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Charging Bull, Fearless Girl et Pissing Pug : Artception à Wall Street

Pour mon grand retour sur Studinano, après des mois plutôt… difficiles à surmonter, dirons-nous, j’ai décidé de vous parler d’une histoire artistique très actuelle et dont les rebondissements ne semblent pas s’arrêter, de mois en mois.

Nous partons pour New-York. Dans le quartier des affaires de Manhattan (rappelons au passage aux bacheliers de ne pas faire la même erreur que l’an dernier si, éventuellement, le nom de ce quartier apparaissait encore en pleine épreuve d’anglais : OUI C’EST À NEW-YORK ET OUI NEW-YORK EST AUX ÉTATS-UNIS ). Plus précisément encore, nous nous rendons tout près de la bourse de New-York, à Wall Street.

Charging Bull : Le taureau de Wall-Street

Dans ce quartier pour le moins connoté, se trouve, depuis 1989, une œuvre de l’artiste Arturo Di Modica : Charging Bull. Aussi surnommé « le taureau de Wall Street ». Il s’agit d’une sculpture en bronze d’un (je vous le donne en mille) taureau assez imposant étant en train de se préparer à charger.

Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
We Can Do It ! J. Howard Miller pour Westinghouse Electric, 1943, affiche de propagande américaine.
We Can Do It ! J. Howard Miller pour Westinghouse Electric, 1943, affiche de propagande américaine.

Cette œuvre a la particularité de ne pas être une commande de la ville, ni d’aucun organisme ou mécène particulier. C’est l’artiste qui, en 1989, a fait « livrer » l’œuvre sous un sapin de Noël, devant la bourse de New-York. C’était peu après le krach boursier de 1987 (qui a donné lieu au Black Monday) et il s’agissait, en quelque sorte, d’un cadeau aux habitants de la ville, célébrant leur esprit « can-do » (WE CAN DO IT § Ca vous dit forcément quelque chose, la dame en bandana, qui remonte fièrement sa manche avec l’air déterminé, tout ça, tout ça, je vous la mets sur le côté parce que je suis très gentille et on y reviendra plus tard). Bref, leur esprit « on peut » ou « nous pouvons » le faire (je vous épargne la conjugaison complète du verbe même si, à nouveau, j’ai une pensée pour les futurs bacheliers qui, par malheur, passeraient par ici en ces jours sombres… sortez un Bescherelle, bordel.) (On va croire que j’ai un truc contre les bacheliers mais, ne vous formalisez pas, c’est juste thématique, hein, en vrai : bon courage les gars \o/ YOU CAN DO IT § Comme ça, c’est doublement thématique.) (Et ça suffit, les parenthèses qui se succèdent, merde).

Arturo Di Modica posant près de son taureau.
Arturo Di Modica posant près de son taureau.

Pour l’artiste, ce taureau représente la force et le courage. Il est censé être un symbole pour New-York, ses habitants et ses visiteurs : vous pouvez le faire, vous pouvez réussir parce que vous êtes forts et courageux, et non pas parce que vous avez ou non de l’argent ! Car n’oublions pas qu’initialement, le taureau avait été déposé par Arturo Di Modica juste devant la bourse de New-York.

Bref, une œuvre comme on les aime. Pleine de bons sentiments et d’American Dream (encore que, j’admets, ce taureau a quand même une certaine gueule).

Mais tout cela a bien changé ! Les années ont passé et même si l’œuvre est devenue une véritable attraction touristique dans le quartier, on peut dire que son sens originel s’est un peu perdu en chemin. Beaucoup voient aujourd’hui dans ce taureau le symbole de l’argent, du système capitaliste, prêt à foncer et à écraser tout ce qui se dresserait sur son passage. Disons qu’il ne plaît plus forcément à la même population qu’au départ, vous voyez ?

Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Le Taureau de Wall Street (Charging Bull), Arturo Di Modica, Sculpture en bronze, 3,4 m x 4,9 m, 1989, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.

Notons quand même que le taureau représente alors déjà l’économie qui remonte, qui repart à la hausse. Il est déposé par l’artiste après l’un des plus importants krachs boursiers qu’ait connu le pays. En 1989, les choses sont rentrées dans l’ordre et ce taureau chargeant, du bas vers le haut, représente bien ce mouvement ascendant, cette amélioration. De plus,  à l’origine, le mot « bullish » en anglais signifie « hausse de la bourse ». Bull, bullish, de là à y voir un lien, il n’y a qu’un pas.

