Archives par mot-clé : or

Bruegel : histoires au cœur de l’hiver

Joyeuses Fêtes à tous !

Je n’ai pas eu l’occasion de vous proposer un article d’Halloween cette année. Mais je suis contente de vous retrouver pour notre traditionnel article de Noël !

Cette année, je vous emmène au XVIème siècle. Voilà longtemps que nous n’avions pas fait un tel saut dans le temps ! Nous nous rendons en Belgique que nous appelons alors les Pays-Bas Espagnols. C’est l’hiver, la neige est tombée en abondance. La scène est idéale pour Pieter Bruegel l’Ancien, peintre de l’hiver.

Sommaire

Qui était Pieter Bruegel l’Ancien ?
Les petits théâtres de Bruegel
Bruegel l’Ancien, Bruegel le Jeune : plusieurs versions d’une même œuvre
Bruegel, entre mythe et réalité
Bruegel et Bruegel : de père en fils
Conclusion
Sources

Qui était Pieter Bruegel l’Ancien ?

Pieter Bruegel, dit l’Ancien (parce que son fils s’appelait aussi Pieter Bruegel, dit le Jeune, du coup, pas bête), ou Pierre Bruegel en France, est un peintre et graveur brabançon (ancien comté des Pays-Bas Espagnols, aujourd’hui situé en Belgique) du XVIème siècle. Il fait partie des plus célèbres peintres de l’Ecole Flamande, en plein Siècle d’Or Hollandais, parmi Jan van Eyck, Jérôme Bosch ou encore Pierre Paul Rubens, Vermeer ou Rembrandt.

De sa vie, on ne sait presque rien. On estime qu’il est né vers 1525 et l’on sait qu’il est mort à Bruxelles en 1569. Il existe peu de sources écrites à son sujet. Cela fait de lui un peintre relativement mystérieux (même s’il l’est moins que Jérôme Bosch, que les sujets de ses peintures ont participé à mystifier bien davantage ; j’espère que nous aurons l’occasion de parler de lui sur Studinano, un de ces quatre). Les peintures de Pieter Bruegel sont en effet très reconnaissables.

Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, Huile sur toile, 1,140mm x 1,550mm, XVIe siècle (1563), Kunsthistorisches Museum Vienna (Autriche)
Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, Huile sur toile, 1,140mm x 1,550mm, XVIe siècle (1563), Kunsthistorisches Museum Vienna (Autriche)

D’ailleurs, nous avions déjà parlé de Bruegel l’Ancien sur Studinano et, en particulier, de l’une de mes peintures préférée, qu’il a réalisé : la Tour de Babel (voir ci-dessus). Vous pouvez retrouver plus d’information sur cette œuvre dans cet autre article.

Les petits théâtres de Bruegel

Pieter Bruegel peint essentiellement la vie quotidienne du peuple de son temps et de son pays. Ses toiles fourmillent de vie et de détails qui donnent l’impression qu’elles bougent, comme si nous regardions les acteurs d’un théâtre miniaturisé. Ses personnages ont des trognes caricaturales, très expressives, comme s’ils portaient des masques grotesques. Cela leur permet de nous transmettre des émotions très variées.

Dans le même temps, cela a donné à Bruegel l’Ancien l’image d’un peintre de la joie. Les experts discutent beaucoup autour de cette réputation. Pour certains, les peintures du maître pourraient paraître plus joyeuses et gaies qu’elles ne le sont réellement. Pour d’autres, l’artiste dépeignait bien les bonheurs simples comme nul autre. Nous verrons plus après qu’il est parfois difficile de déterminer avec exactitude les intentions de Bruegel car sa production était essentiellement le résultat de commandes.

Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

En tout cas, il faut reconnaître qu’il est troublant d’observer certaines de ses peintures, comme Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux (voir ci-dessus), une de ses oeuvres les plus populaires et les plus connues. Le peintre nous y détaille nombre de loisirs et de jeux auxquels les gens s’adonnent en toute quiétude sur la glace. Paradoxalement, nous nous attendrions naturellement à voir représentée la dureté des conditions de vie hivernales (froid, famine, maladies, accidents…). C’est pourtant une vie de plaisirs simples qui, à première vue, nous est présentée. Notre inconscient collectif a plutôt retenu le labeur incessant des paysans, des serfs et des autres membres du Tiers Etat, contraints de rendre des comptes aux Seigneurs locaux et payer de nombreux impôts.

Nous verrons que la peinture de Bruegel ne s’arrête néanmoins pas aux apparences. Les mises en scène de ses tableaux sont complexes mais permettent de raconter une multitude d’histoires en une scène fixe.

Comme dans un Où est Charlie d’un autre temps, Bruegel l’Ancien nous entraine dans des images devant lesquelles il n’est pas rare de devoir passer un certain temps pour en saisir tous les détails. Et si la scène peut paraître triviale, dans un premier temps, elle recèle souvent des trésors.

C’est le cas de la toile que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui, en cette période de Noël : l’Adoration des Mages (oui, vous aurez envie de manger des galettes avant même d’avoir mangé vos bûches, c’est comme ça).

Bruegel l’Ancien, Bruegel le Jeune : plusieurs versions d’une même oeuvre

Bruegel a réalisé plusieurs peintures sur ce sujet alors précisons : nous parlerons essentiellement de l’Adoration des Mages dans un paysage d’hiver (parce qu’on veut de la neige en hiver, bon sang ! Rendez-nous notre climat nordique, qu’on puisse à nouveau blaguer sur nos igloos ch’tis !), réalisée en 1563. Il s’agit de cette œuvre :

Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Il existe plusieurs versions de l’œuvre . On fait le compte : Bruegel a peint plusieurs tableaux représentant la scène de l’Adoration des Mages. Et l’Adoration des Mages dans un paysage de neige a ensuite été copiée plusieurs fois par son fils.

Personne n’est perdu ?

Alors voici l’explication : il n’était pas rare qu’un peintre peigne plusieurs fois un même sujet, notamment religieux, sous des angles plus ou moins différents. Il n’était pas rare non plus que des peintres fassent deux versions (ou plus) d’un même tableau. Les raisons à cela étaient diverses : certains tableaux étaient des essais, d’autres des copies conçues pour la vente. Dans le cas de Bruegel l’Ancien, notons que son fils Bruegel le Jeune a pu réaliser des copies d’œuvres de son père (a priori, pour satisfaire des commandes et, ma foi, il faut bien manger, hein !) Les talents d’imitateur de Bruegel le Jeune envers l’œuvre de son père sont souvent soulignés. Et, en effet, si je vous proposais un petit qui a peint quoi, vous seriez bien embêtés pour y répondre (et moi aussi, très certainement, car j’ai eu des surprises en écrivant cet article).

En ce qui concerne l’Adoration des Mages dans un paysage d’hiver, j’ai pu admirer celle du Musée Correr de Venise (voir ci-dessus). Mais il faut avouer que mes photos ne sont pas bien belles. La version que je vais donc vous proposer d’admirer est celle de la Reinhart Collection, qui se trouve aujourd’hui dans la villa Am Römerholz à Winterthur (un nom de circonstance ;)) dans le Canton de Zurich en Suisse.

De plus, le tableau que j’ai vu a été peint par Bruegel Le Jeune et non pas Bruegel l’Ancien. Et ce n’est qu’une des copies de cette toile. Mais cela nous donnera l’occasion de jouer au jeu des sept différences ensemble ;)

Bruegel, entre mythe et réalité

La peinture que j’ai choisie est une huile sur bois de 1563 qui nous montre une vue d’un village de Flandres tel qu’il devait en exister au XVIème siècle, au temps de Bruegel l’Ancien.
Il neige à gros flocons mais de nombreuses personnes se pressent dans les rues.

Pour décrire au mieux cette peinture pleine de vie, nous allons procéder par étapes. Commençons par l’arrière plan.

Peindre l’hiver
Détail : un château à l'arrière plan, dans les brumes hivernales. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : un château à l’arrière plan, dans les brumes hivernales.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Au bout de l’allée principale, nous pouvons distinguer la silhouette d’une bâtisse beaucoup plus grande que les autres. Elle est vraisemblablement en pierre et possède des tours et une entrée qui semble assez monumentale. Il s’agit très probablement d’un château. Des gardes en armure et armés protègent le passage. Il s’agit de la rangée de personnages qui se trouvent juste derrière la roue.

On voit passer de nombreux personnages courbés par le froid. Ils tentent vainement de se réchauffer en serrant leurs bras sur leur poitrine. Au premier plan, un enfant semble faire de la luge sur l’eau gelée. D’un trou dans la glace, des personnes viennent tirer de l’eau qu’ils ramènent à l’aide de seaux. D’autres portent des sacs ou semblent couper du bois. Sous une sorte de tente, un feu réchauffe quelque chose. C’est la seule source de chaleur qui existe dans cette image.

