Après n’avoir pas pu poster ici depuis très longtemps, j’ai décidé de faire mon retour avec de l’insolite (on ne se refait pas). Je suis un peu en retard sur Halloween mais vous me pardonnerez… n’est-ce pas ? En tout cas, aujourd’hui, je vous emmène en excursion dans… le jardin des Morts !
Excursion dans le jardin des Morts
Hugo Simberg est un artiste Finlandais de la fin du XIXème/début du XXème siècle (1873-1917). Déjà, ça sort de l’ordinaire ! Je ne vous parle pas souvent d’artiste Finlandais. Ensuite, parce que si vous avez jeté un coup d’œil à l’œuvre dont j’ai décidé de vous parler (voir ci-dessus), Le jardin de la mort (1896), vous vous êtes peut-être fait la même remarque que moi : « Mais, ça date de la fin du XIXème, ça ?! »(j’espère que vous avez prononcé cette question à voix haute en prenant l’expression du Cri de Munch… qui était Norvégien, pas Finlandais, ça n’a donc aucun rapport).
En effet, si j’ai choisi de vous parler de cette peinture, c’est parce qu’elle m’a sauté aux yeux quand je l’ai découverte. Premièrement parce qu’il n’est pas commun de voir la mort représentée de cette manière : des sympathiques squelettes semblant sourire et s’adonner au jardinage. Deuxièmement, parce que cette peinture m’a semblé très moderne (j’ai cru qu’elle était beaucoup plus récente que ça) et, dans le même temps, m’a rappelé des enluminuresdu Moyen-Age. Avec ses couleurs et son apparente naïveté, sa simplicité, elle semble sorti d’un autre temps. Et j’adore les œuvres aussi anachroniques!
« Hugo Simberg, symboliste obsédé par la mort et le fantastique, n’a pas laissé une oeuvre abondante, mais ses aquarelles, où des démons étranges personnifient les forces de la nature, sont fascinantes. »
[Source : Georges Desneiges, Finlande, Paris, Seuil, 1960, n.p.]
Des squelettes anachroniques ?
Mon étonnement ne s’est cependant pas arrêté là. Cette œuvre m’a surtout surprise parce qu’elle m’en a rappelé une autre, bien plus récente et bien différente : elle m’a immédiatement fait penser à (tenez-vous bien)un manga que je lis depuis un petit moment : Colette décide de mourir(« Colette decides to die« , en anglais, car il n’est pas encore sorti en France, ou « Colette wa Shinu Koto ni Shita » pour ceux qui voudraient le titre japonais). C’est un peu fou, non ? Personnellement, j’ai trouvé ça un peu fou. Et encore plus anachronique (j’adore les oeuvres anachroniques et le mot « anachronique » qui, d’ailleurs, est un « chrononyme », voilà, c’était une info supplémentaire, comme ça, c’est pour moi, c’est cadeau).
Ce manga de Yukimura Alto, dont la publication a commencé en 2013 au Japon, raconte l’histoire (tenez-vous bien, encore) de Colette qui décide de mourir (je vous avais prévenus). Pour ce faire, elle décide de se jeter dans un puits. Puits qui s’avère être un passage vers les Enfers.
C’est là qu’elle va faire la rencontre du dieu Hadès (et oui, la mythologie grecque, d’un coup, BAM, vous ne l’aviez pas vue venir celle-ci, hein ?) et de son équipe de gestion du monde des Morts : des squelettes absolument A-DO-RA-BLES. Je vous laisse en juger par vous-mêmes (je ne posterai pas beaucoup d’images car je ne voudrais pas trop vous spoiler) :
Les adorables squelettes du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Les adorables squelettes du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Les adorables squelettes du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Les adorables squelettes du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Les adorables squelettes du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
En plus de ces squelettes, qui se vouent corps et âme (façon de parler, ahah) à Hadès, le manga met en scène à peu près tous les personnages qui entourent ce dieu dans sa mythologie d’origine : Cerbère (adorable lui aussi !), Charon, le passeur des Enfers, ainsi que d’autres divinités grecs. Se mêlent aussi à cette joyeuse bande des personnages typiquement japonais. Dont Colette, dont on ignore finalement beaucoup de choses, hormis le fait qu’elle est médecin et souhaite, dans un premier temps, mourir.
Squelettes adorables et jardinage dans le monde des Morts
Outre la curieuse ressemblance entre les squelettes de ce manga et ceux de la peinture de Simberg, c’est aussi le thème du jardin qui a retenu mon attention. En effet, sans trop vous en dévoiler, tout un arc narratif du manga parle du fait qu’il est impossible de faire pousser quelque chose dans le monde des Morts. Une façon de dire qu’il est impossible de vivre dans cet endroit. Ce que le personnage de Colette va s’évertuer à combattre tant elle va s’attacher à celles et ceux qui font bel et bien vivre les Enfers.
On peut voir en cela toute une symboliquesur l’importance du souvenirmais aussi sur la résilienceface à la perte. Il s’agit de maintenir le cycle de la vie, par-delà la mort : conserver la mémoire de ceux qui ne sont plus là mais continuer à avancer car ils l’auraient souhaité ou que d’autres le souhaiteront un jour. Celles et ceux qui ont vu le film d’animation Cocoverront sans doute de quoi je veux parler car on y trouve une façon de percevoir la mort assez similaire, par moments. Ces œuvres nous encouragent à penser la mort non pas comme une fin en soi mais une autre forme d’existence, possible grâce à notre faculté à nous rappeler nos défunts et à entretenir leur souvenir.
Il semble en tout cas que le thème du Jardin des Morts était cher à Hugo Simberg car il en a réalisé plusieurs versions, avec différentes techniques. Vous pourrez en trouver quelques unes dans la galerie, à la fin de cet article.