C’est dans ce contexte qu’en mars 2017, les new-yorkais ont la surprise de découvrir qu’une nouvelle statue a pris place juste en face de leur cher taureau. C’est une petite fille qui se dresse fièrement devant l’énorme animal. Elle a les mains sur les hanches et semble le défier du regard. On surnomme rapidement cette sculpture la Fearless Girl (la fille sans peur). Et c’est là que les ennuis commencent !

Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.

Fearless Girl : Une femme pour les contrôler tous !

La Fearless Girl est une oeuvre de Kristen Visbal. Contrairement à l’œuvre de Arturo Di Modica, il s’agit d’une commande. Et pas de n’importe qui ! De la State Street Global Advisors (SSgA). Une firme qui fait dans l’investissement. Une firme dans la pure veine de Wall-Street, donc.

On est bien loin du message initial censé être porté par l’œuvre de Arturo Di Modica : vous pouvez tous réussir, même sans argent !… Mais, quand même, investir, c’est bien pour devenir encore plus riche, c’est-à-dire réussir encore plus (comment ça, réussir c’est pas forcément être riche ? Allons dont ! Petits bisounours !) et ça fait tourner l’économie pour faire encore plus de super riches (et de super pauvres). Non, le sens initial de Charging Bull a été zappé avec le temps.

Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.
Fearless Girl, Kristen Visbal pour la State Street Global Advisors, Sculpture en bronze, 121, 92 cm de haut, 2017, Bowling Green, Broadway & Morris St, New York, NY 10004, États-Unis.

Contre toute attente (la mienne, en tout cas), la Fearless Girl devient, aux yeux du grand public, le symbole de la femme forte, se dressant sans peur devant le grand méchant taureau qui, vous l’aurez compris, a désormais tout du symbole capitalo-patriarcal (« l’homme blanc riche » pour ceux qui n’ont pas encore le dico des tendances linguistiques de 2017). Ca ne vous rappelle rien ? La nana forte de l’affiche « We can do it », un peu plus haut ? Tiens, tiens… Le message semble glisser d’une œuvre à l’autre. C’est super bien joué de la part de la Fearless Girl.

Résumons. Les gens voient désormais une petite fille qui se dresse sans peur face au taureau, représentation de l’homme viril, colérique, sans aucune finesse. Girl power ! La Fearless Girl devient un symbole féministe et, plus encore, un symbole humaniste : l’enfant, autrement dit les générations futures, renverseront tôt ou tard le système capitaliste, et la société qui l’accompagne, car ils n’en ont pas peur.

Mais que fait-on de ce pourquoi les artistes ont, respectivement, fait ces œuvres au départ ? Arturo Di Modica n’a jamais dit que son taureau était un symbole du capitalisme triomphant. Encore moins de l’homme blanc viril, sans peur et sans reproche. Quant à Kristen Visbal, elle a réalisé cette petite fille pour répondre à la commande d’une firme capitaliste. Pis encore ! Sa sculpture était initialement accompagné d’un cartel qui disait : « Know the power of women in leadership. SHE makes a difference » (« Voyez le pouvoir des femmes dans le leadership. ELLES font la différence »). On pourrait croire, de prime abord, que SHE (elle en anglais) est en majuscule parce que ce mot est important dans la phrase et parce que l’on insiste sur l’importance des femmes. Que du bon, donc ! Sauf que SHE désigne aussi le code mnémonique (code, souvent formé de trois lettres,  permettant de désigner rapidement une action en bourse) de la firme State Street Global Advisors (SSgA), qui a passé commande de la statue afin de promouvoir son fonds indiciel. Alors, qui fait la différence ? She ou SHE ? Les femmes ou la firme SSgA ?

Comme par hasard, la plaque est retirée.

La plaque est là en mars... Elle n'est plus là en mai.
La plaque est là en mars… Elle n’est plus là en mai.

Et là, vous vous dites : BIM ! Le château de cartes s’écroule. La Fearless Girl perd toute crédibilité. Et on la retire pour laisser tranquille ce pauvre taureau.
Sauf que non. Parce que tandis que Big Flo et Oli chantent « Personne n’écoute les paroles » dans leur dernier clip (à écouter et à voir ici : https://www.youtube.com/watch?v=ib_DmsyXBVA), j’ajouterai aussi que personne ne lit jamais rien avant de se lancer corps et âme sur Facebook ou Twitter pour lancer la réputation d’une chose ou d’une autre (j’avoue, ça rallonge un peu le refrain de la chanson…).
La Fearless Girl est toujours considérée, pour l’instant, comme un chouette symbole féministe et anti-capitaliste. Mieux encore, nombreux sont ceux qui considèrent qu’elle a besoin du Charging Bull pour exister car si on les sépare, le message porté n’a plus aucun sens (même si, en fait, il n’en a déjà pas… après Inception : Artception ! Des oeuvres d’art dans des oeuvres d’art et des messages artistiques dans des messages artistiques et, au final, un joyeux bordel pour savoir si cette foutue toupie se casse la gueule ou pas, à la fin du film, ce qui ne serait pas arrivé avec un hand spinner, qu’on se le dise).

