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Andy Goldsworthy, l’automne et le Land Art

C’est l’automne !

Et je trouve que c’est le moment idéal pour aller jeter un petit coup d’œil sur l’œuvre de l’artiste Andy Goldsworthy. Ses œuvres sont idéales pour marquer le début de la saison des feuilles mortes ! Mortes, mais plus colorées que jamais comme on le constate vite dans ses mises-en-scène.

Andy Goldsworthy et le Land Art

Andy Goldsworthy est un artiste britannique spécialisé dans le Land Art. Il vit et travaille essentiellement en Écosse.

Le Land Art est mouvement artistique qui a vu le jour dans les années 60 aux Etats-Unis.  On y trouve des artistes qui travaillent avec des éléments naturels et, généralement, directement dans la nature. Ils utilisent donc des matériaux naturels (végétaux, minéraux, eau, glace,…) pour créer.
C’est pour cela que les œuvres du Land Art sont généralement éphémères : les feuilles s’envolent, les branchent tombent, cassent, la neige fond,…

Ne restent alors des œuvres de ces artistes que des photographies.

Comme c’est le début de l’automne, j’ai sélectionné pour vous quelques photographies d’œuvres d’Andy Goldsworthy en rapport avec cette saison. Mais il y en a tellement d’autres ! N’hésitez pas à faire une petite recherche. Je suis sûre que la poésie de son travail saura vous émerveiller.

En admirant le travail d’Andy Goldsworthy, on prend conscience de la variété de couleurs qui existent dans la nature. L’artiste trie, découpe, assemble, met-en-scène… Et voilà qu’apparaît sous nos yeux un dégradé de feuilles mortes, comme un étrange soleil ; un cercle noir comme un passage vers un autre monde ; un chemin coloré à travers la forêt ; comme l’impression qu’un arbre est dévoré par une lave étrange.

Le Land Art et l’éphémère

Comme vous pourrez le constater ci-dessus, ces photographies ont pour but de mettre en valeur les créations de l’artiste (en l’occurrence, Andy Goldsworthy, mais c’est le cas des autres artistes du Land Art). L’angle de vue, la distance, le cadrage,… Rien n’est laissé au hasard afin que l’installation éphémère perdure dans le temps et soit du meilleur effet.

La question qu’on peut légitimement se poser, alors, est : où est l’œuvre ? Est-ce l’installation initiale ou la photographie de l’installation ?
Ma foi, un peu des deux. La photographie n’existerait pas sans l’installation initiale. Mais la photographie n’est finalement qu’une trace de cette installation. C’est pourtant elle qu’on expose, qu’on vend, qui fait connaître et fait vivre l’artiste. C’est aussi la photographie qui permet aux spectateurs que nous sommes de pouvoir admirer la beauté de ces œuvres.

On fait ainsi perdurer dans le temps… une chose éphémère. En voilà un paradoxe intéressant. Et il n’est pas le seul, dans le Land Art.

Vous pouvez en effet me rétorquer que, du coup, l’œuvre n’est plus vraiment éphémère puisqu’elle est désormais figée dans le temps grâce à la photographie : elle est toujours là, visible, et potentiellement éternelle (qui sait combien de temps encore nous admirerons les œuvres d’Andy Goldsworthy et de ses collègues du Land Art ?).

Le Land Art et les paradoxes

D’ailleurs, est-ce qu’une installation comme celles de Andy Goldsworthy serait une œuvre si nous n’en avions aucune trace ? Il existe des œuvres invisibles (peut-être écrirai-je un jour un petit quelque chose à leur sujet). Mais invisible ne signifie pas inexistant ! Or, une œuvre de Land Art n’est pas invisible : elle est éphémère. Un peu comme certaines œuvres de Street Art, par exemple, qui sont recouvertes par d’autres, s’abîment, sont vandalisées, effacées…

C’est là l’un des autres paradoxes du Land Art : l’artiste réalise souvent un travail très minutieux, qui va lui demander beaucoup de temps, d’investissement pour, au final, que son œuvre disparaisse plus ou moins rapidement. Ne trouveriez-vous pas ça un peu rageant, à leur place ?

