Vous allez me dire, ok, mais c’est quoi ? Et pourquoi toi ? Pourquoi pas Loïc, mon petit neveu qui fait ses études a Lille ?
Et je vais rejoindre à vos interrogations, c’est parti !
Ambassadeur Hauts-de-France, kesako ?
En ce qui me concerne, je me suis inscrite sur le site Haut et Fort pour en faire la demande.
Ce qui m’a poussé à le faire, c’est le fait d’être nordiste, comme toute ma famille depuis x générations (arbre généalogique a l’appuie, je me moque pas de vous, hein !) et de me sentir très attachée à cette histoire familiale. Fière d’être Ch’ti quoi !
De plus, je suis artistedans la région et c’est important pour moi. La région a un très important patrimoine artistique et ce n’est pas rien de pouvoir s’y inscrire, même à son tout petit niveau.
Parallèlement à cela, mon travail de recherche en doctoratporte aussi sur les Hauts-de-France (voir ci-contre). Je travaille sur le Steampunk en Hauts-de-France et comment il me serait possible, en tant qu’artiste, de remettre en lumière et en valeur notre patrimoine industriel grâce à cela. Un peu à la manière des Machines de L’Île de Nantes.
Et puis, je ne rate jamais une occasion de mettre à l’honneur notre région sur Instagram ou ailleurs (y compris quand je discute avec des gens d’autres régions qui ont parfois de très gros a priori sur le Nord. Ou encore, qui pensent que les clichés sur la pauvreté, la consanguinité, l’alcoolisme… sont vrais, malheureusement).
Bref, j’aime ma région mais, surtout, j’ai des rêves, des espoirs, des idées pour elle, et je compte bien les réaliser tôt ou tard ! C’est pourquoi, je suis fière d’être une de ses ambassadrices !
Pourquoi devenir ambassadeur ?
Parce que…
J’aime les Hauts-de-France et que je veux révéler les talents de nos habitants, de nos entreprises et de nos territoires.
Je suis fier de mon territoire et que je veux le représenter en France & à l’international.
Je veux être acteur du changement et permettre à chaque habitant, entreprise et territoire de contribuer à l’attractivité locale et régionale.
Je veux développer ma visibilité, valoriser mon ancrage local, en améliorant notre rayonnement régional.
Je veux intégrer un réseau d’acteurs du territoire qui s’engagent pour faire grandir nos projets, saisir des opportunités et contribuer activement à notre développement.
Bref, devenir ambassadeur des Hauts-de-France, ça n’est pas qu’un badge sur un site web ou les réseaux sociaux ! Cela dit, je vous invite à aller jeter un coup d’œil au hashtag #HautEtFort sur Instagram, notamment. Vous pourrez y découvrir les belles photographies que nous sommes nombreux à prendre dans la région et toutes les créations qui y voient le jour !
Il y a un conte de Noël qui m’a toujours fascinée. Je l’ai lu étant enfant, j’ai vu des adaptations aussi et il n’a jamais cessé de me plaire. Il s’agit de A Christmas Carol (Un Chant de Noël) de Charles Dickens. C’est pourquoi j’ai décidé de lui dédier pour article de Noël, cette année.
Que raconte A Christmas Carol ?
Pour faire court, étant donné que nous y reviendrons et que, pour les personnes qui ne connaissent pas encore par cœur cette histoire, il existe un très bon résumé sur Wikipédia, A Christmas Carol se déroule une veille de Noël. On ne sait pas exactement en quelle année se déroule le conte (c’est souvent le cas des contes, me direz-vous), mais il est paru en 1843 donc nous sommes au début du XIXème siècle, à Londres. Nous savons juste que l’histoire se déroule tout juste sept ans après la mort de Jacob Marley, qui était l’associé du personnage principal. Le conte commence d’ailleurs par un long discours précisant bien que Jacob Marley est mort. « Mort comme un clou de porte », d’ailleurs, comme le précise longuement Dickens qui s’adresse au lecteur à la première personne du singulier. C’est donc lui qui raconte l’histoire.
L’histoire raconte la nuit mouvementée du 24 décembre que va vivre le vieux Ebenezer Scrooge.
Comme une chanson, puisque le conte s’intitule A Christmas Carol (Un Chant de Noël), le texte est découpé en cinq couplets et non en chapitres.
Scrooge est décrit comme un homme glacial. Il est si froid qu’il semble rendre l’été plus froid et son cœur ne se réchauffe pas même pour Noël – fête qu’il déteste. Il semble que tout le monde le craigne, voire le déteste cordialement. On ne lui adresse pas la parole et même les chiens d’aveugles le fuient pour éviter à leur maître de croiser sa route. Bref, c’est un être pour le moins détestable.
Comme chaque année, il daigne quand même accorder sa journée à son employé, Bob Cratchit. Scrooge traite ce dernier comme il traite tout le monde : avec froideur, méchanceté et sans une once d’humanité. Par exemple, il ne lui donne qu’un petit morceau de charbon pour chauffer son bureau glacial, en cette veille de Noël ; le reste des morceaux de charbons se trouve bien à l’abri dans la chambre de Scrooge, dévoré par une avariceprofonde. Il se permet d’ailleurs de traiter Cratchit de voleur : en effet, il ne viendra pas travailler le lendemain mais sera tout de même payé car, dit Scrooge, sinon ce serait lui qu’on traiterait de voleur. Il trouve cela anormal mais c’est la norme sociale en vigueur, il s’y plie donc bon gré, mal gré.
Une fois son employé parti, commence vraiment l’aventure de Ebenezer Scrooge.
A son retour chez lui, après un repas en solitaire dans une triste taverne, Scrooge a d’abord la surprise de voir apparaître… Jacob Marley ! Mais si, vous savez : son associé aussi mort qu’un clou de porte !
Marley porte de lourdes et longues chaines. Entre deux cris déchirants, il explique à Scrooge que celui-ci subira le même sort que lui s’il continue à vivre sa vie de manière si solitaire : il sera condamné à errer pour réparer toutes ses fautes et cela lui prendra au moins autant de temps que n’aura duré sa vie humaine.
Sa dernière chance, pour éviter ce funeste dessein ? Trois esprits qui vont lui rendre visite, à tour de rôle, au cours des trois nuits à venir.
A Christmas Carol : Un conte politique toujours d’actualité
Comme la plupart des contes, A Christmas Carol est en réalité bien plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord.
Enfant, on se réjouit que Scrooge (re)devienne petit à petit un homme bon, généreux et aimant Noël. Car l’on apprend, au fil du récit, qu’il n’est pas devenu un être exécrable du jour au lendemain : c’est finalement la vie qui l’a rendu ainsi, d’évènement en évènement, comme le révèle notamment le Fantôme des Noëls Passés.
Adulte, on se rend compte que le vrai problème de Scrooge n’était pas tant de ne pas aimer Noël que d’être d’un égoïsmeassez maladif. Un égoïsme qui le conduit à penser, par exemple, que si, lui a réussi dans sa vie professionnelle, ceux qui n’y parviennent pas ne sont que des couards, des pleutres ou des paresseux.
Par exemple, à ceux qui viennent lui demander de faire un don pour les gens dans le besoin, Scrooge répond :
« N’y a-t-il pas de prisons ? (…) Et les maisons de refuge (…) ne sont-elles plus en activité ? (…) Le moulin de discipline et la loi des pauvres sont toujours en pleine vigueur, alors ? (…) Je désire qu’on me laisse en repos. Puisque vous me demandez ce que je désire, messieurs, voilà ma réponse. Je ne me réjouis pas moi-même à Noël, et je ne puis fournir aux paresseux les moyens de se réjouir. J’aide à soutenir les établissements dont je vous parlais tout à l’heure ; ils coûtent assez cher ; ceux qui ne se trouvent pas bien ailleurs n’ont qu’à y aller. (…) S’ils aiment mieux mourir, reprit Scrooge, ils feraient très bien de suivre cette idée et de diminuer l’excédent de la population. »
Hum ? Drôlement d’actualité, vous ne trouvez pas ?