MAIS ! Mais ! Mais. L’histoire ne serait pas croustillante à souhait si elle s’arrêtait là.

Pissing Pug : La pièce manquante ?

Le 30 mai dernier, c’est un troisième artiste qui vient mettre son grain de sel dans la controverse. Alex Gardega installe, ce jour-là, une troisième sculpture à l’ensemble : un chien (un carlin, soyons précis) venant, littéralement, pisser sur les chaussures de la Fearless Girl. L’artiste explique qu’il l’a volontairement fait très moche, de manière à ridiculiser complètement la fillette. Pour lui, elle dénature l’œuvre originelle (le Charging Bull) et cela constitue une atteinte au droit d’auteur.

La Fearless Girl désormais affublée de son Pissing Pug.
La Fearless Girl désormais affublée de son Pissing Pug.

Alex Gardega explique également que la Fearless Girl est une « absurdité institutionnelle ». En disant cela, on sent bien que c’est bien contre les initiateurs de la commande qu’il s’indigne en plaçant là son chien (déjà surnommé le « Pissing Pug« , soit dit en passant).

Mais c’est évidemment le geste iconoclaste que l’on retient : le Pissing Pug passe pour une attaque contre les femmes, contre le féminisme, contre l’idée qu’une femme pourrait avoir du pouvoir ou ne serait-ce que les mêmes droits et possibilités qu’un homme. Bref, contre tous ces symboles qui se sont attachés, au fil des mois, à la Fearless Girl.
Quant à Alex Gardega, on l’accuse non seulement d’être misogyne mais aussi de taper une colère qui n’a pas lieu d’être, comme un gros gamin (ce qui est rigolo parce qu’on parle de petite fille… et lui, on le taxe de gamin… ahah… je fais ce que je peux avec la dose d’humour qu’on m’a accordée à la naissance, ok !?). Autant vous dire que les insultes fusent sur les réseaux sociaux et jusque dans les médias !

Mais, attendez deux secondes : on parle bien de sculptures, non ? Pas d’une véritable petite fille sur laquelle un homme aurait poussé son chien à faire ses besoins. Pourtant, il est intéressant de constater que la Fearless Girl est devenue intouchable au fil des mois. Et d’aucuns la défendent vraiment comme s’il s’agissait d’une véritable petite fille :

Traduction du tweet : "Voici Alex Gardega, l'homme qui a ajouté "pissing dog" à côté de "Fearless Girl". C'est une oeuvre misogyne, quoi qu'il en dise."
Traduction du tweet : « Voici Alex Gardega, l’homme qui a ajouté « pissing dog » à côté de « Fearless Girl ». C’est une œuvre misogyne, quoi qu’il en dise. »
Traduction du tweet : "Votre acte est le reflet de la haine qui existe en Amérique envers les femmes et les filles. Nous avons le droit d’exister."
Traduction du tweet : « Votre acte est le reflet de la haine qui existe en Amérique envers les femmes et les filles. Nous avons le droit d’exister. »

L’amalgame qui est fait entre l’œuvre et ce qu’elle représente est assez troublant et assez intéressant à la fois. On sent bien que quelque chose se passe autour de la Fearless Girl. Comme si elle était l’œuvre que beaucoup attendaient. Le porte étendard d’une bataille qui s’éternise : la lutte pour les droits des femmes et l’égalité homme-femme.

On le sent bien quand, sous son premier tweet, cette personne ajoute :

Traduction du tweet : "Voyez cette petite fille debout, là. Qu'est-ce que cela lui dit ?"
Traduction du tweet : « Voyez cette petite fille debout, là. Qu’est-ce que cela lui dit ? »

La Fearless Girl est aussi devenue un message d’espoir pour les générations futures : elle représente toutes les futures femmes de demain. Du coup, quand Alex Gardega installe son Pissing Pug, ça passe mal. Très mal. Parce que ce qu’il vise en réalité, les gens l’ignorent totalement. Et il vient s’attaquer à bien plus fort que lui : une œuvre devenue un symbole. Son Pissing Pug ne pisse pas pour le droit d’auteur, il pisse contre les femmes. Et tout ce qu’il dira n’y changera rien parce que c’est ce que tout le monde voit.