Surtout, nous pourrions penser que l’Art est fait pour perdurer dans le temps. On dit souvent, en effet, que l’Art est le reflet de son époque. D’ailleurs, l’Art a longtemps été le seul moyen de représenter notre façon de vivre, notre monde, l’Histoire. Alors, à quoi rime un art éphémère ? Un art qui disparaît au premier coup de vent ? Avec l’apparition de la photographie, au XIXème siècle, l’Art a évolué et les préoccupations, les motivations des artistes ont également changé. Or, ne vivons-nous pas de plus en plus à l’époque de l’éphémère ? Pensons à Snapchat et à toutes ces applications qui nous permettent de créer un contenu numérique… qui disparaîtra au bout de quelques secondes ou après visionnage. Les modes ne se sont jamais succédé  si rapidement. Notre mode de consommation entier est basé sur l’éphémère, sur l’obsolescence programmée. De nombreux mouvements artistiques et artistes questionnent aujourd’hui l’éphémère de façons très diverses. Le Land Art est une des nombreuses façons d’appréhender l’éphémère.

Le Land Art, comme le Street Art (qui est lui-même héritier des graffiti qui existent depuis la nuit des temps) est un art de la trace. Une trace laissée par l’Homme dans son environnement ; de la même manière que nos ancêtres préhistoriques laissaient déjà des traces de leur passage sur les parois des grottes qu’ils habitaient. C’est une trace qui n’a pas vocation à bouleverser son environnement mais à cohabiter avec lui ; à en tirer parti, à échanger avec lui pour parvenir à créer. C’est aussi une façon de dire « J’étais là ».

Pour certains artistes, comme Andy Goldsworthy, cela se traduit généralement par la réalisation d’œuvres éphémères. Pour d’autres artistes du mouvement, comme Robert Smithson (un des plus célèbres d’entre eux), cela se traduit par des constructions, parfois gigantesques, qui s’inscrivent durablement dans la nature.

D’ailleurs, Andy Goldsworthy est aussi connu pour ses Cairns, bien plus robustes et résistants façon au temps : le Land Art ne questionne pas seulement l’éphémère mais, de façon plus globale, questionne notre rapport au temps et à l’espace, au territoire.

En France, vous pouvez notamment vous rendre à Chaumont-sur-Loire pour admirer un de ces fameux Cairn en forme d’œuf qui font la renommée de l’artiste. Andy Goldsworthy a d’ailleurs dit qu’il s’agirait probablement du tout dernier Cairn qu’il créerait ! (Source)
A terme, ses Cairn sont appelés à se fondre dans la nature, à cohabiter avec elle. Ils vont se recouvrir de mousse et d’autres végétaux, ils vont devoir affronter les intempéries, les divers ravages du temps. Dans très longtemps, on peut imaginer que ces étranges œufs de pierre auront changé de forme à force d’être balayés par la pluie et le vent. Peut-être n’y survivront-ils pas, d’ailleurs.

On peut donc dire que le Land Art est la trace d’une cohabitation, pas toujours évidente mais belle, avec la nature. En effet, dans les œuvres du Land Art, la nature est à la fois le théâtre, le matériau et l’inspiration de l’artiste.

Le Land Art et l’imprévisible

Plus encore : la nature est parfois l’artiste.

En effet, ce qui intéresse aussi les artistes du Land Art, c’est le caractère entropique de leurs œuvres. Oula, ne fuyez pas ! L’entropie, c’est quoi ? Wikipédia nous dit :

« Le terme entropie a été introduit en 1865 par Rudolf Clausius à partir d’un mot grec signifiant « transformation ». Il caractérise le degré de désorganisation, ou d’imprédictibilité du contenu en information d’un système. »

Source : Wikipédia

Pour le dire autrement, les œuvres du Land Art sont transformées aléatoirement en fonction des intempéries, du temps qui passe, des gens ou des animaux qui peuvent toucher, modifier l’œuvre, etc. C’est l’entropie : on ne peut prédire exactement comment l’œuvre évoluera dans le temps.