Oh je sens que ton œil tilte, toi, français derrière ton écran, à la lecture de cette description de Scrooge. Vous rappellerait-il quelqu’un ? Ou peut-être avez-vous déjà, simplement, lu ce genre de propos sur les réseaux sociaux ? Un simple détour dans l’espace commentaire des journaux, sur Facebook par exemple, et vous voilà plongé dans l’antre du plus abominable des Scrooge.
Il faut dire que si le personnage de Scrooge est un vrai personnage de conte il est aussi, dans le même temps, un être tellement terre-à-terre, qu’il est étrangement très humain. Sa description physique mais aussi certaines choses qu’il semble provoquer autour de lui (le froid par exemple), en font un personnage fantastique. Mais tout fantastique qu’il est, il est pris d’une terreurbien humaine face aux esprits qui viennent tout-à-coup hanter ses nuits. Il n’est jamais plus humain que lorsqu’il déambule avec les différents fantômes de Noël. Car avant et après eux, il est un être fantastique : d’abord pour sa détestabilité légendaire puis, tout au contraire, pour son altruisme sans faille, faisant presque de lui un Saint. Quand il se promène dans le temps, par contre, il s’émeut tant et tellement que son émotion transparaît dans les mots de Dickens.
Pourtant, au début du récit, pour Scrooge, l’Humain passe après, biennnn après le profit.
Un profit qui est exclusivement financier, car il ne tire aucun profit sur le plan personnel : il est très riche mais aussi très seul. Il n’est pas marié (même s’il a failli l’être) et n’a pas d’enfant. Sa seule famille semble être son neveu. D’ailleurs, cet échange avec ce personnage qui est presque son antithèse en dit long sur la personnalité de Scrooge :
« Noël, une sottise, mon oncle ! dit le neveu de Scrooge ; ce n’est pas là ce que vous voulez dire sans doute ?
– Si fait, répondit Scrooge. Un gai Noël ! Quel droit avez-vous d’être gai ? Quelle raison auriez-vous de vous livrer à des gaietés ruineuses ? Vous êtes déjà bien assez pauvre !
– Allons, allons ! reprit gaiement le neveu, quel droit avez-vous dêtre triste ? Quelle raison avez-vous de vous livrer à vos chiffres moroses ? Vous êtes déjà bien assez riche ! »
Pour Scrooge, la richesse est synonyme d’argent. Et cet argent, on ne l’obtient qu’en travaillant encore et encore, en économisant, en faisant uniquement de bons placements, en ne dépassant que le strict nécessaire pour réinvestir le reste de manière à faire encore plus d’argent. Scrooge a tout de la personnification du Capitalisme. Comme un robot, dépourvu d’esprit d’initiative, d’imagination, de créativité mais aussi d’envies, de rêves, de désirs, Scrooge tourne en boucle dans son monde où, parce qu’il est riche et fait tous ces efforts pour l’être, il est forcément au-dessus des petites gens qu’il juge, au mieux, comme frivoles.
« Voilà un autre fou, murmura Scrooge, qui l’entendit de sa place : mon commis, avec quinze schellings par semaine, une femme et des enfants, parlant d’un gai Noël. Il y a de quoi se retirer aux petites maisons. »
Scrooge est incapable de comprendre Noël car il perçoit cette fête comme quelque chose de coûteux qui ne rapporte rien en retour.
Or, ce « retour sur investissement », Scrooge ne l’entend que d’une façon : pécuniairement parlant.
Scrooge ne peut pas admettre, au début du récit, qu’il puisse exister d’autres formes de richesses. Des richesses qui ne sont pas pécuniaires, voire ne sont même pas palpables. C’est là, en particulier, que son neveu s’inscrit vraiment comme son opposé : ce qu’il retient de Noël est une richesse bien plus grande que celle, bassement matérielle, de l’argent. Sa richesse à lui est intérieure. Ce sont les joies simples de Noël (puisqu’il s’agit d’un conte de Noël, mais cela s’applique bien sûr au quotidien) : le fait d’être en famille, entre amis, entre personnes qui s’apprécient ; c’est le partage, la générosité que chacun porte en lui, à sa façon ; c’est la bonne humeur communicative, des gens qui se souhaitent le bonjour dans la rue ou s’échangent un sourire sans rien attendre en retour.
« Il y a quantité de choses, je l’avoue, dont j’aurais pu retirer quelque bien, sans en avoir profité néanmoins, répondit le neveu ; Noël entre autres. Mais au moins ai-je toujours regardé le jour de Noël quand il est revenu (…), comme un beau, un jour de bienveillance, de pardon, de charité, de plaisir, le seul, dans le long calendrier de l’année, où je sache que tous, hommes et femmes, semblent, par un consentement unanime, ouvrir librement les secrets de leurs coeurs et voir dans les gens au-dessous d’eux de vrais compagnons de voyage sur le chemin du tombeau, et non pas une autre race de oréatures marchant vers un autre but. C’est pourquoi, mon oncle, quoiqu’il n’ait jamais mis dans ma poche la moindre pièce d’or ou d’argent, je crois que Noël m’a fait vraiment du bien et qu’il m’en fera encore ; aussi je répète : Vive Noël ! »
Pour Scrooge, cela n’a aucune valeur marchande donc cela n’a aucune valeur du tout.
C’est en cela que A Christmas Carol est un conte politique et qu’il est toujours follement d’actualité. Il y est question de remettre au centre de l’attention des choses qui ne s’achètent et ne se vendent pas, dans notre société, et qui peuvent pourtant valoir tout l’or du monde aux yeux d’une personne, d’une famille, d’une communauté, etc.
« L’histoire rend également compte de la misère et des fortes inégalités, exacerbées dans cette Angleterre de la Révolution industrielle, que l’auteur dépeint également dans Oliver Twist. En situant son histoire à Noël, Charles Dickens souhaite marquer les esprits et ouvrir les yeux de chacun sur les problèmes sociaux de son pays. Le succès est au rendez-vous, l’ouvrage, épuisé encore et encore, étant alors édité sept fois en moins de six mois. La réussite est telle que le terme Scrooge est devenu dans la langue de Shakespeare un nom commun pour qualifier les personnes avare et misanthrope. »
Les adaptations de A Christmas Carol : ma sélection
Comme ce conte est toujours d’actualité, il ne cesse de se réinventer. Les adaptations de A Christmas Carol sont très nombreuses ! Tellement que je ne vais pas toutes les citer, évidemment. Nous allons voir, en tout cas, que A Christmas Carol traverse le temps et ne prend pas une ride. A croire que nous sommes encore nombreux à avoir besoin d’en tirer un enseignement !
Au cinéma, on peut commencer par citer un classique : It’s a Wonderful Life.
Le film prend le parti de mettre en lumière, non pas un être détestable comme Scrooge mais, au contraire, un honnête homme, plein de bonté, George Bailey, auquel il n’arrive pourtant que de mauvaises choses. Alors qu’il pense à se suicider, persuadé que le monde se porterait mieux sans lui, un ange apparaît pour lui montrer ce que serait vraiment le monde sans lui.
J’aime placer It’s a Wonderful Life dans les adaptations de A Christmas Carol parce que je trouve qu’il forme un joli contre-pied au conte de Dickens. Un peu comme A Family Man, film plus récent avec Nicolas Cage, où un homme, cette fois plutôt de la trempe de Scrooge, se retrouve à vivre la vie qu’il aurait pu avoir s’il avait fait d’autres choix dans son passé.
