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The White Woman de Gabriel von Max : Petite histoire de la Dame Blanche

Difficile pour moi de choisir une seule et unique toile de Gabriel von Max alors il est fort possible que je vous en présente d’autres à l’occasion. Voici, en tout cas, The White Woman (La Dame Blanche).

Étant donné que les thèmes de prédilection de cet artiste autrichien étaient l’anthropologie, la parapsychologie et le mysticisme, il m’intéresse forcément. En fait, je suis assez fascinée par la plupart de ses toiles, tout comme je peux l’être des thèmes qu’il traite en général.

Par exemple, The White Woman est un tableau qui me dérange particulièrement. Dans le bon sens du terme, bien sûr. Le regard de cette femme fantomatique qui ne nous regarde pas est empli d’une absence de vie qui me met mal à l’aise. Elle semble complètement vide. Absente. Le peintre transcrit ici avec brio la transparence du vêtement, le teint laiteux de la peau et les contrastes (notamment entre la femme et l’obscurité de la pièce d’où elle surgit).

Bref, cette toile a quelque chose de vibrant, malgré l’apparente absence de son occupante. On s’attendrait presque à ce qu’elle s’avance vers nous, passe à nos côtés et disparaisse dans notre dos, sans raison, sans explication, tel le fantôme qu’elle semble être.

Gabriel von Max - The White Woman
Gabriel von Max (1840–1915), « Die weiße Frau », 1900
Huile sur la toile 100 × 72 cm
Collection privée

Difficile, bien sûr, de ne pas penser au mythe de la Dame Blanche. Si, de nos jours, elle tient plus de la légende urbaine, les histoires de « dames blanches » sont pourtant bien plus ancienne. Sorcières, fées, voyantes… Elle a eu bien des rôles au fil des siècles, tantôt bienfaitrice, tantôt porteuse de grands malheurs.

Généralement, la Dame Blanche sert de messagère : son apparition est signe d’une morte prochaine. Dans les légendes contemporaines, elle peut aussi être l’instigatrice de la mort (d’après les histoires, elle dérouterait par exemple les conducteurs en se plaçant au bord d’une route, la nuit, ou pénétrerait leur véhicule sans prévenir, selon les variantes).

Il semble que même les esprits éveillés comme Érasme croient aux histoires comme celle de la Dame Blanche :  « Un des faits les plus connus demeure l’apparition de la dame blanche aux familles princières. » (Source : Érasme, Des prodiges, In Dictionnaire du Diable et de la démonologie, Marabout université, 1968, p. 51) De nombreuses têtes couronnées ont d’ailleurs prétendu, au fil des siècles, avoir vu des Dames Blanches, généralement avant leur mort ou celle d’un de leurs proches.

Par conséquent, qui est la Dame Blanche de la peinture de Gabriel von Max ? Elle a tout l’air d’un fantôme et son regard vide laisse penser qu’elle ne « vit » pas forcément sur le même plan que nous, comme si elle regardait vers un ailleurs que nous sommes incapables de voir. Elle porte des clefs à sa ceinture. Que sont-elles censées ouvrir ? On serait tenté de penser que la porte qu’elle vient de franchir et qui donne sur une complète obscurité, a peut-être été ouverte par l’une de ses clefs. A moins que celles-ci ne soient utilisées pour passer du monde des vivants à celui des morts ? Toutes les hypothèses sont envisageables. Il se peut aussi qu’elle soit la gardienne de quelque chose mais nous ignorons quoi. Elle est une mystérieuse jeune femme, à la fonction tout aussi secrète.

C’est sans doute ce qui éveille une certaine crainte en nous, à la vue de ce tableau. On ne sait pas si la Dame Blanche est porteuse d’un message heureux ou non. On ne peut pas même être sûre qu’elle est bien porteuse d’un message. Est-ce une hallucination ? Un rêve ? Un cauchemar ? La porte de la toile s’ouvre surtout sur toutes les interprétations possibles. Cette jeune femme a mille histoires ; tout comme le mythe de la Dame Blanche a connu mille variantes.

