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Inktober 2018 – Mes dessins

Pour la deuxième année consécutive, j’ai décidé de participer à l’Inktober ! Pour ceux qui ne sauraient pas de quoi il s’agit, je vous avais fait un petit topo sur le sujet dans l’article qui présentait mes dessins, l’année dernière.

Comment s’est passé l’Inktober cette année ?

Cette année, j’ai décidé de prendre mon courage à deux mains et de passer du noir et blanc à la couleur. J’ai enfin ressorti mes aquarelles et mes pinceaux, ça m’a fait beaucoup de bien. Mais, évidemment, j’ai eu beaucoup plus de mal à tenir le rythme d’un dessin par jour pendant trente et un jours.

Au final, il me manque deux dessins et certains ne sont pas colorés (c’est voulu pour le 19ème mais pas pour les autres). Mais, bon, je suis quand même très fière de moi parce que ça représente un sacré progrès par rapport à l’année dernière déjà. Et par rapport à mon état de santé et à ma confiance en moi et en mes capacités, surtout.

Je vous laisse découvrir mes dessins ci-dessous. Quant à ceux qui voudraient en savoir encore plus à leur sujet, sachez que j’ai détaillé mon travail au jour le jour sur Instagram. Vous y trouverez aussi des photographies de ces dessins en cours de réalisation, des anecdotes, leur petite histoire à chacun.

Mon Inktober 2018 :

Thèmes de l'Inktober 2018
Thèmes de l’Inktober 2018

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Zdzisław Beksiński : peindre le monde des cauchemars

Zdzisław Beksiński est de ces artistes dont les créations nous fascinent au premier regard, frappant en plein cœur, là où ça fait mal… et du coup, là où ça fait tellement de bien aussi. Son art est délicieusement sombre, terriblement beau. Son univers est original et poignant. Et même si son nom est imprononçable et que vous l’oublierez sans nul doute rapidement, il ne fait aucun doute que ses œuvres, elles, s’inscriront dans un coin de votre mémoire à jamais.

Zdzisław Beksiński
Zdzisław Beksiński

Je le dis ici et je le redirai sans doute ailleurs dans l’article : âmes sensibles s’abstenir ! Certaines de ses œuvres sont vraiment dures à regarder. En particulier si vous avez du mal avec les corps déformés, les cicatrices, les créatures humanoïdes pas forcément identifiables… Bref. Ne vous filez pas des cauchemars pour rien. Cela dit, je mettrai les « pires » œuvres en toute fin d’article donc vous devriez pouvoir le lire sans problème. Évitez juste de zieuter la galerie d’images, en bas de page, si vous ne le sentez pas.

Nous parleront essentiellement, ici, des peintures de Zdzisław Beksiński. Sachez, toutefois, qu’il a également touché à d’autres formes d’art, comme la sculpture, la photographie mais aussi le photomontage (y compris par ordinateur).

Qui était Zdzisław Beksiński ?

Zdzisław Beksiński est un artiste polonais né en 1929 et mort en 2005. Je prends le temps de préciser ces informations biographiques sommes toutes assez ennuyeuses parce que je pense que le contexte est important pour apprécier ses œuvres.

Zdzisław Beksiński
Zdzisław Beksiński

J’insiste donc : c’est un artiste polonais, né en 1929. Vous voyez un peu au milieu de quoi il a grandi ? Bon. Parce que la Seconde Guerre Mondiale occupe, à n’en pas douter, une grande place dans l’imaginaire de l’artiste. Dans certaines de ses peintures, la référence ne fait même aucun doute (voir, ci-contre, une de ses peintures représentant clairement un soldat allemand, à en juger par la forme de son casque). Toutefois, comme je le disais, ce n’est finalement qu’une question de contexte car Zdzisław Beksiński n’a jamais vraiment fourni d’explications concernant ses œuvres. Nous ne pouvons donc que faire des spéculations à leur sujet et essayer de les rattacher à ce qu’il a pu vivre, voir, entendre, faire comme expérience, etc.