Les deux films présentent, à leur façon, des personnages qui sont poussés à se questionner sur leur existence passée et donc future. La morale est plus ou moins la même : prêtons davantage attention aux gens que l’on aime et aux gens, aux êtres en général, parce que le vrai bonheur et le futur sont là.
Les séries ne sont bien sûr pas en reste quand il s’agit d’adapter A Christmas Carol.
Là encore, il y aurait des tas de choses à dire mais je suis une fangirl et en bonne fangirl j’ai choisi de m’arrêter sur l’une de mes séries favorites : Doctor Who. La sixième saison de la série (la nouvelle série, pas l’ancienne, enfin, vous voyez, celle de 2005, non mais, histoire de ne fâcher aucun puriste) s’ouvre sur un épisode de Noël(comme toujours) intitulé Le Fantôme des Noëls passés en français et… A Christmas Carol en anglais.
Cette fois, c’est le Docteur qui joue le rôle du fantôme et fait voyager le « méchant » de l’intrigue, Kazran, dans son passé et son futur pour le faire devenir meilleur. Kazran est une sorte de Scrooge vivant sur une autre planète. Et ce qui fait encore une fois le charme de cette adaptation, ce sont les nombreuses manières originales dont elle modifie le conte de Dickens pour le faire parfaitement coller à l’univers de Doctor Who. Requin volant, chants de Noël et cryogénisation autour d’une belle histoire d’amour : un épisode vraiment plein de magie et de péripéties. Un de mes épisodes préférés de Doctor Who (non, je ne dis pas ça de 90% des épisodes de Doctor Who), idéal pour les Fêtes.
A Christmas Carol (Le Fantôme des Noël passés), épisode de Noël de la série Doctor Who, 2010
A Christmas Carol (Le Fantôme des Noël passés), épisode de Noël de la série Doctor Who, 2010
A Christmas Carol (Le Fantôme des Noël passés), épisode de Noël de la série Doctor Who, 2010
A Christmas Carol (Le Fantôme des Noël passés), épisode de Noël de la série Doctor Who, 2010
A Christmas Carol (Le Fantôme des Noël passés), épisode de Noël de la série Doctor Who, 2010
Enfin, on ne peut évidemment pas parler des adaptations de A Christmas Carol sans parler du Drôle de Noël de Scrooge.
Ca n’est pas la première fois que Disney adapte le conte puisque ce bon vieil oncle Picsouavait déjà endossé le rôle de Scrooge dans le court métrage du studio, Le Noël de Mickey, en 1983.
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Le Drôle de Noël de Scrooge, film d’animation des Studios Disney, réalisé par Robert Zemeckis, 2009
Mais cette fois, Disney fait le choix d’une adaptation très fidèle au conte originel. Tellement fidèle que je me suis un peu émerveillée, je l’avoue, en voyant prendre vie des choses que j’avais imaginées en lisant l’histoire de Dickens. J’ai apprécié, notamment, qu’on retrouve l’apparence effroyable de certains fantômes. En effet, sur ce point, A Christmas Carol fait froid dans le dos quand on est enfant. Pourtant, on perd parfois un peu cet aspect dans les adaptations, je trouve. J’ai pourtant un souvenir très net de l’arrivée du fantôme de Marley, l’ancien associé de Scrooge, qui me faisait très peur avec ses chaines et ses cris déchirants.
Précisons que nous devons cette grande ressemblance entre le film et le conte, aux illustrations de John Leech. Celui-ci fut le premier à mettre en images A Christmas Carol lors de sa sortie en 1843. Ce sont bien souvent ses illustrations que nous avons en tête, à l’évocation du conte de Charles Dickens, car elles sont entrées depuis longtemps dans notre inconscient collectif. Je vous laisse en juger au travers de ces quelques exemples, ci-dessous. Vous pouvez vous amuser à les comparer avec les travaux des autres illustrateurs, du XXème et du XXIème siècle, qui ponctuent l’article.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Illustration de John Leech pour la première édition du conte de Charles Dickens, A Christmas Carol.
Bref, réalisé entièrement en 3D (en motion capture, pour être exacte : c’est-à-dire que les acteurs ont été filmés sur fond vert puis les décors, les costumes, etc, ont été créés par ordinateur), Le Drôle de Noël de Scrooge met en scène Jim Carrey sous les traits de Scrooge. A mon sens, si vous cherchez un film fidèle au livre, je pense que vous pouvez vous tourner sans trop de crainte vers celui-là.
Peut-on vraiment pardonner Scrooge ?
Pour conclure, il me semble légitime que nous nous posions quand même la question : peut-on vraiment pardonner Scrooge à la fin de A Christmas Carol ? Après tout, il a quand même été un être détestable pendant de très nombreuses années.
Scrooge est devenu méchant à causes des affres de la vie : sa solitude sur les bancs de l’école, la mort de sa sœur, sa rupture brutale avec Belle, sa carrière envahissante… En cela, le personnage de Scrooge s’inscrit dans la veine d’autres méchants réduits à cela par la vie. (…) Le personnage est donc complexe. Sa méchanceté pourrait même s’expliquer, voire se justifier.
N’est-ce pas un peu facile de simplement le pardonner, parce qu’il prend finalement conscience de son comportement ? Peut-on d’ailleurs justifier sa méchanceté par son enfance malheureuse ? Ce serait injuste envers les gens qui, malgré ça, sont restés bons dans leur vie, non ?
Ma foi, il est légitime de se poser ces questions, oui. L’on pourrait d’ailleurs disserter des heures sur la morale chrétienne que cherche également à transmettre Dickens, à travers ses écrits (et celui-ci en particulier). C’est sans doute cette morale qui pousse le croyant à pardonner un être comme Scrooge. Pourtant, je suis athée et je pardonnerais Scrooge également, s’il existait. Car si l’on ne pardonne pas durant la période de Noël, le fera-t-on jamais ? Il me semble que, comme Scrooge, au fil de l’histoire, la morale qui nous est transmise est bien celle-ci : soyez humains, ayez du cœur et partagez-le tant que possible pour faire des émules.
La morale de A Christmas Carol n’est pas, pour moi, uniquement chrétienne ou liée à Noël : elle est universelle et j’espère vous l’avoir transmise un peu, à travers cet article.
Cette année, en France, nous célébrons le centenaire de la Grande Guerre. Ou, plus exactement, le centenaire de la fin de la Grande Guerre. L’occasion pour moi de vous parler d’une artiste méconnue qui a pourtant participé, à sa façon, au retour à la vie civile de nombreux Poilus : Anna Coleman Ladd. Elle accompagna une transition difficile dans l’existence de ces soldats à jamais marquée par les horreurs du conflit. Une transition d’autant plus compliquée pour ceux que l’on surnommera les « Gueules Cassées ».
Cet article contient des images pouvant choquer et être particulièrement dures à regarder. Je ferai en sorte de mettre les images me paraissant les plus « choquantes » en fin d’article mais je préfère quand même vous prévenir avant : qui dit « Gueules Cassées » dit mutilations, parfois sévères, du visage, qui peuvent heurter la sensibilité, notamment des plus jeunes.
Qui était Anna Coleman Ladd ?
Anna Coleman Watts Ladd, ou (un peu) plus simplement, Anna Coleman Ladd, est une femme que peu de gens connaissent et qui a pourtant participé à rendre la vie des Gueules Cassées de la Première Guerre Mondiale plus supportable. Comment, me direz-vous ? En leur rendant leur visage, rien de moins !
Anna Coleman Ladd est une sculptrice américaine née à Philadelphie en 1878. Elle a étudié la sculpture à Paris et à Rome.
C’est depuis Boston, où elle vit, qu’elle entend parler du travail de Francis Derwent Wood, à Londres, qui aide les soldats défigurés par la guerre en leur confectionnant des masques. Grâce à lui nait « the Masks for Facial Disfigurement Department » (le département des masques pour la défiguration du visage), plus connu sous le nom de « Tin Noses Shop »(le Magasin de nez en étain).
