).

Oui, je sais ! Il faudra un jour que je vous prépare un article consacré exclusivement à mes personnages, histoire que vous vous y retrouviez mieux ! Pour l’instant, restons-en à l’idée que deux de mes personnages arrivent dans ce monde, donc.

Le Lotus :

Dans ma peinture, Welcome to your world, ainsi que dans mon dessin, il y a beaucoup de Lotus : ces fleurs sont celles par lesquelles naissent mes personnages et aussi celles par lesquelles leur âme (je devrais même plutôt dire leurs âmes) s’envole après leur mort (comme on peut le voir dans mon autre tableau : La Vallée des Morts).

Ces fleurs sont primordiales dans mon univers : elles symbolisent la vie, la mort et donc le cycle de la vie. Les arbres, eux, sont plus immuables. Dans mes peintures, ils représentent davantage les générations qui passent qu’une seule et simple vie. (Je reviendrai sur ces arbres plus après).

Pour les Bouddhistes, mais aussi selon les croyances des anciens égyptiens, le Lotus est la fleur qui surgit des eaux saumâtres. Des eaux dont on imaginait alors qu’elles recouvraient entièrement le monde, à sa création, et à l’intérieur de laquelle s’était peu à peu développée la vie. La fleur de Lotus aurait surgi la première. Les Bouddhistes parlent de génération spontanée : pour eux, la fleur de Lotus naissait d’elle-même, apparaissant tout-à-coup puis se développant peu à peu pour devenir une belle fleur.

La Naissance de Nélumbaë
La Naissance de Nélumbaë by Shou’
Peinture acrylique sur toile (Acrylic on canvas)
50cm / 60cm
(studinano.com)

Tout est ici symbolique : ceux qui me suivent régulièrement savent que toutes mes peintures se basent sur la façon dont je représente internet. Plus exactement, je représente ma propre utilisation d’internet : les Faceless Girls sont mes avatars (des bouts de moi, si vous voulez, sur le web : mes alter ego en petits morceaux, toutes différentes mais toutes moi d’une certaine façon, ou mes actes, mes pensées). Chaque information que je laisse sur internet devient une Faceless Girl qui, à sa mort, verra son corps se recouvrir de lotus (c’est donc ce qu’on voit dans La Vallée des Morts) qui donneront à leur tour des Faceless Girls différentes. Au fur et à mesure, l’accumulation de tout cela pourra donner naissance un arbre qui, comme je le disais, représentera une génération de Faceless Girls et, donc, quelque chose de plus immuable, de moins court.

Les Arbres :

Les arbres représentent des projets de longue haleine. Cela peut paraître trivial mais ce sont par exemple les blogs, les longues discussions par mail ou messageries instantanées, les forums qui durent… Bref, ce sont ces pages web sur lesquelles je reviens, encore et encore, et que je construis peu à peu. Ces pages-là ont été très importantes pour moi.

guillemet« L’arbre. Si les feuillus symbolisent le cycle de la vie, les végétaux à feuillage persistant représentent l’immortalité. Certaines cultures ont même créé un arbre cosmique (tel l’Yggdrasil scandinave), tandis que les arbres généalogiques sont synonymes de la continuité, qu’il s’agisse de celle d’une lignée familiale ou d’un concept sacré ou ésotérique. »

(source: Comprendre les symboles, Larousse, p.9)

Mes arbres se placent entre l’Yggdrasil et l’arbre généalogique : il n’est pas rare que je représente un arbre habité par des Faceless Girls. Mes arbres sont des endroits où peuvent vivre certaines Faceless Girl, où se développe donc une vie, mais ils ne sont pas uniques en leur genre puisqu’il existe plusieurs arbres de ce genre dans mon univers.

Dans The Tree of Life, une autre de mes peintures, on peut voir un grand arbre habité qui, lui, se rapproche plus de l’Yggdrasil ou du grand arbre de la vie.

The Ash Yggdrasil (Le Frêne Yggdrasil) Friedrich Wilhelm Heine (1845-1921) Publié dans : Wägner, Wilhelm (1886). Asgard and the gods. London: Swan Sonnenschein, Le Bas & Lowrey. Page 27.
The Ash Yggdrasil (Le Frêne Yggdrasil)
Friedrich Wilhelm Heine (1845-1921)
Publié dans : Wägner, Wilhelm (1886). Asgard and the gods. London: Swan Sonnenschein, Le Bas & Lowrey. Page 27.

