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Le couple démoniaque : petite histoire d’oni

Couple Japonais au masque
Photographie ou photomontage d’un couple japonais portant un masque d’Hannya.

Je suis tombée par hasard sur cette très curieuse image. J’ai longtemps cherché des informations à son sujet avant de me décider à vous en parler car je ne voulais pas vous dire de bêtise à son sujet. Malheureusement, il est difficile, voire impossible de trouver de vraies informations à son sujet. Je ne peux donc pas affirmer qu’il s’agit d’un photomontage. Peut-être est-ce une véritable photographie, même si cela me semble peu probable (encore que, s’il s’agit d’un photomontage, ça me semble quand même très bien fichu… Ok, c’est peut-être une vraie photo).
Quoiqu’il en soit, je tenais à partager cette découverte avec vous.

Alors, qui, quoi, où, pourquoi, comment ?

Masque d’un oni nommé Hannya ?

Cette image nous montre un couple japonais portant des masques de démons (Oni en japonais).
D’après les informations qu’on m’a données (merci beaucoup, d’ailleurs !), il s’agirait d’un masque de Hannya, c’est-à-dire un masque utilisé dans le théâtre japonais Noh et symbolisant un démon femelle jaloux ou un serpent.

Il peut être difficile, à première vue, de considérer que ce démon puisse représenter une femme. Pourtant, dans les légendes fantastiques et les croyances, Hannya représente le fantôme d’une jeune femme revenue de l’au-delà afin d’assouvir son désir de vengeance. Ce démon, fort dangereux, représente surtout la colère et la jalousie.

L’apparence de ce démon peut légèrement varier d’un masque à l’autre. S’il est rouge, par exemple, il représente la jalousie et le crime passionnel qui peut-être engendré. S’il est vert en revanche, il représentera davantage la colère, voire la rage de la femme blessée et bafouée par son homme.

Il s’agirait donc probablement d’un couple d’acteurs, s’il s’agit bel et bien d’une photographie.

Le couple se trouve dans un intérieur typiquement nippon. La femme porte d’ailleurs un très beau kimono (en admettant qu’il s’agisse bien d’une femme, sous ce masque, car si ce sont des acteurs, il est fort probable que ce soit un homme : les femmes ne pouvaient monter sur scène).

Autre théorie : l’ogresse ou oni-baba

Ce masque peut aussi faire penser au mythe de l’oni-baba. Le terme « oni-baba » regroupe les vieilles sorcières et ogresse du folklore japonais. Il en existe donc tout un panel qui agit pour des raisons diverses et variés, selon les histoires locales. On raconte que les oni-baba vivent plutôt dans les montagnes. Le jour, elles ressemblent à de gentilles grands-mères sans défense et c’est ainsi qu’elles parviennent parfois à attirer les voyageurs qu’elles dévoreront, la nuit venue, après leur avoir offert de passer la nuit dans sa grotte ou sa petite maisonnette.

La nuit, donc, elle se transforme en horrible créature qui peut prendre les traits du masque que portent nos deux étranges personnages de la photo. La preuve avec ces screenshots du film Oni-baba de 1964 :

Ou encore dans le manga et l’anime « Divine Nanami » (Kamisama Hajimemashita) où l’ogresse (oni-baba) parvient à duper le personnage de Nanami dans l’optique de la dévorer :

Je vous conseille d’ailleurs la lecture de ce manga si vous souhaitez en apprendre plus sur les croyances Shintoïstes de façon romancées. C’est à la fois distrayant et instructif.

Alors, masque d’oni ? Photomontage ? Pourquoi ?

Ma foi, on n’en sait toujours pas beaucoup plus ! Si ce n’est sur la signification de leur masque, donc.

Notons en tout cas que les Oni (ou démons) sont des créatures du folklore japonais très divers et très nombreux. Il existe énormément de divinités (kami) au Japon et il existe tout autant de démons (oni) !

Difficile de dire pourquoi ce couple porte ici un masque à l’effigie de ces créatures puisque les Oni peuvent être, à la fois, malfaisants ou bienfaiteurs. Dans les anciennes légendes, les Oni sont des créatures bienveillantes qui chassent les mauvais esprits et punissent les criminels. Ce sont alors de puissants esprits des montagnes auxquels on fait des offrandes pour qu’ils protègent les villages alentours, en particulier des tremblements de terre. Leur réputation se détériore ensuite peu à peu et ils deviennent de plus en plus violents et cruels à travers des contes et des pièces de théâtre où ils dévorent des hommes.