En 1917, Anna Coleman Ladd rejoint son mari à Paris et y crée son propre studio, sur le modèle du Tin Noses Shop, en collaboration avec la Croix Rouge américaine qui se trouve sur place. Grâce à sa correspondance avec Francis Derwent Wood, elle apprend comment procéder. En effet, si elle est sculptrice, son travail est alors très éloigné du travail qu’elle entreprend à Paris car elle sculpte essentiellement des personnages mythologiques et ses œuvres ornent principalement des fontaines.
Anna Coleman Ladd : rendre un visage aux Poilus défigurés
Mais Anna Coleman Ladd apprend, à n’en pas douter. De nombreuses photographies montrent les résultats de son travail auprès des Gueules Cassées et ils sont troublants. L’artiste parvient à rendre un visage à des hommes souvent gravement défigurés. Elle pousse le détail jusqu’à recréer leur moustache.
Anna Coleman Ladd et l’un de ses patients.
Deux soldats jouant aux cartes dans le studio d’Anna Coleman Ladd.
Anna Coleman Ladd travaillant sur le masque d’un soldat blessé.
Anna Coleman Ladd travaillant sur le masque d’un soldat blessé.
Pour parvenir à de tels résultats, Anna Coleman Ladd s’aide d’anciennes photographies des Poilus, avant qu’ils ne soient mutilés. Elle peint les masques directement apposés sur les visages de ces hommes afin de leur donner la carnationla plus fidèle possible.
Chaque masque est différent, répondant au besoin spécifique de chaque blessé. Certains ont perdu presque la moitié de leur visage, d’autres n’ont plus de nez ou ont perdu un œil. Anna Coleman Ladd comble les manques.
Le but est d’offrir à ces soldats blessés la possibilité de sortir à nouveau de chez eux, presque comme avant la guerre, sans avoir à souffrir du regard des autres. Il est aussi de leur permettre de retrouver leurs proches, pour lesquels la vue de ces mutilations est parfois trop dure à supporter. D’autant plus que même les autorités leur demandent de ne pas trop exposer leurs blessures, pour ne pas démoraliser le pays…
« Un homme qui était venu nous voir avait été blessé deux ans auparavant et n’était jamais rentré à la maison », selon un rapport du studio d’Anna Coleman Ladd, datant de 1919. « Il ne voulait pas que sa mère voit à quel point il était en mauvais état. De tout son visage, il ne restait qu’un seul œil, et après 50 opérations… il est venu à nous », dit le rapport. « Les gens s’habituent à voir des hommes avec les bras et les jambes manquants, mais ils ne s’habituent jamais à un visage anormal. »
Anna Coleman Ladd en profite pour apprendre à les connaître, autour d’une tasse de thé ou d’un chocolat chaud. Le studio est fleuri et décoré pour offrir un cadre accueillant et chaleureux aux blessés. Plus qu’un nouveau visage, l’artiste essaye de leur rendre une dignitéqui a parfois disparu dans les affres de la guerre. Grâce à cela, elle s’emploie à choisir l’expression qui conviendra le mieux aux hommes qu’elle « soigne », à sa façon. Cette expression sera peut-être la dernière qu’ils arboreront jamais, grâce à leur masque. Il est donc crucial de bien la choisir.
Avant que la Croix Rouge ne soit plus en mesure de soutenir le studio, Anna Coleman Ladd créera presque deux cents masques avec l’aide de ses quatre assistants (notamment, une autre femme artiste, sculptrice, Jane Poupelet que vous pouvez voir ci-dessous). Héroïne méconnue de la Première Guerre Mondiale, elle sera tout de même couronnée de la Légion d’Honneur pour son travail.
Jane Poupelet autre sculptrice, aidait Anna Coleman Ladd dans son studio.
Jane Poupelet autre sculptrice, aidait Anna Coleman Ladd dans son studio.
Pourquoi le travail d’Anna Coleman Ladd était-il si important ?
Comme l’expliquent eux-mêmes certains Blessés de la Face, qu’ils fassent partie des Gueules Cassées ou aient été blessés d’autres façons, une mutilation du visage est une blessure très particulière (vous pouvez par exemple voir des témoignages de blessés de la face dans ce court documentaire : https://www.youtube.com/watch?v=rMemw-wVNo8). Elle atteint la personne dans son intégrité, son individualité, son image– autant celle qu’il se fait de lui-même que celle qu’il renvoie aux autres. Une telle blessure peut remettre en question l’humanité même de la personne blessée.Ainsi, pour parler des Gueules Cassées les adjectifs utilisés font partie du champ lexical de l’horreur : « monstrueux », « difforme », « ignoble »…
« Lorsque nous marchons dans la rue, lorsque nous prenons le bus ou le métro, voyant les autres, nous éprouvons spontanément leur présence comme présence humaine. Cette évidence, je l’ai rappelé, est essentiellement due au fait qu’ils ont un visage. Un visage, c’est-à-dire non seulement une face qui présente deux yeux, un nez, une bouche, mais une face que nous percevons comme singulière, chacune distincte de celles qui l’entourent ; et une face manifestant des expressions, c’est-à-dire témoignant d’une attitude, d’une manière d’être, d’un sentiment, d’une intention – de ces états que l’on attribue à une personne. »
Si ce type de mutilations nous choque tant, c’est que le visage est la première chose que nous voyons d’une personne. L’observation de ce visage nous permet de déterminer tout un tas de choses sur l’individu que l’on rencontre ou que l’on côtoie : ses émotions (et donc les nôtres, en retour), son honnêteté, ses intentions parfois, etc.
Dès notre plus jeune âge, nous apprenons à décrypter, petit à petit, les expressions faciales des gens qui nous entourent. Nous commençons généralement par nos parents, nos proches, puis nos amis. Un beau jour, nous finissons tous par croiser quelqu’un dont « la tête ne nous revient pas ». Notre instinct nous souffle que, non, décidément, avec cette personne-là, ça ne va pas le faire. Ou, au contraire, nous découvrons un visage qui va attirer toute notre attention.
Mais que se passe-t-il si l’on n’a plus de visage ?On entre dans le domaine du monstre. Le monstre n’est pas qu’une créature fantastique de mythes, de légendes ou de romans. C’est l’inconnu, l’étrange, le chaos. C’est ce qui sort de la norme, ce qui est différent de nous ou de ce que nous connaissons. John Merrick, le célèbre Elephant Man, par exemple, a pu être considéré comme un monstre alors qu’il n’était qu’un homme malade. Dans le film de David Lynch, inspiré de sa vie, on voit bien que le monstre naît d’abord dans le regard de l’autre : Elephant Man est un monstre parce qu’il est différent des autres, parce qu’il est « anormal » (en dehors des normes) aux yeux des autres. Comme lui, les soldats défigurés deviennent, malgré eux, des monstres : nous voyons en eux des êtres humanoïdes qui nous ressemblent, mais n’ont plus de visage. Leur difformité nous inquiète immédiatement parce que nous n’y trouvons pas nos repères habituels. Cela peut pousser certaines personnes au rejet pur et simple. D’autres, passé le sentiment de surprise, seront capables de passer outre (et heureusement !). Mais le plus triste est de constater que de nombreux services de blessés de la face, tout comme le studio d’Anna Coleman Ladd, témoignent d’un même fait : on n’y trouvait pas de miroir. Le monstre naissait aussi, parfois, dans le regard même des blessés.