Détail : habitants tirant de l'eau depuis un trou dans la glace. Un enfant faisant de la luge tandis que sa mère semble lui crier de revenir à elle. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : habitants tirant de l’eau depuis un trou dans la glace. Un enfant faisant de la luge tandis que sa mère semble lui crier de revenir à elle.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

On perçoit bien la dureté de l’hiver qui frappe le village. On dit que Bruegel est un des premiers à peindre la neige.

« Bruegel est l’un des premiers à représenter l’hiver en tableaux monumentaux, insistant sur la représentation de la neige. Avec lui, l’hiver devient un sujet. »

RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018 

Il serait tombé en admiration devant les paysages enneigés qu’il a croisés lors de son Grand Tour (1553-1555), voyage initiatique que de nombreux artistes ont longtemps effectué en Italie pour apprendre leur métier auprès des grands maîtres de cette région du monde. Il en a ramené des croquis des montagnes et des paysages hivernaux qu’il a pu observer.

« C’est dans les premiers temps d’une carrière assez courte (une vingtaine d’années), en 1552, que Bruegel effectue son voyage en Italie, d’où il rapporte, non des vues de monuments antiques, comme les autres « fiamminghi », mais des dessins de paysages, alpins en particulier. Commencés sur le motif et terminés à l’atelier, ces dessins sont absolument remarquables. Avec autant de précision dans le détail que de souplesse et de légèreté dans les graduations lumineuses, ils rendent compte, dirait-on, d’une expérience exaltante, comme si l’auteur éprouvait l’ivresse de l’immensément ouvert, de l’infini déploiement de la croûte terrestre – montagnes, vallées, plaines, fleuves, lacs, villes – sous la béance du ciel. Il y a là un sentiment de la totalité du monde, comparable seulement à ce qu’un Léonard de Vinci avait exprimé dans ses rares dessins de paysages. Ces dessins des Alpes furent déterminants pour l’art de Bruegel qui, par la suite, emplit nombre de ses tableaux de sublimes paysages, où les grasses campagnes se hérissent d’hétéroclites pitons rocheux, paysages qui englobent littéralement les scènes religieuses ou profanes qui s’y déroulent. Certes, Bruegel reprend là une tradition instaurée par Joachim Patinir, à Anvers même, dans les premières décennies du siècle : la formule du « paysage monde », vue panoramique déployée à perte de vue. Mais, là où Patinir « miniaturisait » l’infini, noyant tout dans un air bleu, enchanteur et irréel, Bruegel dote l’immensité, terre et ciel, de la même consistance concrète qu’il confère aux détails des premiers plans. L’espace ainsi construit est colossal, parfois même vertigineux. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

Dans ce tableau, on peut trouver deux explications à cet hiver rude :

  • Dans un premier temps, une observation de la météo de son temps. L’hiver était alors plus marqué qu’aujourd’hui dans les régions du Nord de l’Europe, frappées par une petite ère glacière qui durera jusqu’au milieu du XIXème siècle.
  • Dans un second temps, une allégorie montrant la dureté de la vie à cette période de l’Histoire dans son pays.
Détail : une église semble être en ruines. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : une église semble être en ruines.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Pour appuyer cette idée, un autre grand bâtiment se distingue des autres, à droite de la peinture. Il semble en ruine mais ses fenêtres ressemblent à celles des églises ou des cathédrales. Un des murs semble maintenu par une grande poutre en bois. On devine que ce qu’il reste de l’édifice menace de s’effondrer.

Une scène ; des histoires multiples

Bruegel voulait-il témoigner de l’état de son pays à l’époque où il a peint cette scène ? L’église en ruine pourrait être la représentation, factuelle ou imagée, des Guerres de Religion qui agitent alors l’Europe. De plus, peu de temps après la réalisation de cette peinture, signe qu’une crise secoue ce territoire, les Pays-Bas Espagnols connaîtront un conflit que l’on surnomme la Révolte des Gueux (ou Guerre de Quatre-Vingt Ans). Représenter ainsi un bâtiment religieux, dans un état de délabrement avancé (il n’a plus de toit, il neige dans ce qui fut son intérieur), peut être le signe des conflits qui marqueront l’Histoire, en particulier des cultes, du XVIème au XVIIIème siècle.

« Pieter Bruegel l’Ancien (vers 1525-1569), le grand, le fondateur de la dynastie à ne pas confondre avec ses fils Pieter Bruegel II dit « d’Enfer » et Jan Bruegel dit « de Velours », vécut en un siècle où son pays, la Flandre d’alors, était sous le joug de la couronne espagnole, qui réprimait férocement toute contestation. Le Conseil des Troubles fut instauré pour cela. Et l’Inquisition châtiait tout ce qui était suspecté d’hérésie, en un temps où la Réforme se répandait dans tout le nord de l’Europe. Les années 1560 furent celles où se nouèrent des luttes qui, à terme, menèrent à l’indépendance des Pays-Bas. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

Pourtant, à l’opposé gauche de la peinture, une scène vient casser l’apparent réalisme et la trivialité de la scène. Une histoire bien connue : dans une étable, on aperçoit la Vierge Marie et son enfant, Jésus, dans ses bras. Des pèlerins arrivent pour lui présenter leurs vœux et ce ne sont pas n’importe lesquels : les Rois Mages.

L’Adoration des Mages
Détail : les Rois Mages viennent visiter la Sainte Vierge. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : les Rois Mages viennent visiter la Sainte Vierge.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

C’est cette toute petite partie qui donne son nom à cette peinture, comme révélée par une observation minutieuse de l’ensemble : l’Adoration des Mages. Le récit biblique, tiré de l’Evangile selon Matthieu, raconte que des Rois Mages seraient venus d’Orient, guidés par une étoile (l’Etoile du Berger qui s’est finalement avérée être la planète Vénus et non une étoile) pour rendre hommage à Jésus. Ils sont trois : Melchior, Gaspard et Balthazar. Ils auraient apporté avec eux des présents : l’or, la myrrhe et l’encens. C’est cette histoire que l’on surnomme l’Adoration des Mages et qui fut représentée nombre de fois au cours de l’Histoire des Arts. Nous avons vu que Bruegel lui-même en avait fait plusieurs versions, signe de son importance dans l’imaginaire chrétien.

Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Dans la version de Bruegel Le Jeune (voir ci-dessus), l’ensemble de la scène est plus détaillée, bénéficie d’un traitement plus net et il ne neige pas.  Les couleurs sont également plus vives. Cela nous permet de voir davantage de détails.

Détail : Adoration des Mages par Bruegel le Jeune. Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Détail : Adoration des Mages par Bruegel le Jeune.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Dans la partie qu’il consacre à l’Adoration des Mages, certains chercheurs pensent qu’il aurait pu glisser un portrait de son père, Bruegel l’Ancien, parmi les Rois Mages (voir ci-dessus).

Détail : Des soldats en bleu et or. Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Détail : Des soldats en bleu et or.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Sur cette version de la peinture, on peut voir plus clairement certains personnages. C’est le cas notamment de certains soldats ou gardes de la cité (voir ci-dessus) qui semblent porter des armoires bleues et or. Les vêtements des personnages sont aussi beaucoup plus détaillés, là où dans la version de son père, tout semble frémir dans le froid comme sous une vraie tempête de neige. Chez Bruegel l’Ancien, la touche est plus marquée. Tandis que chez Bruegel le Jeune, on pourrait presque parler d’un style plus « cartoonesque » tant les contours des formes sont précises et les couleurs marquées. D’autant plus que l’on retrouve les personnages burlesques de son père, à la carrure forte, la tête quasiment visée aux épaules et le tronc court, rappelant les personnages de certains de nos dessins animés modernes et contemporains, aux silhouettes simplifiées et enfantines.

Comme dans de nombreuses peintures religieuses, les espace-temps se superposent ici. La réalité rencontre la fiction, les légendes, la mythologie. Ici, la vie au XVIème siècle, au cœur des Pays-Bas Espagnols, fusionne avec le temps de la Bible et sa réalité, son imaginaire. L’étable où Jésus aurait vu le jour est transposée dans un autre lieu et une autre époque : de Béthléem au Nord de l’Europe ; de l’Antiquité (si tant est que nous puissions dater comme un fait véritable la naissance de Jésus) à la Renaissance. Ainsi, les légendes bibliques deviennent intemporelles et universelles. De plus, dans un esprit humaniste, elles sortent du monde sacré pour entrer, comme c’est le cas ici, dans la vie de tout un chacun. Le monde des dieux n’est plus ; il est inscrit dans le monde humain.