Bref, Colette decides to die est un de mes mangas préférés depuis un petit moment. Je l’ai justement découvert peu de temps après avoir perdu ma maman et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, je ne le regrette pas. Il est très positifcontrairement à ce que son propos pourrait laisser croire de prime abord. Je trouve qu’il a une façon originale de « dédramatiser » des sujets très durs (la mort, le suicide, l’abandon, la perte, la maladie… tellement de choses). Et puis, on y suit une jolie histoire d’amour (impossible ? On ne sait pas encore, le manga n’est pas encore terminé mais je crois en une happy ending parce que je suis une indécrottable romantique).
Je ne peux que vous en conseiller la lecture (bon, il faudra lire l’anglais ou le japonais) si vous avez l’occasion de vous le procurer.
Galerie d’œuvres d’Hugo Simberg
Quant à notre artiste Finlandais, Hugo Simberg, je vous propose de découvrir quelques unes de ces autres œuvres ci-dessous. Je pense que, comme moi, vous en conclurez qu’il mérite d’être plus connu !
J’espère que vous ne le trouverez pas trop macabre. En ce qui me concerne, je trouve ses œuvres vraiment surprenantes. C’est pour cette raison que j’ai choisi de vous les faire découvrir. Il faut savoir qu’Hugo Simberg a notamment illustré des conteset a été un artiste Symbolistetoute sa carrière (même quand ce mouvement n’était plus trop « à la mode »). Ceux qui suivent un peu les articles de ce blog savent à quel point j’adore ce genre de profil ! On peut donc s’amuser à trouver les histoires derrière ses œuvres et essayer d’y déceler tous les niveaux de lecture possibles. Mais comme le disait l’artiste lui-même :
« Il incitait les gens à faire leurs propres interprétations et il espérait que ses peintures touchent au plus profond et fassent pleurer les gens en leur for intérieur. A son avis on ne devait pas réfléchir à ce que le peintre avait pensé quand il a fait son œuvre ou ce qui se passe dans la peinture : le plus important, c’est la sensation du spectateur. »
Hugo Simberg, The Devil by the Pot, 1897, Gouache sur papier, 14,7 x 15,7 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Hugo Simberg, Spring Evening During the Break-Up of the Ice, 1897, Huile sur toile, 27 x 37 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande. teosnimi: Kevätilta jäänlähdön aikaan haltija: AT ajoitus: 1897 tekniikkateksti: öljy kankaalle pääluokka: maalaus mitat: 27 cm x 37 cm Valokuvanro 31358 ajoitus: 2.7.1997 valokuvaaja: Mykkänen, Pirje valokuvatyyppi: laakadia v/k 2 asiasanat: 27×37 Digikuvanro X0337900 2005-05-10 skannaaja: Nasretdin, Ainur digitointitekniikka: AgfaScanT5000+/PS 7.0
Hugo Simberg, Dance on the Quay, 1899, Aquarelle et gouache, 19,5cm x 25,5cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Hugo Simberg, L’Ange blessé, 1903, Huile sur toile, 127 x 154 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Hugo Simberg, The Peasant and Death at the Gates of Heaven and Hell, 1897, Aquarelle sur papier, 13cm x 8cm (chacune), Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Hugo Simberg, Automne I, 1895, Gouache sur papier, 30,1 x 14 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Hugo Simberg, Death on skates, Eau forte et pointe sèche sur papier, 12,2×18,2 cm, n.d., Collection particulière.
Hugo Simberg, King Hobgoblin Sleeping, 1896, Aquarelle et gouache sur papier, 28 x 20 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Hugo Simberg, Death Listens (La Mort qui écoute), 1897, gouache ou aquarelle.
Hugo Simberg, At the Gate of Tuonela, 1898, Huile sur toile, 41 x 18 cm, Gösta Serlachius Fine Arts Foundation.
Hugo Simberg, Vision, 1895, Huile sur toile, 24 x 31,7 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Autre version du Jardin des Morts d’Hugo Simberg, réalisée au crayon.
Autre version du Jardin des Morts d’Hugo Simberg, réalisée au crayon.
Hugo Simberg, Autoportrait, 1907, Huile sur toile, 43,5 x 35,5 cm, Musée d’art Ateneum, Helsinski, Finlande.
Poster réalisé dans le cadre du Mardi des Chercheurs à l’U-Mons (Belgique) : Steampunk en Hauts-de-France, réenchanter notre patrimoine industriel
Visuel pour le poster réalisé dans le cadre du Mardi des Chercheurs à l’U-Mons (Belgique) : Steampunk en Hauts-de-France, réenchanter notre patrimoine industriel. Evoque les industries qui ont longtemps fait vivre la région Hauts-de-France : la mine, la métallurgie/sidérurgie, le textile. Ainsi que notre passion pour les courses cyclistes !
Visuel pour le poster réalisé dans le cadre du Mardi des Chercheurs à l’U-Mons (Belgique) : Steampunk en Hauts-de-France, réenchanter notre patrimoine industriel
Visuel pour le poster réalisé dans le cadre du Mardi des Chercheurs à l’U-Mons (Belgique) : Steampunk en Hauts-de-France, réenchanter notre patrimoine industriel. Le Haut-de-France est un bateau volant de style Steampunk, inventé pour servir de mascotte à mon projet de recherche-création sur le Steampunk en Hauts-de-France.
« Tree Ring : le voyage temporel au bout des doigts, by Roots » Vraie-fausse affiche Steampunk inspirée du style d’Alfons Mucha.
Visuel pour la journée d’étude sur la Vallée de l’Escaut organisé à l’UPHF en 2019. Péniche Steampunk volante surnommée « Scaldis » (nom latin du fleuve Escaut). Elle est tirée dans les cieux par un cheval de halage formé de nuages.
Visuel pour la journée d’étude sur la Vallée de l’Escaut organisé à l’UPHF en 2019. Péniche Steampunk volante surnommée « Scaldis » (nom latin du fleuve Escaut). Elle est tirée dans les cieux par un cheval de halage formé de nuages.
Visuel pour la journée d’étude sur la Vallée de l’Escaut organisé à l’UPHF en 2019. Péniche Steampunk volante surnommée « Scaldis » (nom latin du fleuve Escaut). Elle est tirée dans les cieux par un cheval de halage formé de nuages.