« Les mémoires d’Henriette REMI, infirmière en Allemagne, et de Katherin BLACK, infirmière en Grande-Bretagne, témoignent de l’absence de miroirs dans les services de blessés de la face. Katherin BLACK relate le cas d’un soldat défiguré par un éclat d’obus retardant la visite de sa fiancée, de peur qu’elle ne voie son visage. Il lui écrivit finalement qu’il était tombé amoureux d’une fille à Paris et souhaitait mettre un terme à sa relation. Henriette REMI narre quant à elle la souffrance d’une femme incapable d’embrasser son mari défiguré et le cas d’un enfant effrayé fuyant son père. »
Parmi les films récents qui illustrent le recours aux masques par les Gueules Cassées après-guerre, on trouve notamment Au-revoir là-haut, d’Albert Dupontel, adaptation de l’œuvre éponyme de Pierre Lemaitre, Prix Goncourt 2013. Je ne peux que vous conseiller le visionnage de ce film aux 5 Oscars, où l’un des personnages principaux est une Gueule Cassée, portant des masques pour pouvoir à nouveau exprimer ses émotions, ses sentiments, son humanité. Le film traduit de façon très poétique, je trouve, le recours à ces prothèses.
« En sauvant son ami Albert Maillard (Albert Dupontel), alors promis à une mort certaine, enseveli vivant sous un amas de terre suite à un bombardement, Edouard a la mâchoire emportée par un éclat d’obus. Il vient grossir les rangs de ceux que l’on surnomma les gueules cassées. Incapable de pouvoir exprimer ses émotions, privé de ce qui faisait son identité, Edouard a recours aux masques, qui se chargeront d’exprimer ses émotions et ses différents états au cours du film. »
Anna Coleman Ladd à Paris, comme Francis Derwent Wood, à Londres, vont faire en sorte de rendre un peu de « normalité » aux blessés de la face, à une époque où la chirurgie plastique et la chirurgie réparatrice n’en sont encore qu’à leurs balbutiements(notamment en France). Le beau n’est pas tant l’objectif que la norme : une bouche, un nez, deux yeux est la recette simple d’un visage réussi pour pouvoir connaître une vie sociale à peu près normale. C’est aussi dans ce but que la chirurgie esthétique œuvrera et se développera, dans un premier temps.
« La guerre de 1914 fournit aux chirurgiens français plus de mutilations et, surtout, plus de mutilations faciales qu’ils n’en virent auparavant durant plus de cent années. Pendant cette période, une section spéciale de soins chirurgicaux est créée pour intervenir auprès des soldats mutilés, les « gueules cassées ». Elle devient rapidement un lieu d’innovation pour la chirurgie de la face, de la tête et du cou, et les traitements réparateurs sont l’occasion de mettre au point ou de perfectionner un certain nombre de techniques (ligatures des artères du cou, trachéotomie, immobilisation des fragments mandibulaires, extraction de corps étrangers orbitaires ou oculaires, etc.) »
L’Après-Guerre et la vie en lambeaux des Gueules Cassées
Dans la guerre de tranchées, c’est le visage des Poilus qui est le plus facilement exposé aux tirs ennemis. Ceux-ci ne se trouvent souvent qu’à quelques centaines de mètres à peine, dans la tranchée d’en face. Les uns et les autres s’observent en passant la tête. Un coup de feu suffit pour faire de terribles dégâts. Et les casques ne protègent qu’une partie de la tête des soldats. On assiste également au développement d’armes nouvelles qui vont grandement contribuer à l’apparition de blessures que les médecins n’ont alors jamais vues : les obuset leurs éclats dévastateurs, le shrapnelmais aussi les lance-flammes, par exemple. La Grande Guerre est une boucherie, à bien des égards.
« Les armes de gros calibre de la guerre d’artillerie, capables de pulvériser les corps en fragments irrécupérables, et les retombées mortelles d’éclats d’obus avaient clairement montré, dès le début de la guerre, que la technologie militaire de l’humanité dépassait de loin ses capacités dans le domaine médical. (…) De plus, la nature même de la guerre de tranchées s’avérait diaboliquement propice aux blessures au visage : « les soldats ne comprenaient pas la menace de la mitrailleuse », se souvient le Dr Fred Albee, chirurgien américain travaillant en France. « Ils semblaient penser qu’ils pourraient lever la tête au-dessus d’une tranchée et agir assez rapidement pour éviter la pluie de balles. »
La chirurgie plastique n’existe pas encore et les réparations que l’on peut alors faire sont très limitées. Les médecins se retrouvent dans une situation inédite : ils sont en mesure de sauver la vie des soldats mais ils sont incapables de réparer les mutilations subies. L’auteur anglais Ward Muir, qui travailla dans un hôpital en temps de guerre, écrit en 1918 :
« Hideux est le seul mot pour décrire ces visages brisés. » (“Hideous is the only word for these smashed faces.”)
De nos jours, les chirurgies lourdes de la face se sont développées. On parvient même à greffer des visages quand les dégâts sont vraiment très importants. Mais le résultat est encore loin d’être parfait. La rééducation est très longue et la repousse des nerfs sectionnés l’est plus encore. Il faut aussi espérer que la greffe fonctionne et que le patient ne subisse pas un rejet. Bref, un siècle après la fin de la Première Guerre Mondiale, nous sommes encore très loin d’être capables de réparer des visages mutilés. Cela nous permet d’imaginer le désarroi des médecins d’alors…
A leur retour du front, loin d’être toujours traités en héros de guerre, les Gueules Cassées sont parfois rejetés de tous. Certains deviennent de véritables pariasou se terrent dans la solitude. D’autres ne sortiront jamais des centres de soin, trop lourdement handicapés par leurs mutilations ou sujets à des séquelles psychologiques graves. Le traumatismede la Première Guerre Mondiale crée une génération de « taiseux », comme on les appelle par chez moi : des hommes qui parleront peu des horreurs qu’ils ont vues, qu’ils ont vécues. Parce que les mots ne sauraient suffire, sans doute.
« Saignée à blanc, la France a payé un lourd tribu lors de la Grande Guerre : 1,4 millions de soldats tués ou disparus, plus de 4,2 millions de soldats blessés, 300.000 civiles tués. On estime à environ 300.000 hommes, ni vivants ni déclarés morts, qui manquent à l’appel à l’heure de l’armistice. Rapidement, le terme même de « disparu » devient synonyme de décédé, et l’on parle désormais de « chers disparus » pour évoquer l’ensemble des victimes du conflit, en confondant les morts avérés et les morts supposés. Aucune distinction n’est d’ailleurs perceptible sur les monuments aux morts : les uns et les autres sont rassemblés dans un hommage commun puisque aucune catégorisation ne peut entamer l’unité du sacrifice. »
La revanche des Gueules Cassées : « Sourire quand même » !
Parallèlement, se crée l’Union des Blessés de la Face. Une association qui va venir en aide aux Gueules Cassées qui, souvent considérées comme aptes au travail et donc valides, n’ont droit à aucune pension d’invalidité.
« L’Association est née le 21 juin 1921 de la volonté de ses trois fondateurs, le Colonel Picot, Bienaimé Jourdain et Albert Jugon. Ils se choisissent une devise porteuse d’espoir : « Sourire quand même » !« (…) « Il convient de se rappeler que la France des années 20 était encore essentiellement rurale. Le Code des Pensions militaires d’Invalidité ne prévoyait pas d’indémnisation pour ce type de blessure car les soldats blessés à la face pouvaient, avec leurs bras et leurs jambes, retourner travailler aux champs. »
L’Union des Blessés de la Face va alors avoir une idée révolutionnaire pour aider ses membres : lancer ce qui deviendra le Lotoque nous connaissons encore aujourd’hui. On l’appelle d’abord La Dette puis la Loterie Nationale et les bénéfices qu’elle engendre permettent d’acheter et d’entretenir, notamment, deux domaines (le Château de Moussy-le-Vieux, proche de Roissy-en-France et le Domaine du Coudon) où les Gueules Cassées réapprennent à vivre en société et travaillent entre deux opérations chirurgicales.