« Un style unique, minutieux, aussi terrifiant que créatif, à l’image de sa vie. Né en 1929 dans la petite ville polonaise de Sanok qu’il quitte en 1977 pour un appartement dans une barre grise de Varsovie, Zdzislaw Beksinski n’aimait pas trop sortir de chez lui et vivait en fusion totale avec Zofia, sa femme prévenante et dévouée, Tomasz, son fils maniaco-dépressif et célèbre animateur radio, et les deux grands-mères dépendantes. »

(Source : Article RFI – « La renaissance du peintre polonais Beksinski, «The Last Family» »)

Sa femme est morte en 1998. Un an plus tard, son fils, animateur de radio, s’est suicidé.
Sa femme est morte en 1998. Un an plus tard, son fils, animateur de radio, s’est suicidé.

Notons aussi que l’artiste n’a pas hésité à brûler certaines de ses toiles, avant un déménagement, les jugeant « trop personnelles ». Il lui arrivait aussi de recouvrir des toiles quasiment achevées quand elles ne lui convenaient pas, pour repeindre au-dessus d’elles. Du coup, même si la plupart de ses œuvres n’ont pas de titre, on peut essayer de les comprendre en comprenant l’homme qu’il fut. Toutefois, il faut aussi retenir qu’il semblait avoir du mal à parler de choses trop personnelles dans ses tableaux. Nous verrons également que nous pouvons tout aussi bien nous passer de titre ou d’explications de l’artiste pour appréhender ses œuvres à notre manière, avec notre propre ressenti, nos propres connaissances et expériences.

Les œuvres inexplicables de Zdzisław Beksiński

Il ne fait aucun doute, à mon sens, que l’ambiance bien particulière qui marque chaque œuvre de Zdzisław Beksiński est de celle qui n’a pas besoin de mots : vous voyez ; vous comprenez. Son langage semble universel. Vous n’avez pas besoin d’explications pour être touché par ses tableaux. Dans le même temps, observer ses œuvres vous pousse à l’introspection. Qu’est-ce que je ressens ? A quoi cela me fait-il penser ? Et, sans nous en apercevoir, nous voilà déjà en train d’essayer de décrypter l’histoire qui se cache derrière l’œuvre que nous regardons.

A mon sens, l’échange entre le spectateur et l’œuvre se fait par les émotions, les sentiments ressentis. Ses œuvres vous prennent aux tripes, comme si elles nous touchaient personnellement. Bien sûr, cela varie d’une œuvre et d’une personne à l’autre. Il n’empêche, il y a, à coup sûr, au moins une œuvre de Zdzisław Beksiński  qui vous touchera, que vous puissiez l’expliquer ou non.

Je pense que quelqu’un qui voudrait vous parler durant des heures de l’œuvre de Zdzisław Beksiński n’aurait pas fondamentalement tort (et je ne dis pas ça parce que je suis justement en train de vous parler de lui et d’essayer de vous expliquer son travail)… C’est seulement que ses explications ne pourraient être qu’à des années lumières de ce qui fait réellement l’intérêt du travail de cet artiste. Car comment mettre des mots sur ce que l’on ressent ? C’est toujours extrêmement délicat. C’est aussi très personnel, très subjectif. Si j’essayais de vous décrire ce que je ressens devant une toile de Zdzisław Beksiński, vous pourriez très bien me dire que vous comprenez mais que vous ne ressentez pas tout-à-fait la même chose. Auriez-vous tort ? Aurai-je tort ? Pas vraiment. Après tout, l’artiste n’a pas donné de clef précise pouvant nous permettre de comprendre son oeuvre. Il n’existe pas de « dictionnaire » de Beksiński, qui apporterait une définition précise de ce que nous devrions voir dans chacun de ses tableaux. Et c’est aussi ce qui fait la beauté de son travail et la fascination qu’il provoque chez nous.

Zdzisław Beksiński et la mort

Cet artiste est aussi de ceux qui attisent une curiosité malsaine. Ses personnages osseux, ses corps cassés ou difformes, ses effrayants humanoïdes et le côté particulièrement organique de son travail, bercé par une palette chromatique restreinte, comme une brume oppressante, étouffante, attise la part de nous qui est fascinée par l’horreur, le malheur, la douleur… La mort aussi, sans aucun doute, qui règne en maître sur ce monde du rêve et du cauchemar.