Visuel pour la journée d’étude sur la Vallée de l’Escaut organisé à l’UPHF en 2019. Péniche Steampunk volante surnommée « Scaldis » (nom latin du fleuve Escaut). Elle est tirée dans les cieux par un cheval de halage formé de nuages.
Visuel pour la journée d’étude sur la Vallée de l’Escaut organisé à l’UPHF en 2019. Péniche Steampunk volante surnommée « Scaldis » (nom latin du fleuve Escaut). Elle est tirée dans les cieux par un cheval de halage formé de nuages.
Shoupignon, le chat-robot Steampunk. Projet de mascotte pour Studinano.
Montre Steampunk pour voyageur temporel romantique
Pour la deuxième année consécutive, j’ai décidé de participer à l’Inktober ! Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, je vous avais fait un petit topo sur le sujet dans l’article qui présentait mes dessins, l’année dernière.
Comment s’est passé l’Inktober cette année ?
Cette année, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de passer du noir et blanc à la couleur. J’ai enfin ressorti mes aquarelleset mes pinceaux, ça m’a fait beaucoup de bien. Mais, évidemment, j’ai eu beaucoup plus de mal à tenir le rythme d’un dessin par jour pendant trente et un jours.
Au final, il me manque deux dessins et certains ne sont pas colorés (c’est voulu pour le 19ème mais pas pour les autres). Mais, bon, je suis quand même très fière de moi parce que ça représente un sacré progrèspar rapport à l’année dernière déjà. Et par rapport à mon état de santé et à ma confiance en moi et en mes capacités, surtout.
Je vous laisse découvrir mes dessins ci-dessous. Quant à ceux qui voudraient en savoir encore plus à leur sujet, sachez que j’ai détaillé mon travail au jour le jour sur Instagram. Vous y trouverez aussi des photographies de ces dessins en cours de réalisation, des anecdotes, leur petite histoireà chacun.
Mon Inktober 2018 :
Inktober 2018, Jour 1 : Poisonous
Inktober 2018, Jour 2 : Tranquil
Inktober 2018, Jour 3 : Roasted
Inktober 2018, Jour 4 : Spell
Inktober 2018, Jour 5 : Chicken
Inktober 2018, Jour 6 : Drooling
Inktober 2018, Jour 7 : Exhausted
Inktober 2018, Jour 8 : Star
Inktober 2018, Jour 9 : Precious
Inktober 2018, Jour 10 : Flowing
Inktober 2018, Jour 11 : Cruel
Inktober 2018, Jour 13 : Guarded
Inktober 2018, Jour 14 : Clock
Inktober 2018, Jour 15 : Weak
Inktober 2018, Jour 16 : Angular
Inktober 2018, Jour 17 : Swollen
Inktober 2018, Jour 18 : Bottle
Inktober 2018, Jour 18 : Bottle (détail)
Inktober 2018, Jour 19 : Scorched
Inktober 2018, Jour 20 : Breakable
Inktober 2018, Jour 21 : Drain
Inktober 2018, Jour 22 : Expensive
Inktober 2018, Jour 23 : Muddy
Inktober 2018, Jour 24 : Chop
Inktober 2018, Jour 25 : Prickly
Inktober 2018, Jour 26 : Stretch
Inktober 2018, Jour 27 : Thunder
Inktober 2018, Jour 28 : Gift
Inktober 2018, Jour 28 : Gift
Inktober 2018, Jour 29 : Double
Inktober 2018, Jour 31 : Slice
Ces dessins vous plaisent ? Pensez aux boutiques Studinano ! Vous y trouverez des reproductions de divers formats et sous différentes formes, des vêtements, des bijoux, des accessoires et des créations originales pour faire plaisir aux grands, aux petits, à toute la famille et pour toutes les occasions !
Il était une fois, avant l’apparition du Père Noël
Cette aquarelle illustre la nuit de Noël selon Gustave Doré. On y voit un ange qui, de cheminée en cheminée, vient déposer des cadeaux aux habitants d’une ville.
L’échange de présents à cette époque de l’année ne date pas d’hier. Les romains s’adonnaient déjà à ces festivités durant la période des Saturnales. Ces dernières se déroulaient durant la période proche du solstice d’hiver (du 17 au 24 décembre) qui était déjà, d’après Lucien de Samosate (rhéteur et satiriste né vers 120, mort après 180), celle où, selon un proverbe d’alors, « les vieillards redeviennent enfants ». (Source : Lucien, les Saturnales, 1,9.)
« [Les Saturnales] célébraient le règne de Saturne, dieu des semailles et de l’agriculture. Elles étaient la manifestation de la fête de la liberté (libertas decembris) et du monde à l’envers. Jour de liberté des esclaves à Rome, ces derniers devenaient les maîtres et les maîtres obéissaient aux esclaves. Les Saturnales ont laissé des traces au Moyen Age dans la fête des fous. »
Dans l’aquarelle de Gustave Doré, nous sommes au XIXe siècle. Des siècles et des siècles plus tard ! Mais le Père Noël, tel que nous le connaissons aujourd’hui, n’est pas encore une figure récurrente du 25 décembre puisqu’il n’apparaîtra qu’au cours du siècle suivant. Toutefois, certaines régions françaises ont déjà des personnages qui ressemblent au Père Noël pour se charger du rôle de distributeur fictif : Saint Nicolas, par exemple, qui reste célèbre dans le Nord de la France ou en Alsace aujourd’hui. Mais Gustave Doré représente ici ce qui a tout l’air d’un ange. Les bras chargés de présents, il les glisse déjà dans les cheminées, comme notre bon vieux barbu en rouge.
L’ange de Noël
Qui est cet ange mystérieux ? A-t-il un nom ? Une identité précise ?
Il faut savoir que Gustave Doré est né à Strasbourgà une époque où cette région française était encore prussienne(Allemagne actuelle). Or, il existe, dans ces régions, des légendes parlant d’anges de Noël.
La plus célèbre est celle du Christkindel(je vous laisse jouer au jeu des sept différences avec les trois gravures qui la représentent ci-dessous ;)). Le Christkindel est censée être la personnification féminine du Christ. Toute vêtue de blanc, elle doit apparaître le soir de Noël.