Notons que cette représentation d’Yggdrasil est très symbolique, tout comme peuvent l’être mes travaux : il faut connaître les histoires, les mythes et légendes scandinaves, même un peu, pour comprendre de quoi il s’agit exactement. Pourquoi y-a-t-il un serpent enroulé dans ses racines ou un corbeau à son sommet, par exemple ? Je vous conseille ce texte simple qui résume la très complexe mythologique scandinave, constituée de neuf mondes : Yggdrasil, l’Arbre du Monde. Je pense, alors, que cette représentation de Friedrich Wilhelm Heine, ci-dessus, vous paraîtra déjà un peu plus claire.

C’est là toute la magie de la symbolique : une image a toujours une histoire.

Les Glycines ou Wisteria :

Dans Welcome to your world, les arbres sont fleuris car ce sont des glycines (wisteria, en anglais) représentées à ma façon.

Comme la Glycine n’est arrivée en Europe qu’à la fin du XIXe siècle (bien que Le Nôtre en ait planté quelques pieds, rapportés de Chine lors d’une expédition en 1687, dans les jardins de Versailles), elle ne bénéficie pas d’une symbolique forte dans nos pays occidentaux.
Cependant, en Asie, cette plante est beaucoup plus connotée et c’est donc l’image qu’elle a là-bas qui m’intéresse dans mes travaux.

Dans le langage chinois des fleurs, la glycine symbolise la douceur de l’amitié. Mais sa délicatesse est en fait un piège puisqu’en grandissant, la glycine s’enroule d’abord comme un serpent autour du support près duquel elle pousse et elle l’emprisonne ensuite lorsque son bras devient puissant… Ainsi, au bout de vingt à trente ans, ses troncs noueux viennent à bout des plus solides barreaux et pitons d’acier.

Belle et dangereuse, fascinante et inquiétante : Un double aspect, donc, qui m’intéresse particulièrement puisque jouer sur l’ambiguïté des choses me permet de pointer du doigt l’aspect à la fois attirant et inquiétant de l’univers que je tente de personnifier, celui d’internet. A mes yeux, la glycine est une figure du désordre (Voir cet article à propos des figures du désordre : Le Diable et la Mort : petit tour d’horizon dans l’art).

J’ai parlé plus longuement des glycines dans cet article : Voyage sur Pandora !

Toujours en Chine (le nom chinois de la glycine est Zi Tang, littéralement « la plante rampante couleur de lilas ») un certain nombre de plantes, dont la glycine, sont placées de façon à recevoir un maximum d’éclairement lunaire car ce rayonnement est réputé les guérir, les soigner et les protéger. De plus, ce rayonnement est utile au bon développement de la fleur.

A mes yeux, cela fait de la glycine une fleur de l’ombre, une fleur de la nuit (on oppose la Lune au Soleil et donc, la Lune représente souvent les ténèbres alors que le Soleil, lui, est la lumière). Or, quand la beauté d’une fleur est capable de surgir des ténèbres, sous les rayons de la Lune, cela est très fort en symbolique. Pour plusieurs raisons :

La Lune :

Tout d’abord, la Lune est privée de lumière propre, elle ne fait que refléter la lumière du Soleil. On dit donc souvent que la Lune représente la femme (ou le féminin) tandis que l’homme serait le Soleil puisque la Lune tire sa lumière du Soleil et est donc « dépendante » de lui (les symboles sont parfois très sexistes, je sais).