« Même les scènes bibliques ou historiques se déroulent dans le monde contemporain de l’artiste, en costumes modernes et dans un environnement flamand. Ce processus d’actualisation des thèmes n’est ni nouveau ni unique en son temps, certes. Mais l’actualisation, chez Bruegel, est aiguë, elle acquiert une pertinence et une acuité de sens inédites jusqu’alors. Et qui culminent peut-être dans l’Adoration des mages dans un paysage d’hiver, du musée de Winterthur, où l’événement passe presque inaperçu, dans un coin, voilé par les myriades de flocons tombant sur les villageois affairés. Le sacré s’insère dans la vie quotidienne avec un naturel déconcertant, le peintre graduant à sa guise les effets de réalité. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

On remarque d’ailleurs que la vie continue autour de la scène biblique, pourtant ô combien importante pour les croyants. Elle n’est pas un évènement pour les autres personnages visibles ; l’histoire est rendue ordinaire. Elle est mise sur le même plan que le reste. Elle n’occupe d’ailleurs qu’une toute petite partie du tableau, en bas, à gauche. Une partie est même dissimulée par un pan de mur et les nombreux flocons qui agitent l’ensemble du tableau. C’est l’être humain ordinaire qui occupe la place centrale de l’œuvre et non plus le sacré, la religion et ses icônes.

La pratique, assez iconoclaste d’ailleurs, n’est pas sans lien avec l’expansion du Calvinisme et, plus généralement, du Protestantisme.  Notons, de plus, que la Vierge Marie, tout comme les Rois Mages considérés comme des Saints dans la religion catholique, sont représentés sans auréole. Ils semblent être de simples humains ordinaires.

Semblent bien exister des liens avec les Guerres de Religion ainsi qu’avec l’Humanisme de la Renaissance qui fait évoluer les mentalités depuis déjà plusieurs décennies, plaçant l’Homme au centre des préoccupations, plutôt que Dieu (ou les dieux).

Bruegel et Bruegel : de père en fils

Comme le rappellent les chercheurs ayant contribué à l’ouvrage Bruegel et l’Hiver (voir Sources), il est important de ne pas analyser une œuvre uniquement sur ce qu’elle représente mais de chercher aussi à qui elle était destinée.

Il y a plusieurs histoires dans un tableau, quel qu’il soit, et c’est d’autant plus vrai chez Bruegel comme chez son fils, qui furent les peintres d’une certaine élite bourgeoise locale. Ces histoires qui s’entremêlent comme les fils d’une toile sont :

– D’abord, le sujet du tableau (dans le cas qui nous intéresse : l’Adoration des Mages).
– La représentation que l’artiste fait du sujet (l’Adoration des Mages plongée dans une scène de genre, sous la neige du Nord de l’Europe).
– Le contexte historique au moment où l’œuvre est réalisée (ici, les Guerres de Religion, notamment).
– Et l’un des points souvent mis de côté, voire oublié : à qui le tableau est-il destiné ?

C’est moins le cas aujourd’hui (encore que… vaste débat !) mais les artistes ont très longtemps dépendu de mécènes et de commanditaires. Des personnes souvent fortunées et puissantes. Leurs œuvres étaient essentiellement des commandes. Autrement dit, ils ne peignaient pas ce qu’ils voulaient et leur travail devait plaire pour être acheté. Comme n’importe quel autre bien. Ils étaient ce que nous appellerions des artisans, de nos jours, voire des graphistes ou des designers (je me suis déjà souvent opposée aux gens qui considèrent que les artisans, graphistes et autres créateurs et créatifs ne sont pas des artistes : bien sûr qu’ils le sont ! Aucun artiste ne vit d’amour et d’eau fraîche, malheureusement.)

Par ailleurs, l’on sait que Bruegel était aussi dessinateur. Les gravures tirées de ses dessins, largement diffusées, lui ont apporté une certaine notoriété. Il signait ses toiles, comme de plus en plus d’artistes de l’époque, preuve qu’il devait être reconnu de son vivant.

Tout laisse croire que les affaires marchaient bien, pour lui.

Bref, si Bruegel et son fils dépeignent leur époque et que leurs peintures s’inscrivent dans l’air du temps, c’est aussi pour répondre à des commandes. Il convient donc d’être prudent avant de penser qu’une œuvre est porteuse d’un message ou représente une critique de son temps. En effet, quand un banquier lui commande une peinture, on imagine qu’il est serait malvenu de lui livrer la représentation de la misère économique et sociale du pays, causée par des impôts trop lourds.

Après lecture de Bruegel et l’Hiver, le journaliste Harry Bellet écrit dans Le Monde des Livres :

En collaborant avec une équipe de recherche internationale, les historiens d’art ont reçu le secours d’autres historiens. Leurs approches croisées permettent de bousculer quelques idées reçues, comme celle qui lisait dans Le ­Dénom­brement de Bethléem une critique du peintre contre les impôts injustes écrasant les pauvres gens. Une fois identifié le commanditaire du tableau, Jan Vleminck, banquier de la régente Marguerite de Parme et seigneur de Wijnegem, qui à ce titre percevait le cens auprès de ses paysans, l’hypothèse est soudain moins crédible. Qui voudra se convaincre des précautions à prendre avant d’écrire des bêtises sur un tableau lira avec profit le chapitre consacré à l’historiographie et la fortune critique de Bruegel : il est exemplaire.  »

Source : Revue de presse, site d’Acte Sud pour Bruegel et l’Hiver.

L’image de l’artiste engagé en prend un coup, je sais ! Ceci dit, on peut penser que ces artistes, qui étaient souvent des personnes intelligentes et cultivées, étaient assez malignes pour séduire les commanditaires sans se départir totalement de leur esprit critique et de leur individualité artistique. Mais n’oublions pas que nous prêtons là des intentions à des personnes que plusieurs siècles séparent de nous. Nous analysons leur travail avec nos yeux, nos expériences, nos savoirs actuels. Dans le cas de Bruegel, nous savons peu de choses de sa vie et devons faire de nombreuses conjectures. Si nous avions une machine à voyager dans le temps, peut-être que cet artiste nous dirait que nous nous trompons totalement sur ses intentions. Nous serions peut-être même surpris par elles. Alors, comme pour n’importe quelle analyse d’œuvre, la prudence est de mise.

Pieter Bruegel l'Ancien, Le Dénombrement de Bethléem, Huile sur bois, 116 × 164,5 cm, 1566, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Le Dénombrement de Bethléem, Huile sur bois, 116 × 164,5 cm, 1566, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

Dans un autre de ses célèbres tableaux enneigés, Bruegel l’Ancien dépeint une autre scène biblique « cachée » dans un village flamand en hiver, d’apparence triviale. Ce tableau s’intitule Le Dénombrement de Béthléem (voir ci-dessus). Ce tableau « date de 1566, une année qui connaît une vague iconoclaste extrêmement violente. On a voulu interpréter ce tableau comme une critique à peine voilée du gouvernement des Habsbourg, mais ça ne se vérifie pas du tout (Source). » En effet, voici ce qu’explique l’historienne de l’art, Sabine Van Sprang :

« Il est en effet anachronique de s’imaginer qu’un artiste du XVIe s puisse exprimer ses convictions personnelles dans des tableaux de commande, sans tenir compte des convictions des commanditaires. La clientèle connue de Bruegel est composée de grands commerçants, de gens proches du gouvernement. Ce n’est certainement pas un tableau qui remet en question le gouvernement central. »

Sabine Van Sprang dans RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018 

La polysémie des œuvres de(s) Bruegel
Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

Dans un autre paysage hivernal encore Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux (voir ci-dessus), Bruegel l’Ancien dépeint des gens faisant du patin sur un fleuve gelé. Loin de sembler mourir de faim, comme on pourrait l’imaginer, la région est alors riche et l’économie florissante. La scène est festive, les gens semblent s’adonner à divers loisirs permis par le grand froid. L’artiste semble montrer l’aspect positif de l’hiver et les possibilités qu’ont les gens de s’amuser, alors que nous voyons plutôt les gens du peuple au travail, habituellement. Il semble donc bien exister une vie en dehors du travail !

Pourtant, on pourrait analyser cette peinture au-delà du visible. Le symbolisme est très présent dans les œuvres de la Renaissance et notamment chez Bruegel l’Ancien. On peut notamment voir un piège à oiseaux dans cette peinture. Or, les oiseaux symbolisaient l’âme. Ce piège pourrait donc être celui du Diable, prêt à attraper les gens s’adonnant trop aux plaisirs.
On remarque aussi un trou dans le lac gelé, dans lequel un imprudent pourrait facilement tomber.
Quant à la composition de la scène, elle nous place en hauteur par rapport au fleuve qui s’éloigne dans le lointain, disparaissant dans l’horizon hivernal. S’agit-il d’une allégorie de la vie, sur laquelle les patineurs glissent plus ou moins facilement, essayant de se maintenir debout, tant bien que mal, et d’éviter les dangers, les accidents ?