« En Bavière, en Autriche, en Alsace et dans une partie de la Moselle, le personnage de Christkindel représentant l’Enfant Jésus a remplacé saint Nicolas chez les luthériens après la Réforme au XVIe siècle. Il s’agit d’une gracieuse messagère de blanc vêtue et couronnée comme une reine qui était parfois appelée l' »Ange de Noël » ou la « Dame de Noël ». De même que saint Nicolas, elle était accompagnée d’un personnage inquiétant (nda: Hans Trapp ou Hans von Trotha), tel le Père Fouettard aux menaçantes baguettes. Elle est encore très populaire dans les régions catholiques d’Allemagne et en Autriche, qui ont adopté avec empressement ce personnage « inventé » par les protestants. La Saint-Lucie des Suédois, fêtée le 13 décembre, lui ressemble. »
Source : Nadine Cretin, Lettre de Noël, Le Robert, 2015, n. p.
Le Christkindel serait une déformation de la fête de la Saint Lucie, cette dernière étant censée être une jeune fille vêtue de blanc et portant une couronne de bougies. Cette fête a toujours lieu en Suède, en Scandinavie, en Norvège, en Finlande ou encore en Italie, en Islande ou en Croatie. Célébrée le 13 décembre, elle marque le début de la période de Noël.
Le Christkindel aurait été créé par les Protestants afin de « concurrencer » les festivités liées à la Saint Nicolas, célébrées par les Catholiques. Aujourd’hui, pourtant, ce sont essentiellement ces derniers qui continuent de perpétrer la légende.
Étant données ses origines, il n’est donc pas idiot de penser que l’artiste ait ici représenté la version de l’histoire qu’on lui racontait quand il était plus jeune. Son ange de Noël pourrait être le Christkindel ou, en tout cas, en avoir été inspiré.
Toutefois, comme les toits de la ville que survole la mystérieuse créature ressemblent fortement aux toits de Paris, on peut penser que Gustave Doré a adapté la légende pour la rendre parlante aux yeux d’un public plus large. Un public ne connaissant pas forcément les légendes propres à la région de Strasbourg. Ici, le Christkindel devient donc un ange, figure connue de tous, chrétiens de tous bords comme athées convaincus (même si, à l’époque, ceux-là étaient assez rares…). Cette représentation de la nuit de Noël se montre ainsi capable de parler à tout le monde.
Enfin, ce personnage fantastique s’accorde bien avec la magieque l’on prête à la période de Noël : comme notre Père Noël d’aujourd’hui, c’est un être invisiblequi, grâce à ses pouvoirs, vient déposer les cadeaux au pied du sapin quand toute la maisonnée est endormie.
Qui était Gustave Doré ?
Gustave Doré est, à mon sens, un de nos plus talentueux artistes français. Il est pourtant assez méconnudu grand public et il a longtemps été dénigrépar le monde de l’art. On l’a longtemps considéré davantage comme un « simple illustrateur », un métier qui était très loin d’être aussi bien considéré que de nos jours et que l’on distinguait de celui d’artiste (comprenez, celui qui faisait de belles et grandes œuvres d’art). « Comme dessinateur, Gustave Doré avait été presque universellement admiré ; comme peintre il fut assez maltraité » peut-on lire dans un portrait à charge publié à son sujet dans Le Trombinoscope en juin 1875 (Source). On lui reproche de ne faire « que de la peinture décorative », à ses œuvres de manquer de sentiment, d’humanité et de n’être que « chic et convention ». Un jugement très dur, en somme.
Pourtant, Gustave Doré a commencé sa carrière comme caricaturisteà l’âge de 15 ans à peine. On raconte qu’il s’était mis à dessiner dès l’âge de quatre ans ! Il reproduisait alors tout ce qui l’entourait – objets de la maison, membres de sa famille…
« Il fouillait les coins de la maison, s’emparait impitoyablement des pots qui contenaient une substance colorée quelconque et les portait dans sa chambre. ̶ A chaque instant, on s’apercevait de la disparition de quelque objet du ménage. On ne comprenait rien à cela, lorsqu’un jour, on le surprit en train de peindre, sur son drap de lit qu’il avait tendu sur le châssis du devant de cheminée, le portrait d’un de ses oncles. Il avait dans les mains une série de pinceaux de diverses grandeurs qu’il avait improvisés avec des brosses à dents, à cheveux, à habits, des goupillons chipés à l’église, des petits balais dérobés aux foyers paternels… et… autres lieux, etc. Autour de lui étaient rangés à terre des fioles, des bocaux, des vases de toutes sortes, et dans lesquels il puisait avec une ardeur fiévreuse. »
Mais Gustave Doré ne souhaite pas rester illustrateur de presse ad vitam aeternam. Il décide rapidement de devenir illustrateur de livres.
« Le sort des illustrateurs d’ouvrages, dont le secteur d’activité fut particulièrement prospère pendant la période romantique, était un peu plus enviable et le passage de la caricature à l’illustration revenait à gravir un échelon dans la hiérarchie artistique. Ambitieux et peu enclin à se contenter d’un statut médiocre, Doré a rapidement manifesté son désir d’obtenir d’autres travaux que ceux offerts par la caricature de presse. »
C’est pourquoi nous devons à ce prodigedes images qui sont aujourd’hui entrées dans notre inconscient collectif. En effet, la façon dont il illustra notamment les Contes de Perrault, parmi lesquels le Petit Chaperon Rouge ou le Chat Botté, ont clairement inspiré les versions de ces histoires que nous connaissons tous aujourd’hui. Parmi elles, celles de Walt Disney ainsi que de nombreuses rééditions sous forme de livres, d’albums, de films etc.
Il donnera également sa propre version des Fables de La Fontaine, plus sombre et plus tragique, et illustrera aussi l’Enfer de Dante ou encore Don Quichotte de Cervantes et Gargantua de Rabelais. Même la Bible aura droit à son coup de crayon (vous pourrez voir certaines des gravures issues de ces ouvrages à la toute fin de cet article).