La photographie prend alors une dimension nouvelle : elle permet de garder une trace de l’œuvre mais aussi de constater les changements qu’elle subit dans le temps. A ce moment-là du processus créatif, ça n’est finalement plus l’artiste qui fait l’œuvre mais la nature elle-même.

D’ailleurs la nature n’est-elle pas déjà une œuvre à elle seule ? On pourrait sans doute disserter bien longtemps à ce sujet. Surtout quand l’automne arrive et recouvre les arbres de mille couleurs.


Sources :

Portail du Land Art
Éliane Elmaleh, « La terre comme substance ou le Land Art », Revue française d’études américaines 2002/3 (no93), p. 65-77.
Domaine de Chaumont-sur-Loire – Andy Goldsworthy
Culturebox – Land Art : Andy Goldsworthy édifie un « cairn » évolutif à Chaumont-sur-Loire
Wikipédia – Land Art

Un Jardin d’Eden au Japon : Floating Flower Garden

L’œuvre dont je vais vous parler aujourd’hui est actuellement exposée au Miraikan de Tokyo (Musée des Sciences et de l’Innovation) mais elle fait parler d’elle par-delà les frontières.

Il s’agit d’une installation du collectif TeamLab, un groupe d’artistes japonais connu pour concevoir des œuvres utilisant les technologies. Or, l’œuvre dont il sera question ici est un savant mélange d’art et de science.


Sommaire de l’article

Les jardins suspendus de Babylone, version XXIe siècle
Art + Technologie + Nature : Un jardin hydroponique
Suspendre des fleurs : Pourquoi ? Pour quel effet ?
Plus exactement, les fermes verticales, qu’est-ce que c’est ?
Des fleurs… pour nos tombes ?
Pourra-t-on vivre à jamais dans nos jardins suspendus ?
En savoir un peu plus sur TeamLab


Les jardins suspendus de Babylone, version XXIe siècle

Intitulée Floating Flower Garden (« Jardin de Fleurs Flottantes »), l’œuvre est une installation immersive : il s’agit d’une salle remplie de pas moins de 2300 fleurs. Le spectateur entre dans la pièce et, peu à peu, les fleurs s’écartent sur son passage, comme si elles se mettaient à flotter autour de lui. Une fois qu’il est passé, elles redescendent. Ainsi, le spectateur se retrouve comme dans une bulle fleurie. Un jardin d’Eden. Magique !

Mais la technologie utilisée dans cette oeuvre ne se résume pas seulement au système « intelligent » qui détecte les mouvements du spectateur pour faire monter ou descendre les végétaux. Ce qui est surtout intéressant, en fait, c’est que ces fleurs sont bien vivantes : elles continuent de pousser, de grandir grâce à un procédé mis en place par TeamLab.

Même si TeamLab a gardé ce procédé secret, on peut penser qu’il s’agit d’un procédé d’hydroponie. Oula ! Ne fuyez pas, je vous explique : c’est un système permettant de faire pousser des plantes en dehors de la terre. Un système qui, dit-on, était déjà utilisé à Babylone, au sein des mythiques Jardins Suspendus ! Et un système qui est peu à peu en train de refaire surface et de se faire connaître du grand public depuis que l’idée de créer des fermes verticales, en plein cœur des villes, fleurit un peu partout sur la planète (vous trouverez plus de détails sur les fermes verticales plus bas dans cet article).

Art + Technologie + Nature : Un jardin hydroponique

« Flowers and I are of the same root, the Garden and I are one »Les fleurs et moi avons les mêmes racines, le jardin et moi sommes un. ») annonce la vidéo qui permet de se rendre compte de ce que donne vraiment cette installation (voir ci-dessus). Autrement dit, le visiteur est appelé à venir se confondre avec la nature, à ne faire plus qu’un avec elle. Le message porté est clairement écologique : nous possédons des racines communes avec les fleurs parce que nous partageons la même terre, parce que nous naissons sur la même terre et parce que nous ne pouvons naître que sur cette terre. En ne protégeant pas les fleurs (et la nature, plus largement), c’est aussi notre propre vie que nous mettons en danger. Ou, en tout cas, celle de nos enfants.