« Beaucoup de témoignages contredisent néanmoins l’idée négative selon laquelle les blessés de la face auraient été considérés comme des monstres sans espoir, condamnés à finir à être abandonnés de tous. (…)
En France, le décret du 28 février 1925 ajouta au barème de 1919 une mention de défiguration selon le degré d’importance (de 10 à 60 %). Ce changement n’intervint qu’après une longue campagne des Gueules Cassées. Certaines d’entre elles étaient exaspérées par le refus symbolique de reconnaissance de leur sacrifice pour la patrie. Les Gueules Cassées ont su faire preuve d’humour et d’entraide. Le nom des Gueules Cassées lui-même témoigne de cette volonté de sourire. La Greffe générale, journal des blessés du Val-de-Grâce, témoigne d’une volonté de dérision, à travers des articles sur la vie quotidienne à l’hôpital et les dessins satiriques.(…)
L’humour, les bons mots et les plaisanteries sont des armes de la lutte contre le cafard. Certains termes deviennent des codes connus des seules Gueules Cassées. Le journal d’Henriette REMI dépeint l’entraide entre blessés, les voyants guidant les aveugles ou écrivant des lettres pour eux. Elle relate le cas d’un blessé laissant un camarade choisir pour lui son nouveau nez. L’esprit de camaraderie est renforcé par l’expérience d’une blessure au visage partagée et de longs mois de soins à l’hôpital.(…)
Les vétérans qui ont choisi de vivre loin du regard du public, comme ceux qui emménagèrent au château de Moussy-le-Vieux, sont finalement peu nombreux. En France, les appels aux récoltes de fonds pour les Gueules Cassées ont été bien reçus dans l’opinion publique. Les Gueules Cassées entretinrent des relations harmonieuses avec l’Etat, auxquelles la présence du Colonel Yves PICOT au gouvernement contribua. »
De nos jours, l’Union des Blessés de la Face et de la Tête (UBTF) existe toujours et vient également en aide aux policiers, gendarmes ou pompiers blessés en service. Ils prennent aussi soin des veuvesdes blessés, qui perdent la pension de leur mari à leur décès, en apportant notamment un complément à la pension de veuve de guerre, bien moindre, qu’elles touchent alors. Tout ça grâce à la création de leur Loto, des décennies plus tôt.
Pour la deuxième année consécutive, j’ai décidé de participer à l’Inktober ! Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, je vous avais fait un petit topo sur le sujet dans l’article qui présentait mes dessins, l’année dernière.
Comment s’est passé l’Inktober cette année ?
Cette année, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de passer du noir et blanc à la couleur. J’ai enfin ressorti mes aquarelleset mes pinceaux, ça m’a fait beaucoup de bien. Mais, évidemment, j’ai eu beaucoup plus de mal à tenir le rythme d’un dessin par jour pendant trente et un jours.
Au final, il me manque deux dessins et certains ne sont pas colorés (c’est voulu pour le 19ème mais pas pour les autres). Mais, bon, je suis quand même très fière de moi parce que ça représente un sacré progrèspar rapport à l’année dernière déjà. Et par rapport à mon état de santé et à ma confiance en moi et en mes capacités, surtout.
Je vous laisse découvrir mes dessins ci-dessous. Quant à ceux qui voudraient en savoir encore plus à leur sujet, sachez que j’ai détaillé mon travail au jour le jour sur Instagram. Vous y trouverez aussi des photographies de ces dessins en cours de réalisation, des anecdotes, leur petite histoireà chacun.
Mon Inktober 2018 :
Inktober 2018, Jour 1 : Poisonous
Inktober 2018, Jour 2 : Tranquil
Inktober 2018, Jour 3 : Roasted
Inktober 2018, Jour 4 : Spell
Inktober 2018, Jour 5 : Chicken
Inktober 2018, Jour 6 : Drooling
Inktober 2018, Jour 7 : Exhausted
Inktober 2018, Jour 8 : Star
Inktober 2018, Jour 9 : Precious
Inktober 2018, Jour 10 : Flowing
Inktober 2018, Jour 11 : Cruel
Inktober 2018, Jour 13 : Guarded
Inktober 2018, Jour 14 : Clock
Inktober 2018, Jour 15 : Weak
Inktober 2018, Jour 16 : Angular
Inktober 2018, Jour 17 : Swollen
Inktober 2018, Jour 18 : Bottle
Inktober 2018, Jour 18 : Bottle (détail)
Inktober 2018, Jour 19 : Scorched
Inktober 2018, Jour 20 : Breakable
Inktober 2018, Jour 21 : Drain
Inktober 2018, Jour 22 : Expensive
Inktober 2018, Jour 23 : Muddy
Inktober 2018, Jour 24 : Chop
Inktober 2018, Jour 25 : Prickly
Inktober 2018, Jour 26 : Stretch
Inktober 2018, Jour 27 : Thunder
Inktober 2018, Jour 28 : Gift
Inktober 2018, Jour 28 : Gift
Inktober 2018, Jour 29 : Double
Inktober 2018, Jour 31 : Slice
Ces dessins vous plaisent ? Pensez aux boutiques Studinano ! Vous y trouverez des reproductions de divers formats et sous différentes formes, des vêtements, des bijoux, des accessoires et des créations originales pour faire plaisir aux grands, aux petits, à toute la famille et pour toutes les occasions !
Zdzisław Beksiński est de ces artistes dont les créations nous fascinentau premier regard, frappant en plein cœur, là où ça fait mal… et du coup, là où ça fait tellement de bien aussi. Son art est délicieusement sombre, terriblement beau. Son univers est original et poignant. Et même si son nom est imprononçable et que vous l’oublierez sans nul doute rapidement, il ne fait aucun doute que ses œuvres, elles, s’inscriront dans un coin de votre mémoire à jamais.
Je le dis ici et je le redirai sans doute ailleurs dans l’article : âmes sensibles s’abstenir ! Certaines de ses œuvres sont vraiment dures à regarder. En particulier si vous avez du mal avec les corps déformés, les cicatrices, les créatures humanoïdes pas forcément identifiables… Bref. Ne vous filez pas des cauchemars pour rien. Cela dit, je mettrai les « pires » œuvres en toute fin d’article donc vous devriez pouvoir le lire sans problème. Évitez juste de zieuter la galerie d’images, en bas de page, si vous ne le sentez pas.
Nous parleront essentiellement, ici, des peintures de Zdzisław Beksiński. Sachez, toutefois, qu’il a également touché à d’autres formes d’art, comme la sculpture, la photographie mais aussi le photomontage (y compris par ordinateur).
Qui était Zdzisław Beksiński ?
Zdzisław Beksiński est un artiste polonais né en 1929 et mort en 2005. Je prends le temps de préciser ces informations biographiques sommes toutes assez ennuyeuses parce que je pense que le contexte est important pour apprécier ses œuvres.
J’insiste donc : c’est un artiste polonais, né en 1929. Vous voyez un peu au milieu de quoi il a grandi ? Bon. Parce que la Seconde Guerre Mondialeoccupe, à n’en pas douter, une grande place dans l’imaginaire de l’artiste. Dans certaines de ses peintures, la référence ne fait même aucun doute (voir, ci-contre, une de ses peintures représentant clairement un soldat allemand, à en juger par la forme de son casque). Toutefois, comme je le disais, ce n’est finalement qu’une question de contexte car Zdzisław Beksiński n’a jamais vraiment fourni d’explications concernant ses œuvres. Nous ne pouvons donc que faire des spéculationsà leur sujet et essayer de les rattacher à ce qu’il a pu vivre, voir, entendre, faire comme expérience, etc.