« Les premières illustrations du Chat Botté le représentent simplement chaussé de bottes, comme le décrit le texte du conte. Quand Gustave Doré illustre à son tour ce conte, il rythme les moments forts de l’histoire par des gravures très expressives. Il coiffe alors le Chat d’un chapeau à plume et le couvre d’une cape, lui donnant une allure romanesque. Il est rusé mais également cruel, comme l’attestent ses dents pointues et ses griffes acérées. »
Gustave Doré n’avait pas son pareil pour donner vie au fantastique, à la magie, à la fantasmagorie. C’était un faiseur d’images à faire rêver (ou cauchemarder !).
En parcourant d’innombrables sites pour cet article, je redécouvre d’ailleurs le travail de Gustave Doré, que je ne cesse d’admirer. Et voilà que je tombe sur cette fabuleuse comparaison entre ses représentations d’hippogriffeset, ni plus ni moins, que des scènes d’Harry Potter. Et, effectivement, là encore, la ressemblance est troublante !
Il faut dire que le cinéma aime Gustave Doré depuis déjà longtemps. Déjà Jean Cocteau s’était grandement inspiré des gravures de l’artiste pour réaliser sa version de La Belle et la Bête. Certaines scènes du film sont de quasi-copies d’illustrations de l’artiste. Il faut dire que ce dernier avait l’art et la manière de choisir quelle scène précise d’une histoire il lui fallait illustrer et de quelle façon cadrer le tout.
Les gravures de Gustave Doré : Un monde magique en noir et blanc
Pour venir illustrer tous ces livres, chacun de ses dessins ou peintures était finement gravé afin de pouvoir être reproduit à grande échelle. C’est pourquoi Gustave Doré est surtout connu pour ses œuvres en noir et blanc plutôt que pour ses talents de coloriste. La nuit de Noël est, à ce titre, une exception à la règle.
« Le plus souvent les aquarelles de Doré représentent des paysages, pris sur le vif, simples instruments de travail pour des oeuvres plus élaborées. La nuit de Noël constitue, au contraire, une oeuvre très aboutie, de grand format. »
Gustave Doré ne gravait pas lui-même ses œuvres mais avait accordé sa confiance à des graveurs professionnels (notamment Héliodore Pisan) pour rendre au mieux ses talents d’illustrateur. La plupart de ses œuvres les plus connues n’ont donc pas été gravées de sa main, bien qu’il s’adonna quand même à la gravure au cours de sa vie.
« Par commodité ou méconnaissance, il est souvent d’usage, en effet, de parler des « gravures » de Gustave Doré à propos de son œuvre d’illustrateur. Or, Doré n’a jamais gravé les très nombreuses illustrations d’ouvrage qu’il a son actif : il est l’auteur de dessins sur bois confiés à d’habiles interprètes, graveurs de métier. Mais cela ne l’a pas empêché de s’adonner à l’estampe originale tout d’abord comme lithographe, dès le début sa carrière, puis beaucoup plus tard comme aquafortiste. Cet œuvre original qui représente un pourcentage faible de l’œuvre imprimé est, si l’on excepte quelques pièces spectaculaires, loin de rivaliser avec son œuvre d’illustrateur. «
Toutefois, il participa ainsi, à sa façon, à la démocratisation du livre et de l’accès à la lecture qui, au XIXe siècle, étaient en plein boum. Le succès de ses caricatures et dessins de presse y fut aussi pour quelque chose. Car Gustave Doré ne débordait pas seulement d’imagination ; il savait aussi observer son époque avec précision et en retranscrire les travers avec humour. Pour un artiste auquel on reprochait de manquer d’humanité, c’est tout de même un comble !
Pour achever cet article, je vous invite à découvrir (ou redécouvrir) d’autres œuvres de Gustave Doré (pas seulement des gravures, d’ailleurs, parce que j’aime aussi ses peintures) :
Gustave Doré, Cendrillon
Gustave Doré, Le Petit Chaperon Rouge
Gustave Doré, Le Petit Poucet
Gustave Doré, Le Petit Poucet
Gustave Doré, La Belle au Bois Dormant
Gustave Doré, Arachné au Purgatoire
Gustave Doré, Arachné au Purgatoire (Détail)
Gustave Doré, L’Enfer de Dante
Gustave Doré, Don Quichotte
Gustave Doré, Don Quichotte
Gustave Doré, Tavern in Whitechapel, 1869 The State Hermitage Museum, St Petersbourg
Gustave Doré, Les Saltimbanques, 1874 Huile sur toile, 224 x 184 cm Musée d’art Roger-Quilliot, Clermont-Ferrand
Gustave Doré, Le Néophyte, v. 1880-1883 Huile sur toile
Gustave Doré, Peau d’Ane
Gustave Doré, Barbe Bleue
Gustave Doré, Barbe Bleue
Cet article vous a plu ? Ou pas ? Aimez-vous aussi Gustavé Doré ? Passez-vous de bonnes fêtes de fin d’année ? Dites-moi tout en commentaire !
Cet éléphant, pour le moins monumental, aurait pu être construit au beau milieu de la Place de la Bastille à Paris !
Ce que je vous propose de voir ici est une aquarelle de Jean-Antoine Alavoine (1776-1834). Il s’agit du dernier projet pour la fontaine de l’Elephant de la Bastille (1809-1810). Elle se trouve aujourd’hui au Musée du Louvre à Paris. Vous allez me dire, c’est bien beau, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire d’éléphant !? Pourquoi ? Comment ?
Un éléphant géant pour… Napoléon !
Je ne vous le cache pas, il s’agissait d’un projet napoléonien. Même si cela peut aujourd’hui nous sembler absurde, l’éléphant portait en lui une riche symbolique qui expliquait le souhait du souverain :
Il représentait l’image du pouvoir :
François Ier l’avait fait figurer sur une fresque du château de Fontainebleau comme symbole du pouvoir royal.
Mais l’animal pouvait aussi faire référence aux conquérants antiques comme Alexandre Le Grand ou Hannibal, célébrant ainsi indirectement les conquêtes napoléoniennes comme des héritières.