Du coup, c’est qui-qui gagne à la fin ?

Toute cette histoire est finalement représentative d’une question très intéressante en Art : qui fait l’œuvre ? C’est l’artiste, me direz-vous. Et, en effet, c’est la plupart du temps l’artiste qui fait matériellement l’œuvre. C’est lui qui la fabrique. Mais qui lui donne son sens ? C’est celui qui la regarde ; celui qui la reçoit. L’œuvre finit toujours par échapper, plus ou moins totalement, à son auteur. Elle prend vit dans le regard de celui qui la découvre, qui l’admire, qui l’expérimente. Et c’est avec notre individualité, notre propre regard sur le monde, que nous donnons du sens à une œuvre – ou non. Tout dépend de notre façon de la recevoir.

Mais, du coup, qui a raison, dans cette histoire ? Est-ce ceux, comme moi, qui se sont penchés sur les histoires de ces œuvres pour connaître les raisons qui ont poussé ces artistes à les réaliser ? Ou est-ce le public, pas forcément au courant de toutes ces controverses, mais qui se fie à ses impressions, ses ressentis face aux œuvres ? Je dirais qu’il y a un peu des deux. Et qu’un peu des deux sont irréconciliables parce que personne ne s’écoute jamais, de toute façon (Big Flo et Oli, le retour, il faut que j’arrête avec cette chanson). Mais aussi, et surtout, parce que ça n’est jamais qu’une question de réception : je reçois une œuvre de telle façon parce que c’est ainsi que je suis. Cela peut être dû à mon éducation, à ma culture, à mes expériences dans la vie, à ce que je sais ou non au moment de voir une œuvre, et même à ce que je ressens au moment précis où je la vois. Si j’ai passé une journée géniale ou une journée pourrie, je ne saluerai pas forcément ma boulangère de la même façon (en fait, si, parce que je suis polie, mais dans ma tête, non).  C’est plus ou moins la même chose pour les œuvres d’art.

C’est plutôt pas mal, d’ailleurs, parce que ça veut dire que votre perception d’une œuvre peut toujours changer ! Alors, si j’étais vous, de temps en temps, j’irai me repencher sur des œuvres que j’ai trouvées inintéressantes, voire complètement nulles, juste pour voir si vous en tirez quelque chose de neuf. Si ça se trouve, vous étiez passés à côté de votre film, de votre livre, de votre artiste préféré sans le savoir ! (Oui, je suis optimiste, parfois.)

Quant à ces trois sculptures, je trouve pour ma part qu’il serait désormais dommage de les séparer. Elle forme un ensemble des plus intéressants. L’avenir nous dira quelle sera la décision de la ville de New-York. Ou, qui sait ? Peut-être qu’une quatrième statue viendra à son tour ruiner le Pissing Pug. Affaire à suivre !


Sources :
Un artiste en colère installe la sculpture d’un chien qui pisse à côté de la Fearless Girl de Wall Street
Arturo Di Modica with His Most Famous Creation — The Charging Bull


N’oubliez pas de laisser un petit commentaire avant de partir ;) (que l’article vous ait plu ou pas !)

Les Fontaines Wallace : ces illustres inconnues de Paris

J’ai deux amouuuurs, mon pays et Pariiis ! (oui, j’ai une culture de vieille bique alors que je n’ai que 24 ans, mais j’assume)
Pour les mous du ciboulot et les cerveaux lents, oui, je vous emmène une nouvelle fois au cœur de la Capitale, à la découverte d’œuvres d’art public urbain : les Fontaines Wallace ! Nous quittons le street art d’un de mes précédents articles et plongeons dans le passé de la Capitale française. Direction le XIXe siècle, mais pas tout à fait celui de l’Eléphant de la Bastille dont je vous avais également parlé. Nous quittons Napoléon Ier pour son neveu, Napoléon III et débarquons donc en pleine seconde moitié du XIXe siècle.

Go, go, go !


Sommaire de l’article

Les Fontaines Fantômes
Des Fontaines pour tous
Reconnaître les Fontaines Wallace
Les Fontaines Wallace aujourd’hui
Paris n’en a pas fini avec ses fontaines !