« Un style unique, minutieux, aussi terrifiant que créatif, à l’image de sa vie. Né en 1929 dans la petite ville polonaise de Sanok qu’il quitte en 1977 pour un appartement dans une barre grise de Varsovie, Zdzislaw Beksinski n’aimait pas trop sortir de chez lui et vivait en fusion totale avec Zofia, sa femme prévenante et dévouée, Tomasz, son fils maniaco-dépressif et célèbre animateur radio, et les deux grands-mères dépendantes. »
Notons aussi que l’artiste n’a pas hésité à brûlercertaines de ses toiles, avant un déménagement, les jugeant « trop personnelles ». Il lui arrivait aussi de recouvrir des toiles quasiment achevées quand elles ne lui convenaient pas, pour repeindre au-dessus d’elles. Du coup, même si la plupart de ses œuvres n’ont pas de titre, on peut essayer de les comprendre en comprenant l’homme qu’il fut. Toutefois, il faut aussi retenir qu’il semblait avoir du mal à parler de choses trop personnelles dans ses tableaux. Nous verrons également que nous pouvons tout aussi bien nous passer de titre ou d’explications de l’artiste pour appréhender ses œuvres à notre manière, avec notre propre ressenti, nos propres connaissances et expériences.
Les œuvres inexplicables de Zdzisław Beksiński
Il ne fait aucun doute, à mon sens, que l’ambiancebien particulière qui marque chaque œuvre de Zdzisław Beksiński est de celle qui n’a pas besoin de mots : vous voyez ; vous comprenez. Son langage semble universel. Vous n’avez pas besoin d’explications pour être touché par ses tableaux. Dans le même temps, observer ses œuvres vous pousse à l’introspection. Qu’est-ce que je ressens ? A quoi cela me fait-il penser ? Et, sans nous en apercevoir, nous voilà déjà en train d’essayer de décrypter l’histoire qui se cache derrière l’œuvre que nous regardons.
A mon sens, l’échange entre le spectateur et l’œuvre se fait par les émotions, les sentiments ressentis. Ses œuvres vous prennent aux tripes, comme si elles nous touchaient personnellement. Bien sûr, cela varie d’une œuvre et d’une personne à l’autre. Il n’empêche, il y a, à coup sûr, au moins une œuvre de Zdzisław Beksiński qui vous touchera, que vous puissiez l’expliquer ou non.
Je pense que quelqu’un qui voudrait vous parler durant des heures de l’œuvre de Zdzisław Beksiński n’aurait pas fondamentalement tort (et je ne dis pas ça parce que je suis justement en train de vous parler de lui et d’essayer de vous expliquer son travail)… C’est seulement que ses explications ne pourraient être qu’à des années lumières de ce qui fait réellement l’intérêt du travail de cet artiste. Car comment mettre des mots sur ce que l’on ressent ? C’est toujours extrêmement délicat. C’est aussi très personnel, très subjectif. Si j’essayais de vous décrire ce que je ressens devant une toile de Zdzisław Beksiński, vous pourriez très bien me dire que vous comprenez mais que vous ne ressentez pas tout-à-fait la même chose. Auriez-vous tort ? Aurai-je tort ? Pas vraiment. Après tout, l’artiste n’a pas donné de clef précise pouvant nous permettre de comprendre son oeuvre. Il n’existe pas de « dictionnaire » de Beksiński, qui apporterait une définition précise de ce que nous devrions voir dans chacun de ses tableaux. Et c’est aussi ce qui fait la beauté de son travail et la fascination qu’il provoque chez nous.
Zdzisław Beksiński et la mort
Cet artiste est aussi de ceux qui attisent une curiosité malsaine. Ses personnages osseux, ses corps cassés ou difformes, ses effrayants humanoïdes et le côté particulièrement organique de son travail, bercé par une palette chromatique restreinte, comme une brume oppressante, étouffante, attise la part de nous qui est fascinée par l’horreur, le malheur, la douleur… La mort aussi, sans aucun doute, qui règne en maître sur ce monde du rêve et du cauchemar.
On se croirait parfois dans Blade Runner(nouvelle mouture) ou Mad Max, avec son désert étouffant, à l’air orangeâtre saturé de poussière (voir ci-dessous, sur cette toile nous montrant une carcasse de voiture). Certaines peintures de l’artiste ont vraiment quelque chose de cinématographique, que soit dans les couleurs, la mise-en-scène, le cadrage… On pourrait y voir les décors d’un film de science-fiction post-apocalyptique, sans doute ponctué de scènes d’horreur particulièrement poignantes.
D’ailleurs, il semble que Zdzisław Beksiński voulait être réalisateur de cinéma mais que son père s’y opposa (source).
« [Dans The Last Family, film du réalisateur polonais Jan P. Matuszynski], il s’agit de raconter via le cinéma l’histoire de la famille le plus filmée de toute l’histoire de l’humanité. Beksinski a tout filmé et enregistré : des discussions banales en passant par les crises psychiques de son fils suicidaire, jusqu’à l’enterrement de sa propre mère. »
On trouve aussi parfois, dans certaines de ses toiles, des personnages de légende qui ne nous sont pas inconnus. Le Sinistros ou encore la Mort sur son fidèle destrillé, peint maintes fois dans l’Histoire de l’Art (même si c’est tout de suite la version de Dürer qui me vient à l’esprit). On devine aussi des figures christiques, en pleine crucifixion, et des épisodes bibliques comme la Tour de Babel.
Albrecht Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable, 1513, Gravure sur cuivre, 24,4 × 18,8 cm, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Allemagne.
La Tour de Babel vue par Pieter Brueghel l’Ancien au XVIe siècle.
La tour de Babel peinte en 1594 par Lucas van Valckenborch.
Danse macabre, représentations de la mort, entités supérieures, sortes de dieux, de déités, et toutes sortes de monstres : l’œuvre de Zdzisław Beksiński semble tout droit sortie du Necronomiconde H. P. Lovecraft. On s’attend presque à voir surgir Cthulhu, au milieu de l’épaisse poussière. On est passé de l’autre côté (on remarque d’ailleurs que l’artiste a peint plusieurs fois des sortes de portes, des portails étranges et plus ou moins rassurants), dans le monde obscur de Stranger Things, où vivent toutes sortes de créatures cauchemardesques et qui ressemble pourtant étrangement à notre monde réel. Des monstres dont l’allure humanoïde ne fait que renforcer leur inquiétante-étrangeté. Dans certains de ses tableaux, c’est l’absence même de toute vie qui est terrifiante. On entendrait presque le silence.
Tous ces éléments fascinent, pour d’obscures raisons. Les ténèbres ont toujours attiré l’homme et Zdzisław Beksiński est de ceux qui peignent les ténèbres, ce qui rend son travail diablement efficace (comme je le disais en introduction, son travail marque les esprits ; on se souvient de ses peintures car elles choquent, d’une certaine façon). Nous possédons tous une part d’ombre et c’est elle qui intéresse l’artiste – celle qui est en lui, sans doute, mais aussi celle de ses spectateurs. Notre intérêt pour son art, qui nous apparaît rapidement comme délicieusement sombre, pourrait donc être vu comme un intérêt pour notre subconscient, pour cette part d’ombre en nous. C’est en tout cas ainsi que je perçois son travail. Devant un Zdzisław Beksiński je me sens comme devant un miroir qui me renverrait l’image de ce que je ne peux pas voir de moi ; tout d’abord, mes peurs (qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, naïvement, ne sont pas toujours limpides et connues de nous), mais aussi mes envies (en particulier les plus sombres), mes rêves et mes cauchemars (lieux privilégiés d’expression de notre subconscient), le « monstre » en moi.