Il rappelait aussi le goût de l’époque pour l’Orient :
Napoléon était allé en Égypte. Pays d’où il avait ramené l’Obélisque que nous pouvons toujours admirer sur la Place de la Concorde à Paris. Napoléon se voit aussi offrir les sabres de Tamerlan et de Thamas Kouli-Khan, deux grands dirigeants et conquérants, par un ambassadeur du shah de Perse. Mais, surtout, le 18 mai 1808, il est fait chevalier de l’Ordre de l’Éléphant par le roi Frédéric VI de Danemark. Et devinez quel est l’emblème de cet ordre ? Un éléphant portant une tour…
Mais le XIXe siècle est aussi connu pour son mouvement Orientaliste, marqué par l’intérêt de cette époque pour les cultures d’Afrique du Nord, turque et arabe, toutes les régions dominées par l’Empire Ottoman, jusqu’au Caucase. Parmi les artistes ayant pu être Orientalistes, il y a de grands noms : Ingres, Delacroix, Renoir, Picasso, Matisse,… Le Douanier Rousseau participe également à créer un certain goût pour l’exotisme.
En littérature, Jules Verne est également de ceux qui alimentent cette passion pour l’Ailleurs grâce à tous ses Voyages Extraordinaires. Dans La Maison à vapeur, roman de 1880, Jules Vernes raconte d’ailleurs l’histoire d’un gigantesque éléphant à vapeur, tirant deux wagons tout confort et étant même amphibie.
Plus largement, le XIXe siècle crée les Expositions Universelles. Ces lieux immenses, occupant souvent une large partie des villes qui les accueillent, comme Paris ou Londres, sont l’occasion de découvrir de nouvelles cultures. Parmi mille et une autres merveilles, des pavillons nationaux sont dressés. En 1900, par exemple, Paris accueille l’Exposition Universelle et le public peut y visiter les pavillons de la Finlande, de la Suède, des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Hongrie, de l’Empire Ottoman, de l’Italie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Russie, de la Belgique ou encore de la Grèce. (à l’occasion, je vous écrirai un article sur les Expositions Universelles car elles me fascinent littéralement !)
Voici quelques photographies (certaines ont été colorisées) montrant à quel point l’architecture de ces pavillons pouvait être orientalisante (même quand cela n’avait pas forcément de lien avec ce qui était exposé, comme pour le Palais des Mines et de la Métallurgie) :
Entrée de l’Exposition Universelle, Place de la Concorde, Paris, 1900
Pavillon de la Turquie, Exposition Universelle, Paris, 1900
Vue du Champ-de-Mars en direction du Château d’eau et du Palais de l’Electricité. Respectivement à gauche et à droite, du Palais des Industries chimiques et du Palais des Industries mécaniques ainsi que de deux des quatre kiosques à musique édifiés sur le Champ-de-Mars. Exposition Universelle, Paris, 1900.
Palais des Mines et de la Métallurgie, Exposition Universelle, Paris, 1900
Et puis, l’éléphant étant un animal aimant l’eau, il n’était pas idiot de l’imaginer jouer le rôle d’une fontaine. Tout simplement.
De mémoire d’éléphant, on avait déjà vu ça quelque part !
D’après les images du projet, l’éléphant devait être pourvu d’une tour qu’il porterait sur son dos.
Cette tour était censée rappeler un howdah. On appelle un howdah la sorte de palanquin (ou de siège) que portent les éléphants et qui servent, notamment, à transporter des personnes. Initialement, ces howdah étaient installés sur ces animaux pour chasser ou faire la guerre. Il s’agissait d’un symbole de richesse pour son propriétaire et il pouvait être très richement décoré.
La tour portée par l’animal devait donc évidemment servir à symboliser le pouvoir de Napoléon et, plus globalement, celui de la France.
Ca n’était cependant pas une idée nouvelle puisque des éléphants pourvus de tours avaient déjà été représentés dans des enluminures datant du Moyen-Age.
Mais, pourquoi une tour, me direz-vous ? Après tout, les howdah ne ressemblent pas à des tours, c’est assez absurde, non ? L’enluminure que je vous propose de voir ci-dessus date du XIVe siècle. C’est la fin du Moyen-Age et il y a eu plusieurs périodes de Croisades qui ont dû faire parvenir jusqu’en Europe des histoires d’éléphants de guerre. Mais ce ne sont jamais que des histoires ! Des mots ! Je vous laisse imaginer : vous êtes français, au XIVe siècle (contexte : Guerre de Cent Ans, Peste Noire… c’est une période assez joyeuse, vous voyez ?), vous n’avez jamais vu un éléphant de toute votre vie et quelqu’un vous raconte que des gens, dans des pays lointains où il fait toujours beau, se battent dans des sortes de tours portées par des animaux énormes appelés « éléphants ». Ce sont un peu leurs chevaux à eux, leur cavalerie. Oh et, ces animaux ont une trompe : c’est une sorte de gros tuyau qu’ils ont à la place du nez… Voilà. Et bien dites-vous que les enlumineurs devaient, grosso-modo, représenter des éléphants de guerre à partir de descriptions de ce genre (ok, j’ai peut-être un peu grossi le trait, mais vous voyez l’idée ?).
L’éléphant des Jardins de Bomarzo (milieu du XVIe siècle, Italie).
L’éléphant des Jardins de Bomarzo (milieu du XVIe siècle, Italie).