Les Fontaines Fantômes

Edicule Guimard de la sortie du métro Abbesses, Place des Abbesses, Paris
Edicule Guimard de la sortie du métro Abbesses, Place des Abbesses, Paris
Jean-Beraud-rue-parisienne-colonne-morris-1885
Jean Béraud, Vue d’une rue parisienne, 1885.
La tour qu’on peut y voir est une Colonne Morris.

Je suis à peu certaine que vous connaissez tous les Colonnes Morris et vous avez sûrement en tête les Édicules Guimard. Au moins voyez-vous à quoi ressemble ce mobilier urbain en fonte si caractéristique de la vie parisienne. Mais les Fontaines Wallaces sont beaucoup moins célèbres. Allez savoir pourquoi !

Sur le site Un jour de plus à Paris, j’ai lu que vous pouviez passer un jour entier à interroger, au hasard, des parisiens dans la rue et que la majorité d’entre eux vous répondrait qu’ils ne connaissaient pas les Fontaines Wallace. C’est assez fou !
Bon, après, je ne suis pas à Paris actuellement et si j’y étais j’aurais mieux à faire que d’interroger des parisiens pour savoir s’ils connaissent ou non ces fontaines, donc je ne peux pas vous dire si cela est vrai  de vrai ou pas… Ceci dit, mon parisien d’amoureux ne connaissait pas ces Fontaines. Disons que c’est un « bon » début (enfin, façon de parler).

Comme c’est le cas pour beaucoup d’autres oeuvres d’art public urbain (comprenez des œuvres qui se trouvent dans nos rues), peut-être passe-t-on simplement à côté des Fontaines Wallaces sans y prêter attention. Rien d’étonnant à cela : il y a déjà tellement d’autres choses à voir à Paris ! Et puis, me direz-vous, ce ne sont que des Fontaines. Rien de bien folichon. C’est pourtant dommage parce que ces « simples » fontaines ont une histoire bien singulière.

Des Fontaines pour tous

Photographie de Sir Richard Wallace, créateur des Fontaines qui portent aujourd'hui son nom.
Photographie de Sir Richard Wallace

C’est le philanthrope anglais Richard Wallace qui finança leur édification au XIXe siècle. Paris avait alors connu des moments difficiles : un siège mené par l’armée prussienne (1870-1871) ainsi que le tristement célèbre épisode de la Commune (1871). Des aqueducs avaient été détruits et le prix de l’eau avait flambé. Aussi, Richard Wallace décida-t-il d’offrir aux parisiens la possibilité de se fournir gratuitement en eau potable. Les fontaines qu’il souhaita voir construites devaient aider en particulier les plus démunis, tout en étant finalement en libre accès pour tous.

Sir Richard Wallace souhaita également que ces fontaines soient conçues comme des œuvres d’art de sorte à égayer les rues mais aussi et surtout à mettre à la portée de tous  la culture artistique encore largement réservée à une élite. Ses contemporains s’accordent d’ailleurs sur la beauté de ces fontaines, parfaitement dans le goût de l’époque.
Il faut dire que Richard Wallace n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine. En effet, à la même époque, il ouvre aussi les portes de sa collection d’art et permet ainsi à tous les Londoniens, quel que soit leur statut social, de venir admirer les œuvres des grands artistes.

Reconnaître les Fontaines Wallace

  • Grand modèle (2,71 m pour 610 kg) : composé de quatre cariatides se tournant le dos et soutenant à bout de bras un dôme orné d’une pointe et décoré de dauphins.

    Fontaine Wallace de la Place de la Commune, Paris.
    Fontaine Wallace de la Place de la Commune, Paris.
  • Modèle à colonnettes (2,50 m pour un peu plus de 500 kg) : les cariatides sont ici remplacées par des colonnettes ce qui réduit le coût de fabrication.

    Fontaine Wallace de la rue Rémusat, 16ème arrondissement, Paris.
    Fontaine Wallace de la rue Rémusat, 16ème arrondissement, Paris.
  • Modèle en applique (1,96 m pour 300 kg) : Il n’en reste qu’un seul exemplaire aujourd’hui, rue de Geoffroy-Saint-Hilaire.

    Fontaine Wallace en applique, Paris.
    Fontaine Wallace en applique, Paris.
  • Petit modèle (1,32 m pour 130 kg) : Ces fontaines sont des bornes à bouton-poussoir. On les trouve essentiellement dans les squares et les jardins publics.

    Fontaine Wallace petit modèle, Paris.
    Fontaine Wallace petit modèle, Paris.