Le fait que la Lune ne fasse que refléter la lumière émise par le Soleil, nous permet d’observer des cycles lunaires durant lesquels la Lune est éclairée de différentes façons. Ainsi, on dit aussi que la Lune est le symbole du renouvellement et de la périodicité. « A ce double titre, elle est symbole de transformation et de croissance ». (source: Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, p.681)

guillemet« Source d’innombrables mythes, légendes et cultes donnant aux déesses son image (Isis, Ishtar, Artémis ou Diane, Hécate…), la lune est un symbole cosmique étendu à toutes les époques, depuis les temps immémoriaux jusqu’à nos jours, généralisé à tous les horizons. »

(source: Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, p.685)

Or, les cycles lunaires, bien qu’ils n’existent que grâce au reflet de la lumière du Soleil à sa surface, font de la Lune un élément important de la vie humaine : les cycles lunaires contrôlent les eaux, la pluie, la végétation ou encore la fertilité. Dans mes tableaux, elle représente toujours une sorte d’entité maternelle : elle veille, en arrière plan, sur ce qui se passe au premier plan. La Lune est d’ailleurs associée au culte de la Grande Mère (aussi appelé culte de la Grande Déesse) qui a été célébré durant toute l’Antiquité (et plus tard encore, sous d’autres formes, puisqu’on retrouve des représentations de cette déesse à la Révolution française).

Ce culte qui pourrait nous venir de la préhistoire, où étaient déjà sculptées des Vénus qui pourraient représenter de premières formes du culte de la Déesse Mère (aucune preuve scientifique ne peut, cependant, l’attester à 100% à l’heure actuelle).
Ces Vénus sont d’ailleurs des objets qui me fascinent et m’intéressent beaucoup. Elles comptent parmi les objets artistiques qui ont probablement inspiré mes Faceless Girl, même inconsciemment. Et je me rends de plus en plus compte du pourquoi, chaque fois que je fais des recherches à leur sujet.

Vénus de Willendorf, Paléolithique supérieur, vers 24 000–22 000 av JC Conservée au Musée d'Histoire Naturelle de Vienne (Autriche)
Vénus de Willendorf, Paléolithique supérieur,
vers 24 000–22 000 av. J.C.
Conservée au Musée d’Histoire Naturelle de Vienne (Autriche)

Dans Welcome to your world, la Lune est double car elle représente la multiplicité et la grandeur d’internet : il faut plusieurs Lunes pour couvrir l’immensité du web car il est d’une grandeur telle que toutes les choses qui s’y passent ne peuvent pas toujours s’entrecroiser. Mon tableau n’en représente que deux mais elles pourraient être des milliers.
Les tuyaux gigantesques qui descendent de ces Lunes montrent qu’elles se nourrissent des éléments au-dessus desquels elles flottent. Et ces éléments la nourrissent en retour. Ces sont-là les flux d’informations incessants qui font vivre internet.

Au final, ces astres ressemblent à des planètes ou à d’immenses vaisseaux qui récoltent et sèment sur leur passage.

Les Nuages :

Notez enfin que même les nuages ne sont pas anodins, dans ma peinture.

guillemet« Les nuages symbolisent parfois simplement la pluie et l’abondance, mais ils sont aussi entourés d’une aura de mystère, puisqu’ils sont visibles mais immatériels, changent constamment, voilant ce qui se trouve derrière eux, mais laissant parfois percer un rayon de soleil éclatant. »

(source: Comprendre les symboles, Larousse, p.13)

Encore une fois, c’est l’inquiétante étrangeté des nuages qui m’intéresse lorsque je les place dans une peinture : présents, puisqu’on peut les voir, mais absents également dans le sens où on ne peut les toucher, les nuages, parce qu’ils sont toujours là (ou presque) sont un peu des espions, si je puis dire. Dans Welcome to your world, ils forment une sorte de distinction entre la Lune haute et le sol, où se trouvent les Faceless Girls : ils veillent à ce que la distinction entre ces deux mondes soient préservée afin que le cycle puisse continuer à tourner sans problème.

Pour faire simple, pour moi, les nuages sont des bots-modérateurs !

Welcome to your world by Shou' (work in progress) (studinano.com) Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas 2013 80cm / 60cm
Welcome to your world (work in progress)
by Shou’  (studinano.com)
Peinture acrylique sur toile / Acrylic on canvas
2013
80cm / 60cm

Bref, voici Welcome to your world et sa petite histoire. J’espère d’ailleurs que vous vous sentez les bienvenus dans mon monde chaque fois que vous jetez un coup d’oeil à ce blog, à mon site officiel ou aux informations que je laisse sur les différents réseaux sociaux ;)

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