Le message est éculé mais il n’y a pas de mal à le rappeler encore une fois. D’autant plus que l’installation du collectif TeamLab semble faire l’unanimité sur au moins un critère : elle est superbe. Photo tirée de la vidéo présentant l'installation Floating Flower Garden ("Jardin de Fleurs Flottantes") de TeamLab. Photo tirée de la vidéo présentant l'installation Floating Flower Garden ("Jardin de Fleurs Flottantes") de TeamLab. Photo tirée de la vidéo présentant l'installation Floating Flower Garden ("Jardin de Fleurs Flottantes") de TeamLab. Photo tirée de la vidéo présentant l'installation Floating Flower Garden ("Jardin de Fleurs Flottantes") de TeamLab. Photo tirée de la vidéo présentant l'installation Floating Flower Garden ("Jardin de Fleurs Flottantes") de TeamLab.

Suspendre des fleurs : Pourquoi ? Pour quel effet ?

On peut, en effet, se demander d’où nous vient cette envie de suspendre des plantes.

Comme je le disais, cette œuvre de TeamLab peut faire penser aux plus célèbres jardins suspendus du monde : ceux de Babylone. Nous avons tous déjà entendu parler de ces jardins fabuleux. Pourtant, on ignore encore aujourd’hui s’il s’agissait d’un mythe ou d’une réalité…

Pour la petite histoire : Le Roi Nabuchodonosor II (assez célèbre puisqu’il apparaît notamment dans l’Ancien Testament, rien que ça, je vous passe les détails), aurait fait ériger ces jardins pour rappeler à son épouse les montagnes verdoyantes de son lointain pays. Romantique à souhait, non ? Le problème, c’est que les archéologues n’ont pas encore retrouvé les vestiges de cette construction. Nous n’avons donc pas de preuve indéniable de son existence (ce qui n’est pas le cas pour d’autres Merveilles du monde Antique comme la Bibliothèque d’Alexandrie, par exemple, dont nous savons qu’elle a véritablement existé).

En fait, tout ce dont nous disposons, ce sont des documents antiques racontant des témoignages encore plus anciens dont nous n’avons, là, par contre, aucune trace écrite… Pour le dire plus simplement : Bidule a raconté que Machin avait vu ça et que c’était génial ! Vous me suivez ?

Et c’est finalement au philosophe Philon d’Alexandrie que nous devons la description des jardins restée la plus célèbre : « Le jardin qu’on appelle suspendu, parce qu’il est planté au-dessus du sol, est cultivé en l’air ; et les racines des arbres font comme un toit, tout en haut, au-dessus de la terre ». (Source : Georges Roux, Architecture et poésie dans le monde grec, Maison de l’Orient Méditerranéen,‎ 1989, p. 301)

A la fin du film d'animation Le Château dans le ciel de Hayao Miyazaki, le château n'est finalement plus qu'un immense arbre volant.
A la fin du film d’animation Le Château dans le ciel de Hayao Miyazaki, le château n’est finalement plus qu’un immense arbre volant.

Ca ne vous rappelle rien ? Personnellement, des racines qui feraient comme un toit au-dessus de ma tête, ça me rappelle sacrément l’oeuvre de TeamLab, juste au-dessus. (bon, ok, Philon parle d’arbres, et je vous parle de fleurs, mais y’a de l’idée !)