Dans cette peinture, ne croirait-on pas reconnaître le Grand Monolithe Noir de 2001, l'Odyssée de l'Espace ?
Dans cette peinture, ne croirait-on pas reconnaître le Grand Monolithe Noir de 2001, l’Odyssée de l’Espace ?

On se croirait parfois dans Blade Runner (nouvelle mouture) ou Mad Max, avec son désert étouffant, à l’air orangeâtre saturé de poussière (voir ci-dessous, sur cette toile nous montrant une carcasse de voiture). Certaines peintures de l’artiste ont vraiment quelque chose de cinématographique, que soit dans les couleurs, la mise-en-scène, le cadrage… On pourrait y voir les décors d’un film de science-fiction post-apocalyptique, sans doute ponctué de scènes d’horreur particulièrement poignantes.

D’ailleurs, il semble que Zdzisław Beksiński voulait être réalisateur de cinéma mais que son père s’y opposa (source).

« [Dans The Last Family, film du réalisateur polonais Jan P. Matuszynski], il s’agit de raconter via le cinéma l’histoire de la famille le plus filmée de toute l’histoire de l’humanité. Beksinski a tout filmé et enregistré : des discussions banales en passant par les crises psychiques de son fils suicidaire, jusqu’à l’enterrement de sa propre mère. »

(Source : Article RFI – « La renaissance du peintre polonais Beksinski, «The Last Family» »)

On trouve aussi parfois, dans certaines de ses toiles, des personnages de légende qui ne nous sont pas inconnus. Le Sinistros ou encore la Mort sur son fidèle destrillé, peint maintes fois dans l’Histoire de l’Art (même si c’est tout de suite la version de Dürer qui me vient à l’esprit). On devine aussi des figures christiques, en pleine crucifixion, et des épisodes bibliques comme la Tour de Babel.

Danse macabre, représentations de la mort, entités supérieures, sortes de dieux, de déités, et toutes sortes de monstres : l’œuvre de Zdzisław Beksiński semble tout droit sortie du Necronomicon de H. P. Lovecraft. On s’attend presque à voir surgir Cthulhu, au milieu de l’épaisse poussière. On est passé de l’autre côté (on remarque d’ailleurs que l’artiste a peint plusieurs fois des sortes de portes, des portails étranges et plus ou moins rassurants), dans le monde obscur de Stranger Things, où vivent toutes sortes de créatures cauchemardesques et qui ressemble pourtant étrangement à notre monde réel. Des monstres dont l’allure humanoïde ne fait que renforcer leur inquiétante-étrangeté. Dans certains de ses tableaux, c’est l’absence même de toute vie qui est terrifiante. On entendrait presque le silence.

Tous ces éléments fascinent, pour d’obscures raisons. Les ténèbres ont toujours attiré l’homme et Zdzisław Beksiński est de ceux qui peignent les ténèbres, ce qui rend son travail diablement efficace (comme je le disais en introduction, son travail marque les esprits ; on se souvient de ses peintures car elles choquent, d’une certaine façon). Nous possédons tous une part d’ombre et c’est elle qui intéresse l’artiste – celle qui est en lui, sans doute, mais aussi celle de ses spectateurs. Notre intérêt pour son art, qui nous apparaît rapidement comme délicieusement sombre, pourrait donc être vu comme un intérêt pour notre subconscient, pour cette part d’ombre en nous. C’est en tout cas ainsi que je perçois son travail. Devant un Zdzisław Beksiński je me sens comme devant un miroir qui me renverrait l’image de ce que je ne peux pas voir de moi ; tout d’abord, mes peurs (qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, naïvement, ne sont pas toujours limpides et connues de nous), mais aussi mes envies (en particulier les plus sombres), mes rêves et mes cauchemars (lieux privilégiés d’expression de notre subconscient), le « monstre » en moi.