Mais un éléphant portant une tour, on en trouve également un, sous la forme d’une sculpture, dans les jardins de Bomarzo en Italie (voir ci-dessus). Considérés comme les jardins les plus extravagants de la Renaissance italienne, ils datent du XVIe siècle et on y trouve notamment des obélisques et des sphinx. Je dis « notamment » car on y trouve vraiment des sculptures très… étranges et appartenant à des cultures assez différentes. Par exemple : Protée, divinité marine ayant le don de métamorphose, dont la tête sortant du sol porte sur son crâne les armoiries de la famille Orsini (les commanditaires du jardin) ; Hercule écartelant Cacus qu’il maintient la tête en bas ; Vénus sur une conque (un coquillage) retournée dans une niche ; Une nymphe endormie sur laquelle veille un petit chien ; Cerbère, le chien à trois têtes qui garde la porte des Enfers ; une tortue portant sur sa carapace une Renommée ailée (c’est une divinité grecque) soufflant dans deux trompettes (détruites), en équilibre précaire sur un globe terrestre ; un Orque ( ou une sorte de baleine monstrueuse) la gueule ouverte, semblant attendre un faux pas de la tortue ou des promeneurs… ; une maison penchée… etc. Et au milieu de tout ça, donc, un éléphant de l’armée d’Hannibal soulevant un légionnaire romain.
Bref, l’histoire de ce parc est encore assez mystérieuse. Je vous laisse deviner pourquoi…
Pause précision : Si dans le jardin italien de Bomarzo on trouve donc une tortue portant une Renommée ailée, en 1975 Salvador Dali, lui, avait justement réalisé la sculpture d’un éléphant portant aussi une sorte de Renommée soufflant dans une trompette (le plus souvent, les descriptions parlent en fait d’un ange, tout simplement). Cette sculpture s’intitule Le Triomphe de l’Eléphant ou Eléphant de Triomphe (c’est selon les traductions, j’ai l’impression que personne ne sait vraiment… En tout cas, voir ci-contre). Malheureusement, on ne peut pas dire que la photo lui rende hommage… En réalité, cette sculpture est assez grande et impressionnante car elle mesure environ 265 cm. Chez Dali, les éléphants étaient symbole d’avenir. Ils étaient une de ses images favorites et ils les représentaient souvent perchés sur de longues jambes frêles, comme ici, ressemblantes à des pattes de girafe squelettiques ou d’étranges moustiques. L’ange, jouant de la trompette, annonce une ère nouvelle. Le fait qu’il soit fait d’or signifie probablement qu’il s’agira d’une ère prospère. Mais l’éléphant, lourd et massif, a des pattes vraiment fines, dont la fragilité annonce des difficultés certaines. (Source)
Un des projets d’Alavoine sera même exposé au Salon de 1814 ! Il s’agit d’une gravure qui se trouve aujourd’hui au Musée Carnavalet (voir ci-dessus). Autant vous dire qu’il semblait tenir à ce projet et qu’il était tout-à-fait officiel.
D’ailleurs, on réalisa bel et bien le bassin et le socle de la fontaine et ceux-ci sont encore visibles de nos jours, sous la Colonne de Juillet.
Plus fort encore, un modèle en plâtre à l’échelle 1 fut même réalisé près du chantier avant d’être détruit ! On peut supposer, d’après les plans du projet d’Alavoine, que ce modèle mesurait 16 mètres de long et 24 mètres de haut, dont 15 mètres uniquement pour l’éléphant et la tour que devait supporter son dos (je vous laisse imaginer…).
Un éléphant bien misérable…
Victor Hugo fera de cette maquette le logement de fortune de son jeune personnage, Gavroche, dans Les Misérables (1862). Ce qui n’est pas totalement fou puisqu’on sait qu’avant d’être détruit, l’éléphantservit effectivement de refuge à des sans-abris, voire à des malfaiteurs, en plus d’héberger un certain nombre de rats (il avait été laissé complètement à l’abandon…).
« Il y a vingt ans, on voyait encore dans l’angle sud-est de la place de la Bastille, près de la gare du canal creusée dans l’ancien fossé de la prison-citadelle, un monument bizarre qui s’est effacé déjà de la mémoire des Parisiens (…). C’était un éléphant de quarante pieds de haut, construit en charpente et en maçonnerie, portant sur son dos sa tour qui ressemblait à une maison, jadis peint en vert par un badigeonneur quelconque, maintenant peint en noir par le ciel, la pluie et le temps. Dans cet angle désert et découvert de la place, le large front du colosse, sa trompe, ses défenses, sa tour, sa croupe énorme, ses quatre pieds pareils à des colonnes faisaient, la nuit, sur le ciel étoilé, une silhouette surprenante et terrible. »
Source : Victor Hugo, Les Misérables (livre sixième, Le petit Gavroche), 1862
En 1831, un certain Levasseur en était apparemment le gardien (auto-proclamé ?) et vivait dans une de ses pattes. Malheureusement, le pachyderme était dans un tel état de délabrement qu’il ne pouvait plus être visité.
L’éléphant ne fut démonté qu’en 1846. Le Cocher du 2 août 1846, rapportant la démolition du modèle, précise qu’« il en est sorti plus de deux cents rats ».
Mais où est donc passé l’éléphant ? Pourquoi n’a-t-il pas vu le jour ?
Je vous vois venir ! « Bah… Parce que c’était un éléphant géant. Quelle idée d’aller construire ça sur la Place de la Bastille ! » Et, ma foi… Vous n’avez pas vraiment tort (même si, à titre purement personnel, j’aurais trouvé ça particulièrement osé et génial, mais je suis une excentrique, vous savez :D). Certains pensaient effectivement que cette idée était un peu grotesque (bon, pas au point de le dire comme ça, tout net, à Napoléon quand même). Mais c’est surtout la fin de l’Empire qui signa son arrêt de mort.
On essaya de lui imaginer une autre place dans Paris, des années durant, mais le projet fut finalement complètement abandonné puis progressivement oublié…
Un éléphant, ça trompe énormément
Oublié ? Non ! Un petit village gaulois résiste encore et… Ah non, c’est autre chose, ça. Non, l’éléphant n’a pas été complètement oublié.
C’est un ami qui m’a éclairé sur cette partie de l’histoire à côté de laquelle j’avais failli passer ! (Merci Mathieu !)
Je vous raconte : en 1989, la France fête le bicentenaire de la Révolution. A cette occasion, un modèle de l’éléphant est recréé : il mesure 13 mètres de haut, 11 mètres de long et 4,30 mètres de large. Le palanquin (ou la tour, car il s’agit encore d’une tour) qui le surmonte sert de lieu d’animations et d’expositions. Il est surnommé l’Éléphant de la Mémoire(parce que, tout le monde le sait, un éléphant a une grosse mémoire, une mémoire d’éléphant !).