Bon, même s’il est assez peu probable que le Roi Nabuchodonosor II ait réussi à trouver des architectes/ingénieurs/magiciens pour faire voler des arbres façon Château dans le Ciel, la légende reste belle et elle a surtout beaucoup marqué les esprits. Il est tout de même plus probable que ces jardins étaient des terrasses, tout « simplement » (pas si simplement que ça, en fait, mais plus simplement que s’ils avaient dû faire voler des arbres, disons). Notons quand même que Babylone était une ville fantastique pour l’époque. Il suffit de voir la magnifique Porte d’Ishtar (ci-dessous), également construite sous le règne de Nabuchodonosor II, pour en juger. Si les jardins suspendus ont véritablement existé, il suffit de voir la splendeur de cette porte pour imaginer à quel point ils devaient être sublimes !

La porte d'Ishtar au musée de Pergame (Berlin) Construite en 580 av. J.C. à Babylone. La porte d'Ishtar est une des huit portes de la cité intérieure de Babylone. Cette porte est dédiée à la déesse Ishtar.
La porte d’Ishtar au musée de Pergame (Berlin)
Construite en 580 av. J.C. à Babylone.
La porte d’Ishtar est une des huit portes de la cité intérieure de Babylone. Cette porte est dédiée à la déesse Ishtar.

Vous allez me dire, c’est bien beau tout ça, mais pourquoi cherche-t-on à faire flotter des plantes, alors ?

Faire sortir les plantes de la terre et réussir à les faire pousser, à les maintenir en vie malgré tout, c’est un peu jouer au dieu tout-puissant. Parce que c’est parvenir à dépasser les lois de la nature et à en créer de nouvelles pour son propre intérêt.

En fait, si Nabuchodonosor II avait fait construire ses jardins suspendus pour son épouse, nous avons aujourd’hui l’envie de construire des fermes verticales dans un but beaucoup plus prosaïque : nous ne pourrons pas toujours nourrir les habitants des villes, de plus en plus nombreux, avec nos champs et notre agriculture actuels. Tout simplement parce que nous manquerons de place et de ressources nécessaires. L’idée des fermes verticales serait donc de faire pousser les champs en hauteur et non plus à l’horizontal. De fait, il faudrait donc faire sortir de terre les végétaux que nous voudrions y faire pousser. Et revoilà nos rêves de jardins suspendus !

Plus exactement, les fermes verticales, qu’est-ce que c’est ?

Représentation en 3D pour le projet "Paris Smart City 2050".
Représentation en 3D pour le projet « Paris Smart City 2050 ».
Exemples de fermes verticales imaginées par l’architecte Vincent Callebaut pour Paris (Porte d’Aubervilliers).

Ce sont des fermes dans des gratte-ciel ; des champs en plein cœur de la ville !

Le jardin suspendu n’est pas seulement beau, il est aussi très pratique : la terre pèse lourd tandis que le procédé hydroponique qui permet la création de tels « jardins » (ou de fermes entières) et dont je vous parlais plus avant, permet de s’en passer totalement. On gagne donc en place.

Ferme verticale imaginée par l'architecte Blake Kurasek, 2008.
Ferme verticale imaginée par l’architecte Blake Kurasek, 2008.

Une place qui nous manque de plus en plus ! Car si la population mondiale augmente d’année en année, la place au sol, elle, reste la même. Il faut donc de plus en plus penser notre monde à la verticale : quand on ne peut plus s’étendre sur la terre, il faut envisager de grimper vers les cieux qui, eux, ont l’avantage d’être potentiellement infinis. Cela vaut pour les habitations (les immeubles en tout genre, les buildings, les gratte-ciel) mais cela risque de valoir pour de plus en plus d’autres choses. Notamment pour l’agriculture : c’est l’idée des fermes verticales.

Les fermes verticales ont aussi pour vocation de rendre les aliments de demain plus sains. L’hydroponie permet aussi cela puisqu’elle permet de donner aux plantes ce dont elles ont besoin pour vivre et pour se développer au mieux sans avoir recours à tous nos pesticides et autres produits chimiques d’aujourd’hui.
Notons d’ailleurs que si les plantes poussent en intérieur, il devient possible de faire en sorte que les nuisibles n’y aient pas accès. Les pesticides deviennent donc inutiles.