« Le Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, comme les autres scènes d’hiver de la main de Bruegel, est une oeuvre résolument innovante. Au cours des décennies suivantes, ces représentations enneigées donneront naissance à une véritable tradition picturale. Hendrick Avercamp (né à Amsterdam en 1585) en sera l’un des principaux tenants. Loin d’être des oeuvres uniquement contemplatives, les paysages hivernaux de Bruegel l’Ancien dissimulent souvent un sens caché. Outre les différents degrés de lecture possibles, ces paysages enneigés sont avant tout des fresques incroyablement vivantes illustrant les moeurs et coutumes du Brabant au XVIe siècle. »

Jennifer Beauloye, Bruegel et l’hiver, pour Google Arts & Culture

Une œuvre est toujours polysémique : elle a plusieurs sens. On peut la lire de façon littérale : décrire ce qu’on y voit. Puis, l’analyse nous amène à décrypter ses sens plus ou moins cachés. À titre personnel, c’est ce qui me plaît dans l’analyse d’oeuvre : l’impression d’être devant une énigme à résoudre, un coffre au trésor à ouvrir.

Conclusion

Bref, connu pour ses représentations de l’hiver, Bruegel a aussi peint de nombreuses autres œuvres et, par conséquent, dépeint d’autres saisons.

Les saisons sont le principal signe visible du temps qui passe. Elles sont perceptibles par tous les hommes, des plus pauvres aux plus puissants. Elles balisent nos existences depuis nos premiers pas jusqu’à la tombe. Elles ont longtemps semblé être immuables – nous savons aujourd’hui qu’elles sont le résultat d’un équilibre très fragile, que nous mettons à mal depuis maintenant plusieurs siècles. Quoi qu’il en soit, rien ne saurait arrêter la course folle du temps qui passe et c’est aussi ce dont parlent les œuvres de Bruegel.

Une chose semble rester éternelle, capable de traverser les temps, les frontières, dans ce tableau : les religions, les croyances (en l’occurrence chrétiennes). Bruegel n’en fait pas un élément ostentatoire de son œuvre et c’est en cela que l’on perçoit la montée du Protestantisme en terres de Flandres. Toutefois, elle est présente dans un coin de l’œuvre, discrète mais toujours présente. Malgré la dureté de l’hiver, malgré les conflits et tandis que la vie suit son cours, que le monde des hommes change, se transforme, évolue, Bruegel laisse entendre que la foi reste dans un coin des esprits et des cœurs, accompagnant la vie des hommes comme un héritage toujours d’actualité.

« Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison. »

Charles Baudelaire, « L’Horloge », dans Les Fleurs du mal, 1861.

Personnellement, je suis athée mais c’est ainsi que ma maman, aujourd’hui décédée, vivait sa foi chrétienne : dans son cœur, comme un élément de son jardin secret qui n’avait pas à être exposé en place publique. Cela lui faisait du bien et était important dans sa vie. En cette veille de Noël, comme toujours, j’aurai une pensée pour elle car elle me manque énormément et j’ose croire qu’elle aurait apprécié la lecture de cet article et les œuvres de Bruegel.


Sources :

Tine Luk Meganck, Sabine van Sprang (dir.), Bruegel et l’Hiver, Paris, Actes Sud, 2018.
Revue de presse, site d’Acte Sud pour Bruegel et l’Hiver.
RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018
Véronique Vandamme et Jennifer Beauloye pour Google Arts & Culture, « L’artiste et son métier, Bruegel peintre ».
Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019
Jennifer Beauloye, Bruegel et l’hiver, pour Google Arts & Culture

Egon Schiele ou l’art de la mort

Tout d’abord, je dédie cet article à mon n’amoureux qui a découvert Egon Schiele lors de notre voyage à Vienne, en 2017, et a tout de suite adoré ses peintures (et qui me tanne depuis pour que j’écrive cet article).

Je préfère prévenir tout de suite : âmes sensibles s’abstenir. Nos allons parler d’érotisme, de la mort, de la dépression aussi, sans doute. Nous allons même parler d’Hitler et ça ne sera même pas un point Godwin. Bref, si vous préférez les jolies œuvres zen et fleuries, mignonnes et colorées, je vous invite a vous rediriger plutôt vers cet article ou cet autre.

L’œuvre d’Egon Schiele : la rencontre entre Eros et Thanatos

Egon Schiele est un artiste autrichien du début du XXème siècle (1890-1918). Contemporain de Gustav Klimt, qu’il considère comme son mentor. Son style est pourtant très différent de celui du maître viennois de l’Art Nouveau et de la Sécession Viennoise.

On lui connaît des centaines de peintures, des milliers de dessins et d’aquarelles, des sculptures et des gravures. Mais ce qui est étonnant avec cet artiste, c’est que ses travaux ne cessent de faire polémique, encore aujourd’hui. Le principal reproche qu’on leur fait ? Ils sont d’un érotisme sans fard et, dans le même temps, dépeignent des corps désarticulés, quelque part entre la vie et la mort. Les marionnettes que peint Egon Schiele semblent évoluer entre le plaisir et la souffrance ; entre Eros et Thanatos.

Ses nombreux autoportraits ne sont pas en reste : Egon Schiele se représente tout aussi difforme que ses autres modèles, avec des membres démesurés mais squelettiques, la peau blafarde, parfois sale, dans des postures folles, douloureuses. Si ses autoportraits représentaient son état d’esprit, on peut penser que Schiele était bel et bien un de ces fameux « artistes maudits » ; de ceux-là même qui font aussi les grands génies.

Egon Schiele, l’artiste avant-gardiste
Egon Schiele, Femme assise genoux pliés, Crayon, aquarelle, gouache, 46 x 30,5 cm, 1917, Galerie nationale de Prague.
Egon Schiele, Femme assise genoux pliés, Crayon, aquarelle, gouache, 46 x 30,5 cm, 1917, Galerie nationale de Prague.

En fait, la première fois que l’on voit une œuvre d’Egon Schiele, il est difficile de la dater. Son travail est très différent de ce qui se fait alors à l’époque. Ses peintures sont très avant-gardistes et semblent beaucoup plus récentes qu’elles ne le sont en réalité.

En 1906, Egon Schiele entre à l’Ecole des Beaux-Arts de Vienne. Mais ne supportant plus les règles et l’académisme, il décide de quitter l’école pour fonder le Seukunstgruppe (Groupe pour le nouvel art) avec quelques amis.

Si Gustav Klimt et Egon Schiele pratiquent très différemment leur Art, ils éprouvent l’un pour l’autre un respect mutuel. Egon Schiele voit un maître en Gustav Klimt qui a 45 ans à leur rencontre quand lui n’en a encore que 17. En 1911, une des modèles de Klimt, Wally Neuzil, devient d’ailleurs sa compagne et sa muse.

Si l’artiste ne peine pas à être exposé dans les galeries et les expositions de son époque, pour certains critiques, les œuvres d’Egon Schiele sont les « excès d’un cerveau perdu ». D’ailleurs, alors qu’il s’installe avec sa femme à Krumlov, en Bohème du Sud, et que la ville met à sa disposition sa plus grande salle pour qu’il puisse y réaliser ses grands formats, les habitants n’hésitent pas à exprimer leur antipathie à son sujet, les poussant à déménager. Mais de retour dans les environs de Vienne, l’accueil n’est guère plus accueillant.

Le problème est toujours le même : les peintures d’Egon Schiele choquent par leur caractère étrange et érotique. On l’accuse même de détournement de mineurs, ce qui le conduit à effectuer vingt-quatre jours de prison. Certaines de ses œuvres sont confisquées par le tribunal départemental. On l’accuse d’outrage à la morale publique.

Une de ses œuvres les plus célèbres à l’époque est Le Cardinal et la nonne, hommage clair mais surtout extrêmement provocateur à l’œuvre emblématique de Gustav Klimt, Le Baiser.
Le message semble clair : l’amour et le sexe sont partout, y compris au sein même de l’Église et chez ceux qui se prétendent plus purs qu’aucun autre.

Est-ce une condamnation ? Sans doute pas car Egon Schiele peint également de très nombreux autoportraits. L’artiste dépeint seulement à sa manière un mariage que bien d’autres ont illustré avant lui : celui d’Eros et de Thanatos, celui de l’amour et de la mort, ces deux états par lesquels tous les êtres passent un jour ou l’autre.