Masque d'Hannya, l'un des démons japonais les plus connus au monde. Il apparaît notamment dans des manga, animes et reste très présent dans le théâtre nippon.
Masque d’Hannya, l’un des démons japonais les plus connus au monde. Il apparaît notamment dans des manga, animes et reste très présent dans le théâtre nippon.

En tout cas, cette image (celle du couple) a le mérite de retenir l’attention. Je la trouve perturbante et un peu effrayante, je dois bien l’avouer. Comme sortie d’un autre temps, elle est mystérieuse. Elle semble être hantée.

般若 (Hannya) par Mizuki Shigeru
般若 (Hannya) par Mizuki Shigeru

A noter que si vous possédez plus d’informations concernant l’image de ce couple japonais, je suis preneuse ! N’hésitez pas à partager vos connaissances via les commentaires ! Et si jamais vous deviez croiser l’oni-baba… fuyez !

Joel-Peter Witkin – Le Baiser

Mon année de Master commence avec la découverte d’artistes pour le moins fascinants mais, il faut aussi l’admettre… glauques. Âmes sensibles s’abstenir car l’histoire qui se cache derrière la photographie dont je vais vous parler aujourd’hui pourrait bien vous faire cauchemarder.

Joel-Peter Witkin, Le Baiser, Photographie, 1883.
Joel-Peter Witkin, Le Baiser, Photographie, 1883.

Il s’agit d’une photographie de Joel-Peter Witkin datant de 1983. Cet artiste américain avait pour habitude de trainer dans les morgues et de choisir pour modèles tantôt des cadavres, tantôt des personnes atteintes de certaines difformités rares.

Ici, l’artiste a récupéré une tête. Celle-ci avait été découpée en deux par des étudiants en médecine afin d’être étudiée. L’artiste a choisi de réunir les deux profils obtenus afin de créer cette œuvre, appelée Le Baiser. La tête ainsi photographiée, on croirait voir deux hommes s’embrasser ; il n’y en a qu’un en réalité et il n’est plus de ce monde.

« Il magnifie les cadavres et cajole les monstres. » écrit Luc Le Vaillant dans Libération en janvier 2000 (Source). « [Il] compose son œuvre en Frankenstein, à base de cadavres et de difformités. »

Joel-Peter Witkin portait un grand intérêt à la mort, au sentiment qu’elle procure, aux réactions provoquées par la vue des cadavres. Lui-même était fasciné par cet état irrévocable. Il expliquait devoir cela à un évènement ayant marqué son enfance ; il aurait vu une fillette être violemment percutée par une voiture. Sa tête aurait alors roulé jusqu’à ses pieds…
L’artiste sait construire sa légende. Comme lorsqu’il raconte que sa mère attendait initialement des triplés, dont il ne restera que son jumeau et lui. Il fait du troisième enfant, une fille, une muse qui n’aura jamais vu le jour. Il distille sa fascination pour la mort partout dans son œuvre et jusque dans son personnage d’artiste ; il met le tout en scène comme il le fait avec ses cadavres.

L’artiste mettait en scène les dépouilles comme un marionnettiste d’un genre macabre. Il dit : « Je ranime les inanimés. » Il photographiait des scènes d’un surréalisme fou et, en même temps, d’une grande modernité.

Alors, poésie et intérêt réel intérêt pour la mort ? Besoin de choquer les spectateurs ? Loisir malsain ? La question reste ouverte.

Notons toutefois que les gens du XIXème siècle n’hésitaient pas à prendre leurs proches défunts en photo : c’était alors une façon de conserver le souvenir d’un être aimé, parti trop tôt. Il n’est pas rare, aujourd’hui, de retrouver ces photographies dites « post-mortem ». Y compris des portraits d’enfants morts, plus ou moins jeunes, posant parfois avec leurs frères et sœurs ou leurs parents.
Certains sites internet vous invitent même à participer à des jeux où le but est de découvrir si la personne sur la photo était morte ou non, lors de la prise de vue. Et, comme de bien entendu, ces clichés semblent fasciner un certain nombre de personnes.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Poétique ? Glauque ? Un peu des deux ? Dites-moi tout !
Sources :

Wikipédia – Joel-Peter Witkin
Baudoin Lebon – « Joel-Peter Witkin »
Bibliothèque Nationale de France (BnF) – Joel-Peter Witkin. Enfer ou Ciel.
Libération :  » Joël-Peter Witkin, 60 ans, photographe américain. Compose son oeuvre en Frankenstein, à base de cadavres et de difformités. Du corps à l’outrage »