Zdzisław Beksiński et les horreurs de l’Histoire
Mais Zdzisław Beksiński ne se contente pas de peindre des scènes détachées de toute réalité. Il parle de notre monde, de sa cruauté et des souffrances que l’homme engendre ou subit. Son œuvre n’a rien d’optimiste ou d’utopiste. Il dépeint la face sombre du monde dans un univers fantastique, chimérique . Après tout, nos rêves et nos cauchemars, songes incontrôlables qui surgissent dans nos esprits chaque nuit, ne sont-ils pas plus honnêtes que nous ne le serons jamais ?
Les motifs et les sujets que choisit l’artiste sont souvent en lien avec l’Histoire. On reconnaît nettement des soldats allemands ou des chars d’assaut, çà et là, mais aussi le marteau et la faucille, symbole du Parti Communiste. Il peint aussi ce qui semble être des cathédrales – ou ce qu’il en reste. On aperçoit aussi parfois des véhicules aux silhouettes bien réelles. La réalité se mêle alors au cauchemar, le rendant plus inquiétant encore. Ce qui nous paraissait purement fictif devient étrangement familier.
Les images que produit ainsi Zdzisław Beksiński sont ainsi d’une incroyable expressivité. L’on perçoit la douleur de ses personnages alors même qu’ils semblent tous déjà morts ; l’on ressent leur solitude même en leur absence ; l’on comprend les références de l’artiste, qu’il parle de scènes bibliques ou d’évènements historiques gravissimes comme la Seconde Guerre Mondiale. L’être humain, de tout temps, est au centre de son œuvre. C’est un vaste cauchemar commun, universel, qu’il dépeint.
D’ailleurs, l’on ne s’échappe pas de l’univers de Zdzisław Beksiński. Ses personnages (même si ses tableaux n’en sont pas toujours pourvus, ils disposent tous d’une présence) font partie de cet univers et ne peuvent rien faire pour s’en échapper. Comme enfermés dans un dédale qu’ils ne distinguent pas forcément, ils cherchent inlassablement la sortie, la solution ultime à un mal être qui les dépasse. Mais cette sortie existe-t-elle ? Zdzisław Beksiński a peint de nombreux portails mais comment savoir s’ils ne mènent simplement pas à un autre cauchemar ? Comment être sûr qu’ils mènent seulement quelque part ? Beaucoup de ses personnages sont seuls ; abandonnés par leur propre monde et les forces qui le régissent (pour peu qu’elles existent), abandonnés par leurs semblables. Les corps souffrent, sont décharnés, squelettiques, difformes, torturés.
Pour autant, il ne faut pas ôter du travail de Zdzisław Beksiński toute forme d’humour. Il fait preuve d’une certaine ironie. Je perçois cela comme une forme de désillusion mais l’homme semblait être quelqu’un d’enjoué et de drôle, contrairement à ce que son art dit de lui. Il dépeint ainsi un corps décharné et couvert de cicatrices, portant un tutu.
« A l’école, il faisait des dessins de nus, ce qui irrita un jour un prêtre qui lui dit: « Mon fils, tu mourras et tes dessins dégoûtants vont effrayer des générations » Beksiński considéra cela plutôt comme un compliment. »
Dans la vie de tous les jours, Zdzisław Beksiński semblait être quelqu’un de positif. Son œuvre torturée et tourmentée peut alors être considérée comme une échappatoire ; non seulement une façon d’exprimer sa pensée et sa personnalité, et un moyen d’échapper au régime dictatorial et totalitaire polonais d’Après-Guerre, peu enclin à supporter un travail artistique comme le sien. Son principal galeriste, Piotr Dmochowski, dit de lui qu’il était « bizarre » :
« Il était spécial. Il était un peu bizarre. C’était un homme d’une très grande intelligence, d’une très grande culture, érudit, il savait énormément de choses. Très bavard, très sympathique, mais, il ne sortait pas de chez lui. Il n’a jamais voyagé à l’étranger, il n’a jamais pris l’avion, il n’a jamais quitté d’abord sa ville natale et ensuite Varsovie où il a déménagé. Il était un homme très compliqué, très complexe, avec énormément de contradictions, mais avec une telle puissance d’esprit et de personnalité, qu’on pouvait passer avec lui douze heures à converser. Mais il avait ses quelques lubies et difficultés. En plus, il avait des problèmes de santé qui faisaient qu’il ne pouvait pas sortir. Il n’est jamais venu à aucun de mes vernissages et j’en ai fait des dizaines : en France, en Belgique, en Allemagne, en Pologne… Il restait toujours chez lui, enfermé, à travailler. Il écrivait beaucoup, des nouvelles, des contes. Il menait une grande correspondance, avec plusieurs personnes. Il y a deux mois, j’ai publié un grand livre de 850 pages de correspondance entre lui et moi. (…) « [L’]excellent film [The Last Family du réalisateur polonais Jan P. Matuszynski] montre un homme plein de contradictions et plein de manies. Par exemple, Beksinski détestait à serrer la main à quelqu’un. Toucher quelqu’un, cela le mettait mal à l’aise. Il ne m’a jamais dit le mot « merci ». Jamais. Pendant 30 ans que nous travaillions ensemble et pendant les douze ans où j’étais son marchand, à aucun moment, il ne m’a dit « merci ». Pourtant, je lui ai fait venir en Pologne des milliers de choses dont il avait besoin. Je courais comme un fou pour trouver tout cela. Je lui ai apporté cela à son domicile, et jamais, je n’ai entendu le mot « merci ». Donc, il était bizarre. »
Certaines de ses toiles évoquent aussi les œuvres d’autres artistes surréalistes comme Salvador Dali. Comme chez ce dernier, on peut ainsi parfois voir des œufs dans ses peintures :
« Symbole chrétien de la résurrection du Christ et l’emblème de la pureté et de la perfection. L’œuf évoque par son aspect et sa minéralité une symbolique chère à Dalí, celle de la vie antérieure, intra-utérine et de la re-naissance. »
Un humour que Zdzisław Beksiński partageait alors peut-être avec son confrère Surréaliste espagnol, Salvador Dali, et d’autres membres de ce mouvement tout-à-fait particulier dans l’Histoire de l’Art, comme André Breton. Et ce, même s’il n’avait jamais quitté sa Pologne natale.
Alors, Zdzisław Beksiński, âme torturée ou artiste inventif, capable de créer de toute pièce les pires cauchemars ? En tout cas, son travail est rattaché au mouvement Surréaliste dont les « membres » se servaient du rêve et disaient faire appel à leur subconscient pour créer. L’artiste déclarera d’ailleurs : «Je tiens à peindre comme si je photographiais mes rêves. » Il emportera toutefois les secrets de ses rêves dans sa tombe. Lui qui semblait à la fois avoir peur et être fasciné par la mort depuis son enfance sera finalement assassiné de 17 coups de couteau en 2005, après avoir survécu à la mort de son épouse en 1998 et le suicide de son fils, un an plus tard. Drôle d’œuvre, drôle de vie, drôle de mort.
100 œuvres de Zdzisław Beksiński
N’hésitez pas à cliquer pour voir les œuvres en plus grand. J’ai regroupé des peintures mais aussi des dessins. Toutefois, certaines œuvres sont en noir et blanc parce que je ne les ai pas trouvées en couleurs, tout simplement.
Je préfère également prévenir : âmes sensibles s’abstenir !Certaines œuvres sont vraiment dures à regarder. En particulier si vous avez du mal avec les corps déformés, les cicatrices, les créatures humanoïdes pas forcément identifiables… Bref. Ne vous filez pas des cauchemars pour rien.
Zdzisław Beksiński
Zdzisław Beksiński: Sans titre. 1984. Acrylique sur panneau. 98.5 x 101 cm. Collection privée (Wikimedia Commons).
Zdzislaw Beksiński
Zdzisław Beksiński
Dans cette peinture, ne croirait-on pas reconnaître le Grand Monolithe Noir de La Planète des Singes ?