Ferme verticale imaginée par l'architecte Blake Kurasek, 2008. Aperçu de ce qui pourrait être cultivé à l'intérieur, sur les différents niveaux.
Ferme verticale imaginée par l’architecte Blake Kurasek, 2008.
Aperçu de ce qui pourrait être cultivé à l’intérieur, sur les différents niveaux.

De plus, au procédé hydroponique s’ajoutent des études poussées sur la lumière. Car les plantes auront toujours également besoin de lumière pour vivre. Avec les recherches menées notamment sur les LED (qui consomment peu et durent longtemps), il devrait devenir possible de faire pousser toutes sortes de plantes, aussi exotiques soient-elles, partout dans le monde. Y compris dans des régions où il était jusqu’alors impossible de les faire pousser.
Résultat ? Moins d’importation et donc moins de pollution due au transport des marchandises ; moins de pertes, de gâchis liés au temps de conservation des aliments ; et aussi moins de produits chimiques censés, justement, allonger le temps de conservation des aliments. Et, au final, si tout va bien, un coût plus bas pour le consommateur puisque tout sera conçu sur place, à deux pas de chez lui.

Voilà, pour résumer, le projet fou des fermes verticales. Reste à voir si le futur en fera une réalité ou si elles resteront de pures utopies architecturales !

Des fleurs… pour nos tombes ?

Avec un résultat à la fois proche et bien différent, l’artiste Rebecca Louise Law est également connue pour ses installations de « fleurs suspendues ». Elle n’utilise pas de technologie dans ses œuvres mais elle parvient aussi à nous faire vibrer grâce aux couleurs et aux formes des bouquets qui viennent habiller les plafonds des différents endroits qu’elle investit (musées, églises ou salle de théâtre, par exemple). Après tout, quoi de plus naturellement artistique qu’une fleur ?

Toutefois, ses fleurs coupées ne sont pas sans rappeler les fleurs que l’on vient déposer sur les tombes. Or, le mythe Babylonien est certes, merveilleux, mais il n’en est pas moins trouble : la cité glorieuse a aujourd’hui complètement disparu, elle n’a pas su éviter son déclin malgré ses trésors, sa technologie, son savoir. Si nous devons donc nous inspirer de cette ville, à n’en pas douter, nous devons aussi nous souvenir qu’elle ne fut pas immortelle. Les oeuvres de Rebecca Louise Law peuvent aussi donner l’impression que les fleurs nous tombent dessus ; une averse de fleurs nous tombent sur la tête, tombe sur notre monde. Quel sens donner à cela ? Doit-on y voir un espoir ou, au contraire, le signe de notre fin ? « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle », disait le poète.
Installation de Rebecca Louise Law Installation de Rebecca Louise Law Installation de Rebecca Louise Law Installation de Rebecca Louise Law Installation de Rebecca Louise Law

Pourra-t-on vivre à jamais dans nos jardins suspendus ?

Gulliver découvrant Laputa, la ville volante. Gravure de J.J. Grandville, vers 1856.
Gulliver découvrant Laputa, la ville volante.
Gravure de J.J. Grandville, vers 1856.

Essayons d’être plus clair.

Comme nous l’avons vu, la description des jardins suspendus de Babylone par Philon d’Alexandrie peut rappeller le Château dans le Ciel de Hayao Miyazaki. Ce dernier s’est lui-même inspiré de la cité volante de Laputa, inventée dans Les Voyages de Gulliver par Jonathan Swift (1721) pour imaginer ce château-arbre volant.

Or, l’histoire que Hayao Miyazaki raconte autour de cette ville volante réinvente le mythe d’Icare : à vouloir s’approcher trop près du Soleil, on finit par se brûler les ailes. Autrement dit, si nous parvenons à nous élever de plus en plus (au sens propre comme au figuré), n’oublions pas de prendre garde car, en cas de problème, la chute sera d’autant plus rude.

