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Jason de Caires Taylor : L’Atlantide sculptée

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler des oeuvres de Jason de Caires Taylor.

    Jason deCaires Taylor entouré de ses sculptures avant qu'elles ne soient immergées.
Jason deCaires Taylor entouré de ses sculptures avant qu’elles ne soient immergées.

Cet artiste anglais réalise des sculptures qui sont ensuite immergées  dans ce qu’il appelle parfois des parcs à sculptures sous-marines (underwater sculpture park).
Il fonde le premier de ces parcs en 2006, dans les Antilles. Un parc que National Geographic répertorie parmi les 25 merveilles du monde actuel.
Sa dernière création, surnommée MUSA (Museo de Arte Subacuatico ou, en français, Musée d’Art Sous-marin ou Subaquatique), est un musée monumental regroupant plus de 500 de ses sculptures. Il se situe au large des côtés de Cancun au Mexique et le magazine Forbes le décrit comme l’une des destinations de voyages les plus uniques au monde.

Ces créations sont d’abord conçues sur la terre ferme, bien évidemment, puis elles sont placées sous l’eau afin de devenir de véritables sanctuaires de la vie marine.

Il faut dire que Taylor est non seulement un artiste (il est diplômé de l’Insitut des Arts de Londres, spécialité sculpture) mais il a également été instructeur de plongée sous-marine. Ce second métier lui a valu d’être primé pour ses photographies sous-marines.
C’est d’ailleurs essentiellement grâce à des photos sous-marines que nous pouvons découvrir ses sculptures immergées aujourd’hui.

Comme on peut le constater sur certaines de ses photographies, le corail, notamment, se développe avec plaisir sur ces statues.
Aussi, l’image est très belle ; elle nous montre une réconciliation symbolique entre l’homme et la mer ; entre l’homme et la nature. Ca n’est plus l’homme qui exploite la mer, ici, c’est la mer qui utilise l’homme, de façon naturelle, pour continuer à exister et à se développer.

The Silent Evolution Profondeur 8m, MUSA Collection, Cancun/Isla Mujeres, Mexico.
The Silent Evolution
Profondeur 8m,
MUSA Collection, Cancun/Isla Mujeres, Mexico.

La ronde de statues me semble particulièrement parlante et forte. En effet, n’oublions pas que l’eau a été notre première mère ; c’est dans l’eau que les premières formes de vies primitives de notre planète se sont développées. Immerger des statues de cette façon, c’est un peu revenir aux sources ; cette fois, c’est la mer – ou, plus exactement, tout son écosystème – qui peut se nourrir en « s’agrippant » à ces corps sculptés et y vivre.

Le travail de cet artiste est à la fois très poétique et très efficace. Et il a le mérite de marquer les esprits. De fait, n’est-il pas étrange, voire perturbant, de voir ces corps immergés dans l’eau ? L’image est marquante, troublante. Ces corps sont tellement différents les uns des autres, qu’on pourrait croire que l’artiste a statufié de véritable humains avant de les plonger dans l’eau.

Corps pétrifiés de victimes de l'irruption du Vésuve à Pompei (79 ap. J.C.).
Corps pétrifiés de victimes de l’irruption du Vésuve à Pompei (79 ap. J.C.).

La première fois que j’ai vu les œuvres de cet artiste, j’ai aussitôt pensé au drame de Pompei et aux habitants de la ville, littéralement pétrifiés par les chutes de pierres ponces et les nuées ardentes provoquées par l’irruption du Vésuve. La ressemblance est intrigante.

Corps pétrifié d'une victime de l'irruption du Vésuve à Pompei (79 ap. J.C.).
Corps pétrifié d’une victime de l’irruption du Vésuve à Pompei (79 ap. J.C.).
Corps pétrifié d'une victime de l'irruption du Vésuve à Pompei (79 ap. J.C.), ainsi que différents objets de l'époque, également statufiés.
Corps pétrifié d’une victime de l’irruption du Vésuve à Pompei (79 ap. J.C.), ainsi que différents objets de l’époque, également statufiés.

Mais l’oeuvre de Jason deCaires Taylor n’est pas non plus sans rappeler le mythe de l’Atlantide. Ses sculptures donnent l’impression qu’une ancienne civilisation a été engloutie après avoir été statufiée. Ses restes formeraient aujourd’hui un abri pour l’écosystème aquatique.

A partir de là, il devient possible d’imaginer que ces oeuvres sont l’allégorie de l’histoire de la vie (LE CYCLE EEETERNEEEEL… hum.) : la boucle est bouclée quand les formes de vie aquatiques se mettent à envahir les corps immergés pour vivre et se développer. Théoriquement, sur le très long terme, ces formes de vie pourraient évoluer, grandir, se transformer et devenir, à leur tour, des sortes d’êtres vivants plus complexes, comme ceux que nous sommes aujourd’hui. Mourant à leur tour, elles pourraient devenir les garde-manger des futurs formes de vie primitives, et ainsi de suite.