Zdzisław Beksiński et les horreurs de l’Histoire

Mais Zdzisław Beksiński ne se contente pas de peindre des scènes détachées de toute réalité. Il parle de notre monde, de sa cruauté et des souffrances que l’homme engendre ou subit. Son œuvre n’a rien d’optimiste ou d’utopiste. Il dépeint la face sombre du monde dans un univers fantastique, chimérique . Après tout, nos rêves et nos cauchemars, songes incontrôlables qui surgissent dans nos esprits chaque nuit, ne sont-ils pas plus honnêtes que nous ne le serons jamais ?

Les motifs et les sujets que choisit l’artiste sont souvent en lien avec l’Histoire. On reconnaît nettement des soldats allemands ou des chars d’assaut, çà et là, mais aussi le marteau et la faucille, symbole du Parti Communiste. Il peint aussi ce qui semble être des cathédrales – ou ce qu’il en reste. On aperçoit aussi parfois des véhicules aux silhouettes bien réelles. La réalité se mêle alors au cauchemar, le rendant plus inquiétant encore. Ce qui nous paraissait purement fictif devient étrangement familier.

Les images que produit ainsi Zdzisław Beksiński sont ainsi d’une incroyable expressivité. L’on perçoit la douleur de ses personnages alors même qu’ils semblent tous déjà morts ; l’on ressent leur solitude même en leur absence ; l’on comprend les références de l’artiste, qu’il parle de scènes bibliques ou d’évènements historiques gravissimes comme la Seconde Guerre Mondiale. L’être humain, de tout temps, est au centre de son œuvre. C’est un vaste cauchemar commun, universel, qu’il dépeint.

D’ailleurs, l’on ne s’échappe pas de l’univers de Zdzisław Beksiński. Ses personnages (même si ses tableaux n’en sont pas toujours pourvus, ils disposent tous d’une présence) font partie de cet univers et ne peuvent rien faire pour s’en échapper. Comme enfermés dans un dédale qu’ils ne distinguent pas forcément, ils cherchent inlassablement la sortie, la solution ultime à un mal être qui les dépasse. Mais cette sortie existe-t-elle ?  Zdzisław Beksiński a peint de nombreux portails mais comment savoir s’ils ne mènent simplement pas à un autre cauchemar ? Comment être sûr qu’ils mènent seulement quelque part ? Beaucoup de ses personnages sont seuls ; abandonnés par leur propre monde et les forces qui le régissent (pour peu qu’elles existent), abandonnés par leurs semblables. Les corps souffrent, sont décharnés, squelettiques, difformes, torturés.

Zdzisław Beksiński: Sans titre. 1984. Acrylique sur panneau. 98.5 x 101 cm. Collection privée (Wikimedia Commons).
Zdzisław Beksiński: Sans titre. 1984. Acrylique sur panneau. 98.5 x 101 cm. Collection privée (Wikimedia Commons).

Pour autant, il ne faut pas ôter du travail de Zdzisław Beksiński toute forme d’humour. Il fait preuve d’une certaine ironie. Je perçois cela comme une forme de désillusion mais l’homme semblait être quelqu’un d’enjoué et de drôle, contrairement à ce que son art dit de lui. Il dépeint ainsi un corps décharné et couvert de cicatrices, portant un tutu.

« A l’école, il faisait des dessins de nus, ce qui irrita un jour un prêtre qui lui dit: « Mon fils, tu mourras et tes dessins dégoûtants vont effrayer des générations » Beksiński considéra cela plutôt comme un compliment. »

(Source : Art Polonais – Des histoires sur l’art. L’histoire racontée par l’art. « Le côté obscur de l’âme. »)

Dans la vie de tous les jours, Zdzisław Beksiński semblait être quelqu’un de positif. Son œuvre torturée et tourmentée peut alors être considérée comme une échappatoire ; non seulement une façon d’exprimer sa pensée et sa personnalité, et un moyen d’échapper au régime dictatorial et totalitaire polonais d’Après-Guerre, peu enclin à supporter un travail artistique comme le sien. Son principal galeriste, Piotr Dmochowski, dit de lui qu’il était « bizarre » :