A moins qu’il n’y ait plus jamais de chute possible ? C’est  ce qui arrive aux habitants fictifs de Laputa : ils ne se considèrent plus vraiment comme des êtres humains puisqu’ils vivaient au-dessus de la terre : ils oublient que l’homme ne peut pas vivre à jamais séparé de la « terre nourricière ». « Les fleurs et moi avons les mêmes racines, le jardin et moi sommes un » disait la vidéo de TeamLab : si une fleur doit pousser dans la terre, nous aussi, d’une certaine façon.

Dans le Château dans le Ciel, on sait que les habitants finissent par disparaître. On ne sait pas s’ils sont tous morts ou s’ils ont un jour tous décidé de regagner la terre ferme. Ils n’étaient en tout cas plus capables de vivre sur cette île volante. Il faut dire qu’elle était devenue plus dangereuse pour eux (et pour les habitants d’en-dessous) que véritablement bénéfique.

Il s’agit de ne pas confondre besoin (nous devons construire des fermes verticales car nous allons manquer de place au sol) et envie, voire vanité (créons des fermes verticales car on peut le faire et c’est cool !).

Du coup, on peut en effet se demander si, à long terme, l’hydroponie sera viable. Pourra-t-on faire à jamais pousser des plantes dans des tours ? Seront-elles d’aussi bonne qualité que celles poussant dans la terre ferme ?

Pieds de bok choy (chou chinois) empilés verticalement sur 30 pieds de haut (un peu moins d'un mètre) dans une ferme urbaine de Singapour. Les légumes tournent sur un support en forme de A afin de leur assurer un éclairage uniforme.
Pieds de bok choy (chou chinois) empilés verticalement sur 30 pieds de haut (un peu moins d’un mètre) dans une ferme urbaine de Singapour.
Les légumes tournent sur un support en forme de A afin de leur assurer un éclairage uniforme.

A l’heure actuelle, les tours verticales restent de lointains rêves d’architectes. En effet, de tels bâtiments seraient actuellement trop coûteux à réaliser et à maintenir à flot (d’après The Economist). Pourtant, l’écologiste Dickson Despommier, qui est à l’origine et développe l’idée des fermes verticales depuis une décennie, n’en démord pas : pour lui, ces fermes vont devenir, dans les prochaines années, de plus en plus indispensables. En particulier dans des îles-villes comme Singapour, où la densité de population est telle et le manque de place tellement problématique, que l’importation est une absolue nécessité. Pour espérer devenir plus indépendant, des chercheurs de Singapour sont d’ailleurs déjà en train de développer des procédés de culture verticale, sur l’idée de Dickson Despommier. Nous sommes encore loin des tours entières mais ces plantes poussent déjà sur quelques mètres de hauteur !

En savoir un peu plus sur TeamLab

Voilà tout se qui se cachait, selon moi, derrière l’œuvre du collectif TeamLab. Je vous invite vivement à aller farfouiller sur leur site car la plupart de leurs installations sont vraiment belles ! Je vous partage, ci-dessous, quelques photographies qui en sont issues mais toutes les vidéos sont disponibles sur leur site. Vous verrez que leurs œuvres concernent souvent la nature, avec une poésie toute japonaise et des couleurs pop vraiment plaisantes et attrayantes. On y retrouve autant l’influence d’Hokusai que de Ghibli et de l’art manga en général. Leurs oeuvres sont des jardins de synthèse où, pourtant, tout est fait pour vous faire oublier la machine et vous transporter dans un monde plus beau ; dans un rêve.

Une des phrases qui accompagne leur oeuvre Flowers and People résume d’ailleurs assez bien cet article : « Flowers and People, Cannot be Controlled but Live Together » (« Les Fleurs et les Gens ne peuvent pas être contrôlés mais peuvent vivre ensemble. ») A méditer !


Cet article vous a plu ? Ou ne vous a pas plu du tout ? Vous avez quelque chose à ajouter, à corriger ? Tout simplement quelque chose à dire, un avis ? N’hésitez pas : les commentaires sont là pour ça ! :)

Et n’oubliez pas, « il faut cultiver notre jardin » disait Voltaire !