Seulement voilà, l’animal a un prix : 7 millions de francs à l’époque (un peu plus d’1 million d’euros) et cela n’est pas au goût de tout le monde (encore une fois, décidément il ne met personne d’accord, cet animal !).
Et puis, pourquoi avoir choisi de réactualiser un projet napoléonien pour illustrer la Révolution ? J’avoue que je n’ai pas trouvé la réponse à cette question très évidente. En tout cas, les réponses que j’ai pu m’inventer étaient un peu tirées par les cheveux… Du coup, je suis restée sur l’idée qu’il représentait bien la Mémoire de la France, toutes périodes confondues, et pas seulement la Révolution. Pourtant, l’Éléphant de la Mémoire avait été conçu pour une raison précise : en mémoire à Gavroche, le personnage de Victor Hugo. Par conséquent, dans son ventre, une salle de projection avait été installée pour dénoncer le travail des enfants dans nos sociétés. Encore aujourd’hui, il s’agit d’une des plus petites salles de cinéma au monde.
Malgré ça, l’animal trône un moissur l’Esplanade de Lille puis entreprend un périple dans le département du Nord-Pas-de-Calais avant d’aller jusqu’à Pariset Bruxelles. Il faut pas moins de six semi-remorques pour transporter la bête gigantesque qui pèse environ 17 tonnes… (elle est, bien sûr, découpée en morceaux, mais quand même)
Pour lui éviter d’avoir été construit pour rien, on imagine que de continuer « à le promener comme vitrine des traditions et de la technologie nordistes. Ou l’installer à demeure dans un parc urbain » nous explique La Voix du Nord dans un article de 2014. C’était sans compter un changement de majorité au Conseil Général… (je ne vous dis pas en faveur de quel côté, gauche ou droite, je vous laisse deviner, ça n’est pas très dur) Et voilà à nouveau l’éléphant reclus, oublié dans un vieux bâtiment désaffecté du XIXe siècle, sur l’ancien site minier de Wallers-Arenberg(pour ceux qui ne sont pas du coin, c’est bien là où passe le tour cycliste Paris-Roubaix quand on parle de la mythique « tranchée d’Arenberg »).
Un éléphant qui déménage !
MAIS VOILA ! Coup de théâtre : « Le conseil général du Nord a trouvé un amateur pour l’encombrant pachyderme, qui y est entreposé depuis 1992. Cet amateur, c’est la communauté d’agglomération du Douaisis (CAD), pour son musée-parc archéologique Arkéos » annonce encore La Voix du Nord.
Le musée-parc en question a ouvert ses portes en juin 2014 et nous promet l’arrivée de « L’éléphant de la mémoire » pour 2015 (initialement, pour fin 2014, mais il semble que ça n’est pas encore été fait, à ma connaissance).
De son côté, il faut dire que « l’ancien site minier d’Arenberg, situé à Wallers, est en pleine métamorphose », comme le résume le journal 20 Minutes « Il prévoit notamment de construire un laboratoire de recherche sur les usages de la télévision de l’université de Valenciennes, dont les travaux ont débuté en avril 2014. » (Source : Mikaël Libert, « Arenberg: de la mine à l’écran », Journal 20 Minutes, mai 2014).
La ville va, peu à peu, accueillir La Fabrique à Images, « un lieu dédié à la recherche et à l’innovation pour le cinéma et l’audiovisuel », en coopération avec l’Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis (dans laquelle j’étudie depuis maintenant quelques années, juste pour info). « Une belle reconversion en perspective pour le site emblématique, explique le site de l’Université, puisque le projet prévoit l’implantation d’ici 2015 du laboratoire DeVisu de l’université, centré sur les technologies innovantes dans l’audiovisuel et les médias numériques. »
Pour information, le projet de la Fabrique à Images à Wallers-Arenberg fait partie d’un projet plus global, comprenant deux autres sites universitaires du Nord pour former le Pôle Images : La Serre Numérique des Rives de l’Escaut à Valenciennes (actuellement en construction, ce pôle a pour vocation de toucher tous les champs de la création numérique : jeu vidéo, animation, serious game, univers virtuels, simulation industrielle, design urbain, design produit…) et La Plaine Images implantée à Tourcoing mais regroupant des écoles de l’agglomération lilloise (elle est consacrée à l’image et aux industries créatives : jeu vidéo, animation, audiovisuel, images de synthèse, cinéma, réalité augmentée, 3D, interactions tactiles et gestuelles, serious game…).
Malheureusement, Wallers-Arenberg, qui avait notamment servi de lieu de tournage pour le film Germinal(sorti en 1993, avec notamment le chanteur Renaud, dans le rôle titre inspiré du roman d’Emile Zola), n’avait pas trouvé de place à donner à cet éléphant un peu trop imposant. C’est donc Douai qui en fait l’acquisition pour l’euro symbolique. Et, pour ma part, j’ai donc hâte de voir l’animal sortir de l’ombre et j’irai le visiter avec plaisir quand ce sera chose faite !
Résultat, comme c’est le cas à Nantes depuis plusieurs années (avec les Machines de L’île de Nantes), la ville de Douai devrait bientôt accueillir son éléphant à visiter. Contrairement à son compatriote nantais, il n’arpentera pas la ville mais, après tout, et avec une histoire pareille, il aura déjà bien voyagé !
Du coup, nous lui souhaitons autant de succès et, surtout, de ne plus être oublié.
Mise à jour 2022 :
L’éléphant n’a pas déménagé et se trouve toujours à Arenberg, dans ce qui est devenu Arenberg Creative Mine et je croise les doigts pour qu’il reste là et soit enfin remis en lumière ! En ce qui me concerne, avec ma thèse, j’ai plein de projets pour lui, en tout cas, si jamais ;D
Alors ? Il vous aurait plu, à vous, cet éléphant de la Bastille ? Si oui (ou non !), n’hésitez pas à laisser un petit commentaire ci-dessous !