Eros et Thanatos dans l’œuvre d’Egon Schiele

On associe particulièrement ces deux dieux grecs depuis Sigmund Freud et son fameux « complexe d’Œdipe ». Or, Freud est autrichien et contemporain d’Egon Schiele mais aussi de Gustav Klimt et de beaucoup d’artistes viennois (en particulier les avant-gardistes) de cette époque. Ses théories psychanalytiques vont inspirer tout ce petit monde, ainsi que beaucoup d’autres créateurs en Europe.

Toutefois, les artistes s’intéressent en fait depuis toujours à ces deux figures : l’amour (et plus exactement l’acte d’amour, le sexe, qui représente « la pulsion de vie » et l’acte créatif) et la mort (ou « la pulsion de mort », l’acte de destruction). Ce sont deux grands tabous (les plus grands ?) de l’humanité mais pour Freud elles sont constitutives de l’être humain et le fondement même de nos sociétés.

Egon Schiele, Portrait de Karl Zakovsek, Huile sur toile, 100 x 90 cm, 1910, Collection particulière, New-York.
Egon Schiele, Portrait de Karl Zakovsek, Huile sur toile, 100 x 90 cm, 1910, Collection particulière, New-York.

Un des poèmes qui illustre peut-être le mieux cet étrange couple Eros/Thanatos, est celui de Charles Baudelaire, Une Charogne. Alors que le poète nous parle ici d’une femme qu’il aime, il nous dépeint l’ensemble comme une « charogne », une viande morte, un cadavre en putréfaction.

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Rembrandt, Le Boeuf écorché, 1655, Musée du Louvre, Paris.
Rembrandt, Le Boeuf écorché, 1655, Musée du Louvre, Paris.

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Chaïm Soutine, Le Boeuf écorché, 1925, Musée de Grenoble.
Chaïm Soutine, Le Boeuf écorché, 1925, Musée de Grenoble.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

Egon Schiele, Nu masculin assis (Autoportrait), huile sur toile, 1910, Musée Leopold, Vienne.
Egon Schiele, Nu masculin assis (Autoportrait), huile sur toile, 1910, Musée Leopold, Vienne.

– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !

Charles Baudelaire, « Une Charogne« , in Les Fleurs du Mal, 1857.

Il y a quelque chose de très semblable dans l’œuvre d’Egon Schiele. (D’ailleurs, Les Fleurs du Mal firent également scandale au moment de leur publication, en 1857.) On ne saurait dire si son œuvre est belle ou laide. N’est-elle pas belle par sa laideur ? Ses corps décharnés nous fascinent et nous révulsent à la fois. Le choc des contraires, où se mêlent le plaisir et la douleur ainsi que, souvent, les regards de ses modèles, nous agrippent dans son univers torturé. Leurs attitudes et leurs postures, entre orgasme et folie, nous interrogent sur nos propres sentiments et sensations, si humains et pourtant si tabous. Schiele nous met face à nos propres contradictions, qui sont souvent l’œuvre de la société dans laquelle nous vivons.

C’est probablement une des raisons pour lesquelles son œuvre a fait et fait encore l’objet de nombreuses polémiques, parfois très violentes ; le temps passe mais les choses changent peu. Egon Schiele était en avance sur son temps – peut-être y compris sur le nôtre. Il en pâtira mais ne cessera jamais de créer jusqu’à sa mort prématurée, emporté par la grippe espagnole à l’âge de 28 ans seulement. (Il dépasse de peu le Club des 27, dommage… attendez, suis-je en train de regretter qu’il ait vécu un an de plus, le pauvre ? Meh. C’est pas ma faute, la légende aurait apprécié c’est tout).

Egon Schiele, La Famille, huile sur toile, 1918, 150 x 160,8 cm, Österreichische Galerie Belvedere, Vienne.
Egon Schiele, La Famille, huile sur toile, 1918, 150 x 160,8 cm, Österreichische Galerie Belvedere, Vienne.

Sa dernière oeuvre, La Famille, est dramatique car elle montre le jeune homme se projeter dans l’avenir. Il se représente avec sa femme et imagine son enfant à naître. Néanmoins, son épouse, Edith, enceinte de six mois, mourra elle aussi de la grippe espagnole, quelques jours avant lui.

Ni Klimt, ni Klee : le style inclassable d’Egon Schiele

Egon Schiele fut proche de Gustav Klimt, comme nous l’avons vu, mais il rencontra aussi un autre grand artiste de son temps, Paul Klee, en rejoignant le groupe « Sema » de Munich. Pourtant, les œuvres d’Egon Schiele ne ressemblent ni à celles de Klimt, ni à celles de Klee. Ils comptaient pourtant tous deux parmi ses modèles et, surtout, furent tous deux de grands innovateurs et deux grands noms de l’Art Moderne au cours de la courte vie d’Egon Schiele.

Egon Schiele, Autoportrait avec un récipient noir, huile sur panneau, 1911, Kunsthistorisches Museum, Vienne.
Egon Schiele, Autoportrait avec un récipient noir, huile sur panneau, 1911, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

Néanmoins, on constate rapidement, en observant ses œuvres, qu’Egon Schiele, malgré le caractère unique de ses travaux, s’inspirait beaucoup de ceux qu’il admirait.

Admiration mutuelle et inspiration partagée

C’est ainsi que l’on trouve des hommages mais aussi des airs de famille entre ses œuvres et celles, notamment, de Klimt ou de Klee. C’est le cas pour Le Cardinal et la nonne dont nous avons parlé plus avant et qui est directement inspiré par Le Baiser de Klimt. Mais c’est aussi le cas de certaines scènes où Egon Schiele délaisse un peu ses portraits pour peindre des bâtiments, des façades étrangement géométriques, comme Klee (même si, en regardant bien certaines dates, l’inspiration semblait mutuelle, d’autant plus que Klee survécu à Schiele). Ou encore quand il réalise des paysages presque abstraits, comme Soleil d’Automne.

Egon Schiele, Façade sur la rivière, huile sur toile, 1915, Leopold Museum, Vienne.
Egon Schiele, Façade sur la rivière, huile sur toile, 1915, Leopold Museum, Vienne.
Paul Klee, Petit village sous le soleil d'automne, Huile sur carton, 1925, Musée d'art du comté de Los Angeles (LACMA), Etats-Unis.
Paul Klee, Petit village sous le soleil d’automne, Huile sur carton, 1925, Musée d’art du comté de Los Angeles (LACMA), Etats-Unis.
Egon Schiele, Soleil d'automne I (Lever de soleil), huile sur toile, 1912, 80,2 x 80,2 cm, Collection privée, New-York.
Egon Schiele, Soleil d’automne I (Lever de soleil), huile sur toile, 1912, 80,2 x 80,2 cm, Collection privée, New-York.
Egon Schiele, Arbre d'automne dans le vent, Huile sur toile, 1912n Leopold Museum, Vienne.
Egon Schiele, Arbre d’automne dans le vent, Huile sur toile, 1912n Leopold Museum, Vienne.

Comme ce dernier, Egon Schiele est d’ailleurs souvent rattaché à l’Expressionnisme. Leurs styles sont pourtant très différents. Au premier abord, la première chose qui nous frappe, est que les œuvres d’Egon Schiele sont, en comparaison, plus figuratives que celle de Paul Klee. Celui-ci tend vers l’abstraction, comme son ami Vassily Kandinsky. De plus, Paul Klee use d’une palette aux couleurs plus vives et chatoyantes que Schiele. Étant d’abord musicien, quand il laisse place au vide, ça n’est pas pour autant le silence qui nous assourdit. Ses œuvres semblent fourmiller de vie (de « pulsion de vie », comme dirait Freud). Celles de Schiele, avec ses corps fragiles, désarticulés comme des marionnettes aux fils détendus, incapables de se tenir correctement, évoquent la mort – y compris la « petite mort », autre nom de l’orgasme.

Il faut croire que les contraires s’attirent bel et bien.

« On peut y voir aussi la représentation de la condition humaine entre deux morts : la « petite mort » de l’acte d’amour d’où renaît la vie et la seconde mort, la mort réelle, d’où l’on ne revient plus et par laquelle on disparaît définitivement. »

Jean-Marie Nicolle, « Orphée« , in L’indispensable en culture générale, 2008, p.17.

Egon Schiele, Faire l'amour, Gouache et craie noire sur papier, 49,6 × 31,7 cm, 1915, Leopold Museum, Vienne.
Egon Schiele, Faire l’amour, Gouache et craie noire sur papier, 49,6 × 31,7 cm, 1915, Leopold Museum, Vienne.