Et vous, que vous évoque cette Dame Blanche ?

Joel-Peter Witkin – Le Baiser

Mon année de Master commence avec la découverte d’artistes pour le moins fascinants mais, il faut aussi l’admettre… glauques. Âmes sensibles s’abstenir car l’histoire qui se cache derrière la photographie dont je vais vous parler aujourd’hui pourrait bien vous faire cauchemarder.

Joel-Peter Witkin, Le Baiser, Photographie, 1883.
Joel-Peter Witkin, Le Baiser, Photographie, 1883.

Il s’agit d’une photographie de Joel-Peter Witkin datant de 1983. Cet artiste américain avait pour habitude de trainer dans les morgues et de choisir pour modèles tantôt des cadavres, tantôt des personnes atteintes de certaines difformités rares.

Ici, l’artiste a récupéré une tête. Celle-ci avait été découpée en deux par des étudiants en médecine afin d’être étudiée. L’artiste a choisi de réunir les deux profils obtenus afin de créer cette œuvre, appelée Le Baiser. La tête ainsi photographiée, on croirait voir deux hommes s’embrasser ; il n’y en a qu’un en réalité et il n’est plus de ce monde.

« Il magnifie les cadavres et cajole les monstres. » écrit Luc Le Vaillant dans Libération en janvier 2000 (Source). « [Il] compose son œuvre en Frankenstein, à base de cadavres et de difformités. »

Joel-Peter Witkin portait un grand intérêt à la mort, au sentiment qu’elle procure, aux réactions provoquées par la vue des cadavres. Lui-même était fasciné par cet état irrévocable. Il expliquait devoir cela à un évènement ayant marqué son enfance ; il aurait vu une fillette être violemment percutée par une voiture. Sa tête aurait alors roulé jusqu’à ses pieds…
L’artiste sait construire sa légende. Comme lorsqu’il raconte que sa mère attendait initialement des triplés, dont il ne restera que son jumeau et lui. Il fait du troisième enfant, une fille, une muse qui n’aura jamais vu le jour. Il distille sa fascination pour la mort partout dans son œuvre et jusque dans son personnage d’artiste ; il met le tout en scène comme il le fait avec ses cadavres.

L’artiste mettait en scène les dépouilles comme un marionnettiste d’un genre macabre. Il dit : « Je ranime les inanimés. » Il photographiait des scènes d’un surréalisme fou et, en même temps, d’une grande modernité.

Alors, poésie et intérêt réel intérêt pour la mort ? Besoin de choquer les spectateurs ? Loisir malsain ? La question reste ouverte.

Notons toutefois que les gens du XIXème siècle n’hésitaient pas à prendre leurs proches défunts en photo : c’était alors une façon de conserver le souvenir d’un être aimé, parti trop tôt. Il n’est pas rare, aujourd’hui, de retrouver ces photographies dites « post-mortem ». Y compris des portraits d’enfants morts, plus ou moins jeunes, posant parfois avec leurs frères et sœurs ou leurs parents.
Certains sites internet vous invitent même à participer à des jeux où le but est de découvrir si la personne sur la photo était morte ou non, lors de la prise de vue. Et, comme de bien entendu, ces clichés semblent fasciner un certain nombre de personnes.

Et vous, qu’en pensez-vous ? Poétique ? Glauque ? Un peu des deux ? Dites-moi tout !
Sources :

Wikipédia – Joel-Peter Witkin
Baudoin Lebon – « Joel-Peter Witkin »
Bibliothèque Nationale de France (BnF) – Joel-Peter Witkin. Enfer ou Ciel.
Libération :  » Joël-Peter Witkin, 60 ans, photographe américain. Compose son oeuvre en Frankenstein, à base de cadavres et de difformités. Du corps à l’outrage »