« Il était spécial. Il était un peu bizarre. C’était un homme d’une très grande intelligence, d’une très grande culture, érudit, il savait énormément de choses. Très bavard, très sympathique, mais, il ne sortait pas de chez lui. Il n’a jamais voyagé à l’étranger, il n’a jamais pris l’avion, il n’a jamais quitté d’abord sa ville natale et ensuite Varsovie où il a déménagé. Il était un homme très compliqué, très complexe, avec énormément de contradictions, mais avec une telle puissance d’esprit et de personnalité, qu’on pouvait passer avec lui douze heures à converser. Mais il avait ses quelques lubies et difficultés. En plus, il avait des problèmes de santé qui faisaient qu’il ne pouvait pas sortir. Il n’est jamais venu à aucun de mes vernissages et j’en ai fait des dizaines : en France, en Belgique, en Allemagne, en Pologne… Il restait toujours chez lui, enfermé, à travailler. Il écrivait beaucoup, des nouvelles, des contes. Il menait une grande correspondance, avec plusieurs personnes. Il y a deux mois, j’ai publié un grand livre de 850 pages de correspondance entre lui et moi. (…) « [L’]excellent film [The Last Family du réalisateur polonais Jan P. Matuszynski] montre un homme plein de contradictions et plein de manies. Par exemple, Beksinski détestait à serrer la main à quelqu’un. Toucher quelqu’un, cela le mettait mal à l’aise. Il ne m’a jamais dit le mot « merci ». Jamais. Pendant 30 ans que nous travaillions ensemble et pendant les douze ans où j’étais son marchand, à aucun moment, il ne m’a dit « merci ». Pourtant, je lui ai fait venir en Pologne des milliers de choses dont il avait besoin. Je courais comme un fou pour trouver tout cela. Je lui ai apporté cela à son domicile, et jamais, je n’ai entendu le mot « merci ». Donc, il était bizarre. »

(Source : Interview RFI – « Piotr Dmochowski, collectionneur obsessionnel du peintre Beksinski »)

Certaines de ses toiles évoquent aussi les œuvres d’autres artistes surréalistes comme Salvador Dali. Comme chez ce dernier, on peut ainsi parfois voir des œufs dans ses peintures :

« Symbole chrétien de la résurrection du Christ et l’emblème de la pureté et de la perfection. L’œuf évoque par son aspect et sa minéralité une symbolique chère à Dalí, celle de la vie antérieure, intra-utérine et de la re-naissance. »

(Source : Dali Paris)

« Très souvent chez Beksinski, derrière ce côté morbide se trouve une plaisanterie qui vous fait sourire. »

(Source : Interview RFI – « Piotr Dmochowski, collectionneur obsessionnel du peintre Beksinski »)

Un humour que Zdzisław Beksiński partageait alors peut-être avec son confrère Surréaliste espagnol, Salvador Dali, et d’autres membres de ce mouvement tout-à-fait particulier dans l’Histoire de l’Art, comme André Breton. Et ce, même s’il n’avait jamais quitté sa Pologne natale.

Alors, Zdzisław Beksiński, âme torturée ou artiste inventif, capable de créer de toute pièce les pires cauchemars ? En tout cas, son travail est rattaché au mouvement Surréaliste dont les « membres » se servaient du rêve et disaient faire appel à leur subconscient pour créer. L’artiste déclarera d’ailleurs : «Je tiens à peindre comme si je photographiais mes rêves. » Il emportera toutefois les secrets de ses rêves dans sa tombe. Lui qui semblait à la fois avoir peur et être fasciné par la mort depuis son enfance sera finalement assassiné de 17 coups de couteau en 2005, après avoir survécu à la mort de son épouse en 1998 et le suicide de son fils, un an plus tard. Drôle d’œuvre, drôle de vie, drôle de mort.

100 œuvres de Zdzisław Beksiński

N’hésitez pas à cliquer pour voir les œuvres en plus grand. J’ai regroupé des peintures mais aussi des dessins. Toutefois, certaines œuvres sont en noir et blanc parce que je ne les ai pas trouvées en couleurs, tout simplement.