Toutefois, ils semblent partager une soif créatrice inextinguible, se délectant de pouvoir représenter ce qu’ils voient mais surtout ce qu’ils ressentent, perçoivent, éprouvent…

« Si tous deux sont particulièrement préoccupés par l’esthétique de l’érotisme, d’un point de vue stylistique, le travail de Gustav Klimt est formellement ordonné et décoratif, tandis que celui d’Egon Schiele est plus torturé et plus expressif. Le premier s’efforce d’atteindre, par des moyens formels, un ordre qui, comme c’est le cas chez le peintre hollandais Piet Mondrian (1872-1944) s’adapte à l’ensemble de la collectivité. Egon Schiele, plus proche en revanche du peintre allemand Paul Klee (1879-1940), transcrit des idées très personnelles qui ont le pouvoir d’évoquer des expériences communes. Singulièrement, Gustav Klimt peut être considéré comme un artiste emblématique d’un style de fin de siècle, tandis que Schiele incarne la prise de conscience nouvellement acquise de l’homme du XXème siècle. Ensemble, les deux artistes représentent l’incroyable richesse créative des années 1900. »

Nadège Durant, « Gustav Klimt et la sensualité féminine: Entre symbolisme et Art nouveau« , in 50 Minutes, p.31-32.

Klimt, le maître viennois

Evidemment, Klimt est un modèle pour la plupart des artistes viennois et européens de son époque et est encore aujourd’hui connu partout dans le monde. Pourtant, nombre de ses œuvres ont été détruites pendant la guerre. De certaines, il ne nous reste que des photographies en noir et blanc qui ne sauraient rendre justice à son art. Mais si Klimt reste aussi admiré et respecté de nos jours, c’est aussi parce que nombre d’artistes se sont depuis inspirés de son travail. Schiele en fit partie.

On retrouve le fond d’or, cher à Gustav Klimt, dans Mère avec deux enfants. Il représente ici une étrange Madonne au visage squelettique, semblant bercer deux enfants – ou deux poupons – dont tout laisse penser que l’un d’eux est mort. Dans Mère Morte (voir ci-dessous), peinture très sombre qui contraste énormément avec Mère avec deux enfants, Schiele semble évoquer le décès d’un de ses frères, mort-né. L’enfant, les yeux vides, est encerclé par un grand châle noir qui évoque le ventre de sa mère.

Egon Schiele, Mère avec deux enfants, huile sur toile, 1915, Leopold Museum, Vienne.
Egon Schiele, Mère avec deux enfants, huile sur toile, 1915, Leopold Museum, Vienne.

Ceci étant dit, si Gustav Klimt détestait le vide, Egon Schiele semble s’en délecter. Il place rarement ses personnages dans un décor, préférant généralement un fond dépouillé et vitreux. Ses nus provocateurs, cernés d’épais contours, semblent ressortir encore davantage au milieu de cette absence, nous poussant à les regarder, à rougir de leur posture et de leurs activités ; leur chair tuméfiée contrastant avec l’aspect livide de leur toile de fond.

Egon Schiele, Mère morte (Tote Mutter), 32,1 × 25,8 cm, 1910, Leopold Museum, Vienne.

Comme Klimt, pourtant, Schiele manie à merveille l’art de transformer les corps à sa manière. Il les déforme, creuse ou allonge par endroits. Certains visages n’ont plus rien d’humain (voir ci-dessous), plus proches de la marionnette, cet étrange objet qui nous laisse toujours un sentiment d’inquiétante-étrangeté (encore une idée de Freud, tiens !) Parfois, il peint même des parties du squelette de ses modèles (voir le portrait de Karl Zakovsek, plus haut, dont la main est particulièrement osseuse et les proportions très déformées, caricaturales).

De son côté, Klimt peint des corps longilignes et élégants, très séduisants et d’une grande beauté. C’est d’autant plus vrai que l’habilité de l’artiste pour l’art décoratif est aussi brillant que ses œuvres (lâche un commentaire si tu penses que je ne manque pas d’humour, jeune freluquet).

Il partage en tout cas le même intérêt que Klimt pour les femmes. Elles semblent beaucoup l’inspirer et sont au centre de nombre de ses travaux. Il peint aussi beaucoup l’amour lesbien.

Egon Schiele, Couple de femmes amoureuses, crayon et aquarelle, 32,5 × 49,5 cm, 1912, Palais Albertina, Vienne.
Egon Schiele, Couple de femmes amoureuses, crayon et aquarelle, 32,5 × 49,5 cm, 1912, Palais Albertina, Vienne.

Mais les toiles de Schiele sont loin d’être les quasi-icônes peintes par Klimt, dans un style rappelant beaucoup l’art chrétien byzantin et ses fonds d’or à la fois décoratifs et symboles divins. Malgré leur amitié et leur respect mutuel, leurs préoccupations semblent diamétralement opposées. L’un semble être le peintre de la beauté ; l’autre de la laideur. Comme les deux faces d’une même pièce, unies et à la fois à jamais opposées.

Gustav Klimt, Adèle Bloch-Bauer I, Huile et feuille d'or sur toile, 138 x 138 cm, 1907, Neue Galerie, New York.
Gustav Klimt, Adèle Bloch-Bauer I, Huile et feuille d’or sur toile, 138 x 138 cm, 1907, Neue Galerie, New York.

Egon Schiele et Adolf Hitler : ont-ils pu se croiser ?

Sensiblement à la même période, les deux hommes postulent aux Beaux Arts de Vienne. L’un y sera accepté, l’autre pas. Drôle de destin croisé.

Egon Schiele, Prisonnier de guerre russe, 1915.
Egon Schiele, Prisonnier de guerre russe, 1915.

Egon Schiele et Adolf Hitler n’ont qu’un an de différence : le premier est né en 1890, l’autre en 1889. Tous deux se rêvent artiste et se retrouvent sur le chemin de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. Egon Schiele, nous l’avons vu, parviendra à y entrer mais pliera bagage rapidement. Profondément avant-gardiste, il ne pouvait supporter les règles imposées par ses maîtres. Adolf Hitler, lui, sera plusieurs fois refusé au concours d’entrée de l’Ecole (la seconde fois, il ne sera même pas autorisé à passer le concours d’entrée !). Au contraire d’Egon Schiele, il est jugé trop conventionnel. Il manque de talent.

Il m’était impossible de ne pas comparer leurs histoires tant elles me semblent paradoxales. Egon Schiele mourra bien avant qu’Hitler ne parvienne au pouvoir mais il aura le temps de croiser la route de nombreux artistes que le régime nazi nommera « dégénérés« . Au cours de sa carrière, Egon Schiele, lui, s’inspirera des déments – les vrais, les malades – internés en asile psychiatrique. Il les observera pour réaliser ses œuvres et travailler les postures, les attitudes si expressives et désarticulées de ses portraits. Il percevra l’intérêt et la beauté (au sens esthétique du terme) dans cette apparente laideur – dans la maladie, dans l’ombre des instituts fermés, cachés aux yeux du monde, dans ce que d’aucuns appelleraient la monstruosité, ou simplement dans la différence, dans l’altérité. Il faut dire qu’il est confronté très tôt à la folie car son père est atteint par la syphilis.

En bref, tout ce qu’Hitler cherchera à détruire, quelques années plus tard, Schiele aura essayé de le mettre en lumière et s’en servira pour créer. Pulsion de vie et pulsion de mort ; création et destruction ; Eros et Thanatos réunis une fois encore par un étrange lien, presque imperceptible.

Egon Schiele, Autoportrait debout avec un gilet au motif paon, Huile sur toile, 1911, Collection Ernest Ploil, Vienne.
Egon Schiele, Autoportrait debout avec un gilet au motif paon, Huile sur toile, 1911, Collection Ernest Ploil, Vienne.

[wysija_form id= »2″]

Sources :

Egon Schiele, Article Wikipédia
Egon Schiele, la vérité nue de l’expressionnisme viennois – France TV Education
5 faits méconnus sur Egon Schiele – BeauxArts
Egon Schiele vs Jean-Michel Basquiat, les enfants terribles du XXe siècle
Egon Schiele – Vikidia
Egon Schiele (1890-1918), génie provocateur – Danube Culture
Harry Bellet, « Egon Schiele, le renégat », in Le Monde, 2018.

Le Cône d’Avanton : un objet pas banal !

Suis-je capable d’écrire un article sur un objet d’art dont je ne sais a priori rien, en dehors du fait qu’il m’a fait beaucoup rire la première fois que je l’ai vu ? Oui. Je l’avais promis, je le fais. (Poke les copains de Twitter)

Non, l’art n’est pas ennuyeux. Et même quand il peut sembler poussiéreux au premier abord, il peut finalement s’avérer être très amusant. En témoigne cette… chose.