Sources :
Site officiel de TeamLab
Site officiel de Blake Kurasek
Urban Attitude, « Les fermes verticales, la révolution agroalimentaire est en marche », Octobre 2013

Voyage sur Pandora !

Prêts pour un deuxième voyage au Japon ? (Le premier est là pour ceux qui l’auraient raté.) J’espère que vous n’avez pas défait vos valises trop vite car vous allez absolument vouloir rester dans cet endroit merveilleux, j’en suis certaine !

Direction, une fois encore, un des fabuleux parcs du pays du Soleil Levant. Le Ashikaga Flower Park de Tochigi.
A mes yeux, cet endroit est plus magique encore que le précédent (le Seaside Park de Hitachi, voir ici). Il faut dire qu’il se situe dans la ville d’Ashikaga, aussi surnommée la petite Kyoto de l’est. Une ville jeune puisqu’elle ne fut d’ailleurs fondée qu’en 1921 et qui met un point d’honneur à promouvoir la protection de la nature. Et, ma foi, je crois que l’on peut dire que c’est vraiment joliment réussi !

 

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Ashikaga Flower Park in Tochigi

Mais si cet endroit est aussi fabuleux, c’est parce qu’il est une véritable œuvre d’art naturelle (bien qu’il faille une nouvelle fois souligner le fait que rien n’est laissé au hasard, dans ce parc, puisque la moindre pousse est contrôlée, taillée, embellie…) et, de ce fait, il inspire les créateurs. L’endroit est devenu d’autant plus célèbre depuis la projection du film Avatar de James Cameron puisqu’il en inspira certaines des scènes les plus poétiques. En particulier, c’est la plante grimpante, la Glycine (ici, montée en arbres fleuris aux allures de saule pleureur violacé), l’une des attractions principales du parc, qui a inspiré les Arbres des Voix (voir ci-dessous) et probablement également l’Arbre des Âmes si important pour les Omaticayas. Comment aurait-il pu en être autrement, puisque l’écologie est si importante dans ce film ?

The tree of voices, Avatar, James Cameron

The tree of voices, Avatar, James Cameron

The tree of voices, Avatar, James Cameron

The tree of voices, Avatar, James Cameron

Comme la Glycine n’est arrivée en Europe qu’à la fin du XIXe siècle (bien que Le Nôtre en ait planté quelques pieds, rapportés de Chine lors d’une expédition en 1687, dans les jardins de Versailles), elle ne bénéficie pas d’une symbolique forte dans nos pays occidentaux.

Cependant, en Asie, cette plante est beaucoup plus connotée et c’est donc l’image qu’elle a là-bas qui m’intéresse dans mes travaux, comme vous pourrez le voir dans ma prochaine peinture.

En Chine (le nom chinois de la glycine est Zi Tang, littéralement « la plante rampante couleur de lilas »), par exemple, un certain nombre de plantes, dont la glycine, sont placées de façon à recevoir un maximum d’éclairement lunaire car ce rayonnement est réputé les guérir, les soigner et les protéger. Toujours dans le langage chinois des fleurs, la glycine symbolise la douceur de l’amitié mais sa délicatesse est en fait un piège puisque si elle s’enroule d’abord comme un serpent autour du support, elle l’emprisonne ensuite lorsque son bras devient puissant… Ainsi, au bout de vingt à trente ans, ses troncs noueux viennent à bout des plus solides barreaux et pitons d’acier.

Le nom anglais de la Glycine est d’ailleurs Wisteria. Et si je vous dis Wisteria Lane, nom du quartier où vivent les Desperate Housewives de la série du même nom, je suis sûre que l’idée de la « douceur de l’amitié » liée à une plante capable de briser des pitons d’acier vous paraît tout de suite plus parlant… (à moins que vous n’ayez jamais vu cette série o/)

C’est ce double aspect, donc, qui m’intéresse particulièrement dans ma peinture puisque jouer sur l’ambiguïté des choses me permet de pointer du doigt l’aspect à la fois attirant et inquiétant de l’univers que je tente de personnifier, celui d’Internet.