Je préfère également prévenir : âmes sensibles s’abstenir ! Certaines œuvres sont vraiment dures à regarder. En particulier si vous avez du mal avec les corps déformés, les cicatrices, les créatures humanoïdes pas forcément identifiables… Bref. Ne vous filez pas des cauchemars pour rien.

 

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Sources :

https://www.facebook.com/beksinski/
« The Cursed Paintings of Zdzisław Beksiński »
Interview RFI – « Piotr Dmochowski, collectionneur obsessionnel du peintre Beksinski »
Art Polonais – Des histoires sur l’art. L’histoire racontée par l’art. « Le côté obscur de l’âme. »

Nick Cave : Des costumes qui dansent, chantent et font de la musique

Nick Cave ou Nick Cave ?

L'artiste Nick Cave posant avec l'un de ses Soundsuits.
L’artiste Nick Cave posant avec l’un de ses Soundsuits.

Nicholas Edward Cave, dit Nick Cave, est un artiste australien, chanteur du groupe Nick Cave and the Bad Seeds… FAUX ! Ca n’est pas de ce Nick Cave là dont nous allons parler mais de son homonyme, Nick Cave, artiste américain, à la fois plasticien, danseur et directeur de la section mode de la School of art Institute de Chicago. Plus particulièrement, nous allons nous intéresser à ses Soundsuits (costumes sonores). Et oui, c’est Mardi Gras, l’occasion idéale pour parler costumes et déguisements !

Les Soundsuits de Nick Cave : Présentation

Les Soundsuits sont des déguisements, des costumes que crée Nick Cave. Ils sont fabriqués à partir d’éléments hétéroclites qui, par leur association, transforment plus ou moins les formes du corps de celui qui porte le costume, lui donnant une allure étrange de créature venue d’ailleurs.

Mais ce qui fait vraiment la particularité de ces déguisements, comme l’indique leur nom, c’est qu’ils produisent du son. En bougeant, en remuant, le porteur du costume crée du bruit grâce à la friction ou au mouvement des différents éléments qui composent son Soundsuit.

Chaque Soundsuit est différent et produit plus ou moins de son. Cela dépend du mouvement du danseur qui le porte ou de ce dont il est fait.

Pour réaliser ces œuvres fantasmagoriques, Nick Cave utilise essentiellement des matériaux et des objets de récupération.

Généralement, les Soundsuits sont présentés comme des sculptures dans les différentes expositions (les costumes sont portés par des mannequins comme dans une boutique de prêt-à-porter), accompagnées de vidéos mettant en scène les costumes. Plus rarement, il est possible de les voir « en live ». Ce fut le cas en France lors de la parade d’ouverture de Lille 3000 en 2012.

Les Soundsuits de Nick Cave : Inspirations

Mais à quoi peuvent bien servir ces costumes bruyants et loufoques ? On ne va quand même pas porter ça ? Sinon, en quoi c’est de l’art ? C’est généralement les premières questions qui viennent à l’esprit du spectateur qui découvre les Soundsuits. Est-ce que c’est juste pour le fun ?

Des costumes de carnaval ?

On peut en effet penser aux costumes bariolés et amusants des carnavals en voyant les Soundsuits. Les gens s’amusent ainsi avec des accoutrements plus ou moins étranges depuis des siècles. Revêtir un costume, c’est devenir quelqu’un d’autre, c’est devenir qui l’on veut ou n’importe qui. Cela est particulièrement libérateur et c’est pourquoi le déguisement est souvent synonyme de fête, de plus ou moins de débauche, mais aussi de bien des mystères (mais qui se cache sous ce masque ? Hum…).

Albert Lynch, Le Bal Masqué, Peinture à l'huile sur bois, 61 x 49,5 cm, 1851-1912
Albert Lynch, Le Bal Masqué, Peinture à l’huile sur bois, 61 x 49,5 cm, 1851-1912

A priori, le carnaval de Rio n’a rien à voir avec celui de Venise, tout comme aucun d’eux n’a à voir avec celui de Dunkerque, en terme de costumes. Pourtant, reste la même idée de se travestir, de se dissimuler sous un masque, un maquillage ou un costume et de faire la fête. C’était déjà le cas dans les bals masqués d’antan, où l’on s’amusait volontiers à faire semblant d’être une déesse de la mythologie gréco-romaine alors qu’on était en réalité une femme de la Cour – ou au XIXème siècle, quand un simple masque suffisait à tromper son épouse en toute liberté sans pourtant duper quiconque, en réalité. Le port du costume est l’occasion de devenir quelqu’un d’autre et donc de pouvoir faire des choses que l’on ne s’autoriserait pas habituellement.