Cône d'Avanton Artefact datant de l'âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.) Or. 53 cm de haut, 321 g. Découvert en 1844 à Avanton (Vienne) Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d’Avanton
Artefact datant de l’âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.)
Or. 53 cm de haut, 321 g.
Découvert en 1844 à Avanton (Vienne)
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale

Non, ne niez pas : vous avez ri, je le sais. Parce que ce que vous venez de voir, d’imaginer, de comparer avec cet objet, je l’ai vu, imaginé, comparé avant vous (non, je n’ai pas l’esprit mal placé… si, en fait, carrément, mais vous aussi de toute façon).  Et il semble que nous ne soyons pas les seuls car les spécialistes ont longtemps cru que cet objet servait un culte lié à la fertilité. Je vous fais un dessin ?… Bon, ok : oui, on peut penser que c’est la forme phallique de ce très bel objet entièrement fait d’or qui a mené à imaginer cette première hypothèse. Pourtant l’hypothèse actuelle est beaucoup plus surprenante (en tout cas, moi, je n’y aurais JAMAIS pensé).

A quoi pouvait donc bien servir ce cône rituel ? Mais voyons, mais c’est bien sûr ! C’était un couvre-chef !… (je vous laisse digérer l’idée parce que j’ai cru que c’était une blague quand j’ai lu ça la première fois) Oui, cet objet serait ce qu’il nous reste d’un chapeau, d’une toque, d’une mitre, d’un machin haut-de-forme que les « prêtres » de l’époque portaient sur leur tête. Probablement au cours de cérémonie liées à un culte solaire. D’où la matière utilisée : l’or ; ainsi que les motifs représentés sur l’ensemble de l’objet, se rapportant à un culte solaire avéré à l’époque ; et la taille de l’objet qui pouvait symboliquement « viser » ou « s’élever » vers le ciel.
Vous me direz, du coup, ça reste relativement phallique quand même… Et un chouïa présomptueux (« Tu as vu comme mon gros cône doré est beau et haut, Dieu solaire ?! »).

guillemet« Le cône d’Avanton présente un décor constitué d’une succession de frises séparées par de fines cannelures. Son sommet porte des triangles disposés en étoile. L’objet est orné sur toute sa surface de motifs géométriques en relief, principalement circulaires et hémisphériques.

Les cercles concentriques, les spirales ou les roues sont reconnus comme des symboles solaires. Les hommes de l’âge du bronze d’Europe occidentale ne disposaient pas encore de l’écriture, et leur religion est difficile à appréhender par l’archéologie seule. Cependant leurs croyances devaient être fondées sur l’observation des phénomènes naturels comme la course du soleil à travers le ciel. Le soleil est lié au cycle du jour et de la nuit, aux saisons et au feu. Ce culte du soleil en Europe est d’ailleurs attesté par le char en bronze de Trundholm, découvert au Danemark, qui supporte un disque solaire recouvert d’une feuille d’or. L’or est inaltérable et d’un jaune brillant. Il fut spontanément associé à l’astre solaire. »  (Source)

Cône d'Avanton (détails) Artefact datant de l'âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.) Or. 53 cm de haut, 321 g. Découvert en 1844 à Avanton (Vienne) Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d’Avanton (détails)
Artefact datant de l’âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.)
Or. 53 cm de haut, 321 g.
Découvert en 1844 à Avanton (Vienne)
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d'Avanton (détails) Artefact datant de l'âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.) Or. 53 cm de haut, 321 g. Découvert en 1844 à Avanton (Vienne) Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale
Cône d’Avanton (détails)
Artefact datant de l’âge du bronze (v.2000 av. J.C. à 750 av. J.C.)
Or. 53 cm de haut, 321 g.
Découvert en 1844 à Avanton (Vienne)
Saint-Germain-en-Laye, musée d’Archéologie nationale

Certes, la forme de ce cône peut aujourd’hui prêter à sourire. Cet objet n’en est pas moins le résultat d’une prouesse technique pour l’époque puisqu’il fut réalisé dans « une seule tôle d’or mise en forme sans soudure » et son épaisseur est « inférieure à un demi-milimètre ». (Source). Toutefois, le cône d’Avanton fut découvert en très mauvais état et dû être restauré.

A ce jour, les archéologues n’ont retrouvé que quatre cônes de ce genre dans le monde. Celui d’Avanton est le seul qui ait été retrouvé en France (à Avanton, donc, dans la Vienne, comme son nom l’indique). Cela laisse penser qu’il existait une communauté partageant un culte semblable dans ces régions d’Europe à l’époque.

Toutefois, le Cône d’Avanton, contrairement à ceux découverts en Allemagne, n’est pas complet : il manque, à sa base, une sorte de collerette. Or, « cette idée de chapeau relève d’une observation : la base élargie en collerette ovale des cônes allemands, partie que le cône d’Avanton a perdue, présente une ouverture de même taille que le tour de tête d’un homme adulte » (Source).

Dans l'ordre :  - Le cône de Schifferstadt (Allemagne), vers 1500-1250 av. J.C. - Le cône d'Avanton - Le cône de Berlin (vers 1000-800 av. J.C.) - Le cône d’Ezelsdorf (Allemagne) vers 1000-800 av. J.C.
Dans l’ordre :
– Le cône de Schifferstadt (Allemagne), vers 1500-1250 av. J.C.
– Le cône d’Avanton
– Le cône de Berlin (vers 1000-800 av. J.C.)
– Le cône d’Ezelsdorf (Allemagne) vers 1000-800 av. J.C.
Cône de Berlin Datant de 1000-800 av. J. C. Conservé au Musée de la Préhistoire et de Protohistoire de Berlin
Cône de Berlin
Datant de 1000-800 av. J. C.
Conservé au Musée de la Préhistoire et de Protohistoire de Berlin

Du coup, il est difficile de se représenter un chapeau à partir de l’observation du seul Cône d’Avanton. Même si je trouve, personnellement, que cela reste aussi difficile après avoir vu les autres… Je veux dire, arrêtez-vous deux secondes et imaginez-vous la scène : nous sommes en plein âge du bronze et des gars (bon, ok, pas le premier clampin du coin, mais quand même) portent des cônes comme celui-ci sur leur tête… On peut d’ailleurs imaginer qu’ils font ça avec le plus grand sérieux du monde, si cela se fait bien dans le cadre d’une cérémonie religieuse ou rituelle… Ca y’est ? Vous voyez un peu le ridicule de la chose ? (bon, je suis un peu méchante, j’avoue… bouarf, on peut bien se moquer un peu des religions, non ? NON BAISSEZ CETTE KALACH § J’AI MÊME PAS DE CRAYON §)

Ceci dit, lorsque c’est chose faite, je trouve cet objet non seulement encore plus amusant mais surtout plus intéressant qu’au point de départ. Pas vous ? (vous avez le droit de dire non, hein)


Cet article vous a plu ? Vous connaissiez le cône d’Avanton ? Pas du tout ? Il vous a amusé ? Non ? Dites-moi tout dans les commentaires, ci-dessous ;)

Sources :
Panorama de l’art : Le cône d’Avanton
Historique d’Avanton

La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels

La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels  Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), Genève, 2014
La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels
Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), Genève, 2014

 

Je plaide coupable : j’ai tendance à être un peu geek sur les bords… Okay, c’est grave incrusté en fait, bien en profondeur. Alors, quand j’ai vu cette montre, j’ai évidemment craqué. Que dis-je ! Je suis tombée follement amoureuse ! (bah oui, les mécanismes, les machines, tout ça, ça me fascine) Même si, il faut bien que je me l’avoue, je n’aurai jamais les $245,000 qu’elle coûte pour me l’offrir (oui, je me montre lucide, parfois).

Il n’empêche que voilà une petite merveille. Présentée au Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH) à Genève, cette montre n’est ni plus ni moins qu’une création de Van Cleef & Arpel, l’entreprise de joaillerie franco-suisse. Et vous allez voir qu’elle mérite bien un petit descriptif, car c’est un objet plutôt magique.

 

Montre Van Cleef & Arpel
La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels
Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), Genève, 2014

 

Montre Van Cleef & Arpel
La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels
Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), Genève, 2014

 

Montre Van Cleef & Arpel
La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels
Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), Genève, 2014

 

En effet, en plus de lire l’heure au moyen d’une étoile filante qui tourne le long de son cadran, la montre affiche la rotation précise de la Terre et des cinq autres planètes de notre système solaire. Ainsi, Mercure effectue sa rotation autour du Soleil en 88 jours, Vénus en 224, la Terre en un an, Mars en 687 jours, Jupiter en 12 ans et, enfin, Saturne en 29 ans !