Holy Man Profondeur 5m,  MUSA Collection, Punta Nizuc, Mexico.
Holy Man
Profondeur 5m,
MUSA Collection, Punta Nizuc, Mexico.

Une fois immergée, les sculptures sont peu à peu envahies par la vie sous-marine, qui s’y développe comme elle le souhaite. Parfois, l’artiste lui donne un petit coup de main, en creusant ses œuvres d’une certaine manière, comme avec son Holy Man.

Au final, ses œuvres se colorent de coraux verts, roses, violets. Autour d’elles, des poissons multicolores passent également. L’ensemble grouille d’une vie nouvelle qui, elle, est naturellement belle et artistique.

D’ailleurs, Jason deCaires Taylor a aussi réalisé sa version de La Cène (The Last Supper). Je le signale car j’ai réalisé un article sur les différentes représentations de la Cène ;)

Bref, je crois que c’est une œuvre qu’il faut montrer et expliquer aux enfants car c’est sûrement eux qui auront le devoir d’inverser nos terribles habitudes de vie, un jour. Une œuvre comme celle-ci pourrait bien les inspirer en ce sens.


Site web de l’artiste : http://www.underwatersculpture.com/


Portrait d’une Nelumbaë

Nelumbaë – La naissance

50cm/61cm
Peinture acrylique sur toile

 

Le nom de cette toile s’inspire du nom scientifique d’une variété de Lotus. Je l’ai transformée afin de lui insuffler un peu de la magie des noms elfiques à la JRR Tolkien. Nelumbaë peut donc être considéré comme le nom de la petite cyclope à la peau rosée qui est représentée dans cette peinture.

Nelumbaë nait, en effet, d’un Lotus. Il faut savoir que le Lotus se nourrit de la boue pour s’épanouir. C’est une très jolie fleur qui peut surgir des eaux les plus saumâtres. C’est cette caractéristique, porteuse d’une symbolique forte, qui m’intéressait. C’est pour cette raison que je l’ai choisie comme « incubateur » de mes personnages.

Laissez-moi vous les présenter :

Ces derniers sont des cyclopes. Ils apparaissent dans d’autres de mes peintures et ils sont intimement liés à mes Faceless Girls (mais c’est une autre histoire, qu’il faudra que je vous raconte une autre fois ;)). Les Nelumbaë naissent, donc, dans des fleurs de Lotus et sont pourvues soit d’un oeil unique, soit d’une bouche aux lèvres rouge sang. Ce ne sont ni des femmes, ni des hommes. Ils ont un corps assez féminin mais aucune réelle caractéristique sexuelle précise. Ici, Nelumbaë n’a qu’un oeil. Si deux yeux pour l’humanité correspondent à l’état normal, trois à une clairvoyance surhumaine, un seul révèle un état assez primitif et sommaire des capacités à comprendre. Cela est probablement lié à la mythologie grecques dans laquelle les Cyclopes furent tués par Apollon, Dieu de la sagesse. L’oeil unique trahit donc une récession de l’intelligence, ou son commencement, ou la perte du sens de certaines dimensions et de certains rapports. Dans la tradition chrétienne, on représente également souvent les démons de la même manière, pourvus d’un seul oeil. J’imagine les Nelumbaë comme un peuple naissant. Ils évoluent dans un monde étrange, une réalité différente de la notre mais créée par elle ; ils sont le peuple que j’imagine se cacher derrière chaque information que nous laissons sur l’Internet. Ils sont la personnification de toutes ces données que nous injectons dans nos machines et qui, une fois lâchées sur la toile, ne dorment plus jamais.

Dans cette peinture, j’ai aussi choisi de représenter une sorte de rossignol, dont le chant est à la fois symbole d’amour et de mort. Ici, son chant produit des papillons qui, pour moi, sont une bonne façon de personnifier les pensées, les idées. Comme elles, les papillons sont volatiles, fragiles, ils peuvent s’envoler en un battement d’aile. Un papillon met du temps à naître, à avoir de belles ailes colorées. Il doit se développer, de petite chenille, en passant par une certaine période où, enfermé dans sa chrysalide, il deviendra majestueux. Puis, sa vie est relativement courte. S’il n’est pas observé au bon moment, il meurt sans que personne ne s’en soucie car il existe des milliers d’autres êtres comme lui et des millions d’autres moins discrets aussi. Les pensées, les idées sont comme eux. Combien disparaissent sans avoir jamais été ne serait-ce qu’admirées comme il se devait ?

Pour résumer, cette peinture est une sorte de portrait de présentation d’une Nelumbaë. Elle vient de naître et, à travers d’autres travaux, j’espère parvenir à vous raconter également la suite de son histoire :)