Les Fontaines Wallace aujourd’hui

De nos jours, les Fontaines Wallace ont non seulement pris des couleurs (certaines sont désormais rouge, rose, bleu, jaune…) mais elles ont aussi su s’exporter. Vous pouvez donc en admirer ailleurs qu’à Paris puisqu’il en existe des modèles à Bordeaux, Lille, Toulouse ou encore Reims. Jusqu’en Espagne et même à Québec !

D’ailleurs, peu de gens le savent, mais les Fontaines Wallace de Paris sont toujours accessibles aujourd’hui et vous pouvez toujours y trouver une eau potable et gratuite au cours de vos escapades parisiennes. Un bon plan à connaître en ces temps de canicule, non ? Le service ne s’interrompt qu’en hiver, à partir du 15 novembre, pour ne reprendre que le 15 mars, afin de préserver la plomberie interne des gelées. Le site Eau de Paris met à votre disposition une carte de tous les points d’eau de la Capitale et nous explique ceci :

guillemet« Oui, l’eau des fontaines à boire est potable ! Et si la loi n’oblige pas à le préciser, Eau de Paris, en accord avec la Ville, a choisi de le mentionner sur tous les points d’accès à l’eau de la capitale. Depuis l’automne 2012, toutes les fontaines sont marquées de trois plaques indiquant la qualité, la provenance et la composition de l’eau délivrée. Un contrat de confiance avec les Parisiens et une façon de les inciter à se désaltérer aux fontaines publiques au cours de leurs pérégrinations. »
(…)
« Pour que les parisiens les plus démunis continuent de disposer d’eau potable, Eau de Paris a décidé de maintenir en hiver une quinzaine de bornes fontaines dites à « bouton poussoir ». Ces points d’eau sont choisis en lien avec les services sociaux de la Ville, et sont recensés dans le guide Solidarité à Paris. »

Source : Eau de Paris

Plus insolite, les fontaines déclenchent parfois des passions. Le village de Souilly, en Lorraine, vient d’en faire les frais. En effet, la fontaine Wallace qui venait d’être rénovée pour le centenaire de la bataille de Verdun a été volée le lendemain de sa réinstallation devant la mairie de la commune. Sans que personne n’ait rien vu, les voleurs ont réussi à s’emparer de la fontaine pesant quand même le poids honorable de 450 kg. (Source : Journal 20 Minutes, « Ils inaugurent la fontaine du village, elle «s’évapore» le lendemain », 3 juillet 2015)

Paris n’en a pas fini avec ses fontaines !

Des fontaines, il en existe beaucoup d’autres dans les rues de Paris. La Capitale fait preuve de beaucoup d’ingéniosité et de créativité pour que l’eau soit accessible à tous. Les Fontaines Wallace ne sont donc pas les seules habitantes des rues parisiennes. Vous pouvez désormais même avoir accès à des « fontaines » d’eau pétillante. Un gadget, me direz-vous, mais l’important reste qu’elle permet à tout le monde de s’hydrater gratuitement.

Vous pouvez accéder à un récapitulatif des différents types de fontaines trouvables à Paris sur le site Eau de Paris en cliquant ici puis sur « Fontaines pour tous ». Le site vous met également à disposition l’adresse de son compte Flickr où vous pouvez voir ces fontaines en images et en action.

Ma préférée ? J’adore la Fontaine Grenouille qui se trouve dans le quartier de La Défense ! Elle fut réalisée par Claude Torricini et date de 1987. C’est une grenouille géante en bronze posée sur un socle en granit. Dans sa gueule ouverte se tient une autre petite grenouille et c’est elle qui vous permet de vous désaltérer. Personnellement, je la trouve vraiment amusante. En plus, si vous êtes de passage dans le secteur, vous aurez accès à un véritable musée à ciel ouvert puisque le Quartier de la Défense regroupe de nombreuses oeuvres d’art public urbain. Il y en a pour tous les goûts ! Vous saurez au moins où faire une pause pour boire un coup ;) (Vous pouvez admirer d’autres belles photographies de cette fontaine en cliquant ici en plus de celles se trouvant ci-dessous.)


Cet article vous a plu ? Ou pas ? Vous pouvez tout me dire en laissant un commentaire ci-dessous !


Sources :
Eau de Paris

Un jour de plus à Paris : Histoire des Fontaines Wallace
Les fontaines Wallace à Paris, esthétiques et rafraîchissantes
MBDV – Mon blog de voyage : La Défense, un musée à ciel ouvert