Cette montre n’est donc pas seulement très belle, elle renferme aussi un dispositif d’horlogerie très complexe.
Rappelons que l’horlogerie s’est souvent inspirée des cieux et a longtemps été fascinée par le mouvement des planètes. Ainsi, certaines horloges astronomiques sont de vraies merveilles d’ingéniosité (par exemple, celle de Strasbourg, dont je vous ai déjà parlé). Cette montre en est la digne héritière. Elle est peut-être d’autant plus fascinante qu’elle tient au poignet alors que ses descendantes prennent généralement une place énorme (celle de Strasbourg se situe dans la Cathédrale de la ville !).
Autre détail technique qui s’inscrit dans l’ambition poétique des créations Van Cleef & Arpels depuis quelques années, l’idée d’intégrer un système de « jour de chance » à cette montre. Il est défini par le propriétaire de l’objet et, quand arrive ce jour, la Terre vient se placer sous la petite étoile du cadran.

Enfin, notons pour le détail de la chose que chaque planète est représentée par une pierre précieuse. De fait, il s’agit tout de même de la création d’une joaillerie ! Une version plus extravagante encore est même sertie de diamants… Quant au bracelet, il s’agit de cuir d’alligator noir (rien que ça !).

Montre Van Cleef & Arpel
La montre Poétique Midnight Planétarium de Van Cleef & Arpels
Salon International de la Haute Horlogerie (SIHH), Genève, 2014

 

guillemet« Après avoir mis l’accent sur les constellations, Van Cleef & Arpels place sa collection Midnight in Paris en orbite et fait danser le système solaire sur le cadran de sa nouvelle montre Poétique Midnight Planétarium. Aventurine, turquoise, jaspe rouge, agate bleue, serpentine… Symbolisés par ces pierres fines, ces astres évoluent à leur propre rythme et dissimulent un mouvement mécanique à remontage automatique, équipé d’un module Christiaan van der Klaauw spécialement développé pour la maison Van Cleef & Arpels. Une complication aussi spectaculaire qu’envoûtante, qui a su attirer tous les regards du dernier SIHH. »

[Source]

Cette montre n’étant pas la première ni la seule magnifique création de la joaillerie en matière de montre, je vous propose de découvrir ci-dessous quelques-uns de mes coups de coeur. Je m’intéresse en particulier à la série s’inspirant des romans de Jules Verne car je travaille actuellement sur le Steampunk, alors vous vous doutez sûrement à quel point ça peut me plaire. Ces montres témoignent non seulement d’un savoir-faire mais mettent aussi en scène une esthétique romantique bien française (bien que surtout parisienne). Quelque chose qui tient de la Belle Epoque qui fait encore rêver le monde entier aujourd’hui. Voici les merveilles :

 

Cinq semaines en ballon, Van Cleef & Arpels
Cinq semaines en ballon, Van Cleef & Arpels
Inspiré du roman de Jules Verne
2011

 

Vingt-milles lieues sous les mers, Van Cleef & Arpels
Vingt-milles lieues sous les mers, Van Cleef & Arpels
Inspiré du roman de Jules Verne
2011
Boîtier en or blanc. Email paillonné translucide. Mouvement 800P automatique. Bracelet en alligator avec boucle déployante. Edition limitée à 22 exemplaires.

 

De la Terre à la Lune, Van Cleef & Arpels
De la Terre à la Lune, Van Cleef & Arpels
Inspiré du roman de Jules Verne
2011
Boîtier en or blanc. Email paillonné translucide. Mouvement 800P automatique. Bracelet en alligator avec boucle déployante. Edition limitée à 22 exemplaires.

 

Montre Midnight in Paris, Van Cleef & Arpels Or blanc "La montre Midnight in Paris de Van Cleef & Arpels permet aux passionnés d’horlogerie, où qu’ils soient dans le monde, de voir la position exacte des étoiles dans le ciel de Paris. Ainsi, celui qui porte cette montre possède non seulement une fenêtre sur la voûte céleste mais aussi un peu de la magie de la ville lumière. Les étoiles scintillent sur un cadran en verre aventurine bleu nuit. Le mouvement assure leur rotation quasi-imperceptible sur un cycle de 365 jours, dévoilant ainsi leur position exacte dans le ciel de Paris. Le calendrier situé sur le fond du boîtier en or blanc est serti de véritable météorite. Diamètre : 41mm. Mouvement : Mécanique suisse adapté d’un mouvement Jaeger LeCoultre 849." [Source]
Montre Midnight in Paris, Van Cleef & Arpels
Or blanc
« La montre Midnight in Paris de Van Cleef & Arpels permet aux passionnés d’horlogerie, où qu’ils soient dans le monde, de voir la position exacte des étoiles dans le ciel de Paris. Ainsi, celui qui porte cette montre possède non seulement une fenêtre sur la voûte céleste mais aussi un peu de la magie de la ville lumière. Les étoiles scintillent sur un cadran en verre aventurine bleu nuit. Le mouvement assure leur rotation quasi-imperceptible sur un cycle de 365 jours, dévoilant ainsi leur position exacte dans le ciel de Paris. Le calendrier situé sur le fond du boîtier en or blanc est serti de véritable météorite. » [Source]
Montre Pont des Amoureux, Van Cleef & Arpels
Montre Pont des Amoureux, Van Cleef & Arpels
Or blanc, Diamant
« Grâce à son mouvement rétrograde, les deux amoureux de la montre Pont des Amoureux se retrouvent à minuit sur le célèbre Pont des Arts à Paris. Cette rencontre romantique symbolise les moments les plus heureux d’une vie : ceux de l’amour. Sur un cadran en émail contre-jour, la montre Le Pont des Amoureux met en scène deux amoureux dont la promenade romantique marque le temps qui passe jusqu’au rendez-vous tant attendu. Mus par un mouvement rétrograde, les personnages avancent l’un vers l’autre et se retrouvent à midi et minuit pour un baiser, chérissant leur amour pour l’éternité. » [Source]
Lady Arpels Poetic Wish et Midnight Poetic Wish, Van Cleef & Arpels  2012 [ Plus d'informations ]
Lady Arpels Poetic Wish et Midnight Poetic Wish, Van Cleef & Arpels
2012
[ Plus d’informations ]
Montre Lady Arpels Une journée à Paris, Van Cleef & Arpels
Montre Lady Arpels Une journée à Paris, Van Cleef & Arpels
Or blanc / Or rose

 

Lady Arpels Polar Landscape Seal Deco, Van Cleef & Arpels
Lady Arpels Polar Landscape Seal Deco, Van Cleef & Arpels
Prix de la montre Joaillerie et Métiers d’Art
Grand Prix d’Horlogerie de Genève (GPHG), 2011

 

Butterfly Symphony , Van Cleef & Arpels
Butterfly Symphony , Van Cleef & Arpels
Prix de la Montre Dame du Grand Prix du Public, Genève, 2011
[ Plus d’informations ]

Sources :
Site Officiel de Van Cleef & Arpels
Précieux Conseils : Conseil privé en joaillerie
Cool Hunting

Temple of black light

Ces photographies ont été prises par le photographe américain Jon Sheer.

Il s’agit du magnifique intérieur d’un temple bouddhiste situé dans un petit village de pêcheurs de la banlieue de Phnom Penh au Cambodge. C’est un lieu incroyablement coloré et richement décoré qui a de quoi impressionner. Peint du sol au plafond, le temple est recouvert de scènes aux couleurs chatoyantes. L’endroit laisse rêveur.

Le photographe a d’ailleurs surnommé cette série de photos « Temple of black light », c’est-à-dire littéralement « Temple à la lumière noire » car l’effet obtenu est semblable à ce que l’on peut voir sur des clichés pris à la lumière noire. La lumière noire est souvent utilisée pour créer des effets esthétiques dans des soirées, faisant ressortir les blancs des tissus synthétiques, par exemple. On l’utilise également pour donner l’impression d’une certaine fluorescence. Or, cette effet est ici créé par l’association de couleurs : en particulier un bleu outremer profond fait ressortir le jaune, l’ocre ou l’or. Nous avons l’impression que ces photographies ont été prises à la lumière noire mais il n’en est rien : aucun filtre, aucune lumière particulière n’ont été utilsés. Le temple est bel et bien tel qu’on le voit sur ces clichés.

L’ensemble est hypnotique. Il forme, à mon sens, un lieu idéal de transe.

Je ne peux malheureusement pas vous apporter plus d’informations sur ce temple car je n’en ai pas trouvé. Alors si quelqu’un veut ajouter quelque chose, je serai ravie !

temple-of-black-light-04 temple-of-black-light-03 temple-of-black-light-02 temple-of-black-light