Si le costume est donc souvent synonyme de fête, d’amusement, de « fun », il n’en possède pas moins un intérêt plus profond, qui dit beaucoup sur la nature de l’Homme. Étrangement, dissimuler notre corps ou notre visage nous permet de montrer des choses de nous-mêmes que nous ne montrerions pas sous notre véritable apparence. Et, en effet, « il y a certaines choses que l’on cache pour les montrer », comme le disait Montaigne.

Des costumes rituels ?

Créer des costumes, c’est forcément s’ancrer dans la longue histoire des déguisements en tout genre. C’est aussi tisser des liens avec tous les costumes sacrés, rituels, traditionnels… qui ont accompagné l’histoire de notre civilisation et existé chez tous les peuples du monde jusqu’à nos jours. Nick Cave n’échappe pas à cette règle.

Les costumes de Nick Cave transforment ceux qui les portent en créatures étranges, au visage le plus souvent masqué qui les rendent anonymes. Les porteurs deviennent dès lors plus humanoïdes qu’humains et suscitent alors le sentiment d’une inquiétante-étrangeté : leurs couleurs vives, pop, lumineuses, sont attirantes, attrayantes, tandis que la forme globale des costumes brouille les formes du corps, le rendant étrange, inhabituel, difforme parfois. Nous sommes dans un entre-deux qui n’est pas sans rappeler celui des rêves, de l’imaginaire, du fantastique où tout est à la fois possible et un peu bizarre.

Le bruit produit par les costumes n’a pas un but mélodique : c’est seulement du bruit, une cacophonie plus ou moins forte en fonction des costumes. Ce sont des bruits qu’un corps humain est incapable de produire de lui-même, sans accessoire. Les costumes demandent d’être portés en bougeant, en remuant, en dansant… Cela a quelque chose de festif (comme dans le cas de Lille 3000 où les costumes de Nick Cave furent d’abord présentés pour l’ouverture des expositions, sous la forme d’un défilé qui évoquait à la fois le monde de la mode mais aussi les carnavals dont la région est friande) mais évoque aussi certaines danses rituelles aux rythmes entêtants qui, à nos yeux d’occidentaux, peuvent paraître presque inquiétantes. Est-on face à une sorte de rituel vaudou ? Quelle puissance supérieure ces danseurs sont-ils en train d’invoquer ? A moins qu’ils ne soient, eux-mêmes, les créatures d’un mythe inconnu dans nos contrées ? On peut se poser la question devant certains costumes faits de branchages et qui peuvent faire penser à des monstres de la culture populaire comme le Bigfoot ou le Yeti. Quand d’autres costumes, eux, ont tout du Cousin Machin multicolore à la silhouette déformée. Les Soundsuits semblent appartenir à plusieurs époques et cultures, et ne s’attacher véritablement à aucune au final en les réunissant toutes à la fois.

L'artiste Nick Cave posant avec ses Soundsuits.
L’artiste Nick Cave posant avec ses Soundsuits.

Heureusement, les couleurs pimpantes des costumes font surtout naître un sentiment de joie chez les spectateurs. Et elles s’entremêlent gaiement au rythme des danses qu’interprètent leurs porteurs. Nous sommes en présence de monstres-gentils, comme sortis d’un cartoon qui aurait trop forcé sur le LSD. On assiste à un spectacle aux tendances psychédéliques qui peut évoquer la période Hippie et ses danses destructurées, bercées par une musique devenue parfois étrange pour nos oreilles contemporaines. Les couleurs utilisées et les motifs des costumes ne sont pas non plus sans rappeler la période fantasque des seventies où toutes les folies semblaient possibles. Les Soundsuits fonctionnent alors comme un exutoire, probablement autant pour l’artiste, le porteur du costume et le spectateur.

Peace and love, alors, les costumes de Nick Cave ?

Des costumes pour dénoncer ?

Pas tout-à-fait. Car dans les années 1990, Nick Cave crée son premier « Soundsuit » en réponse au passage à tabac par des policiers que subit Rodney King en 1991 et qui est suivi d’un épisode de violentes émeutes aux États-Unis. Rodney King est afro-américain et les violences que lui infligent les policiers sont aussitôt considérées comme une attaque raciste tandis que la vidéo de son arrestation musclée fait le tour des télévisions américaines. Cela fait écho à des histoires bien plus récentes que celle-ci. Le problème ne date donc pas d’hier et n’est toujours pas prêt d’être réglé…

Nick Cave est particulièrement marqué par cette histoire. D’autant plus qu’il est lui aussi afro-américain.

Or, l’artiste décrit ses Soundsuits comme une « seconde peau ou une armure » qui invoque le pouvoir transformateur et libérateur de la musique et de la danse. Les Soundsuits recouvrent complètement le corps et le déforment. Les matières, les matériaux, les objets qu’utilise Nick Cave pour les fabriquer, transforment presque le danseur en forme abstraite lorsqu’il bouge. Il suffit de faire un arrêt sur image d’une vidéo mettant en scène ses costumes pour en avoir le cœur net (je vous mets deux de ces vidéos ci-dessous). Peu importe finalement le danseur : il est tout le monde et n’importe qui ; il n’a plus d’origine, de statut social, d’âge, de sexe… Il devient autre chose. Une créature dansante. Une masse de couleurs, de bruits, de matières qui bougent. Une sculpture mouvante. Une performance mêlant différents arts visuels, différentes cultures, évoquant le passé, l’imaginaire, la fête… Il devient œuvre. Il devient art.

Plus que des costumes pour dénoncer, ce sont donc davantage des costumes pour rassembler et libérer ; pour montrer le monstre que nous avons tous en nous et qui, finalement, ne demande qu’à être libéré de temps en temps dans la joie et la bonne humeur.


Sources :
Lille 3000, le Nord en version FAntAstic avec le plasticien Nick Cave
Soundsuit, Nick Cave | Mia
Les soundsuits de Nick Cave – Le Beau Bug
Nick Cave – Collectif Textile

Petite histoire de fantômes : La Famille Invisible

La Marquise du Deffand disait : « Je ne crois pas aux fantômes mais j’en ai peur. » Étrange contradiction qui peut paraître difficile à décrypter, à première vue. La Marquise semble nous dire que si elle ne croit pas aux fantômes, cela ne l’empêche pas d’en avoir peur. Il existe en effet un monde entre ce à quoi l’on croit (ou non) et ce qui existe véritablement (ou non). Dans le doute, même si l’on ne croit pas aux fantômes, on peut les craindre, car l’on a ni prouvé leur existence, ni prouvé leur non-existence. C’est un peu le même paradoxe qui existe aujourd’hui avec nos chers extraterrestres, ceux-là même qui n’ont toujours pas montré le bout de leur nez (s’ils en ont un) ; à la fois si attendus et si craints, alors même qu’on ignore tout d’eux et qu’on ne sait même pas s’ils existent.

Mais qu’est-ce qu’un fantôme ? S’agit-il seulement de ces entités inquiétantes, perdues dans l’au-delà, ces êtres qui nous ont quittés et qui sont censés revenir nous hanter ? Dans ce cas, je ne crois pas aux fantômes. De quels fantômes peut alors avoir peur la Marquise si elle ne croit pas en eux ? Si l’on considère qu’elle entend par « fantômes » certains éléments de sa vie passée, alors je peux comprendre qu’elle en ait peur. On parle parfois des « fantômes du passé » ; quand quelque chose ressurgit dans notre vie et vient potentiellement la bouleverser. C’est l’effet boule de neige. Ou le karma, dans d’autres cultures. Comme si tous nos actes portaient tôt ou tard à conséquence. Comment savoir si cela est vrai ou non ? Comment savoir si les fantômes de notre passé nous rattraperont un jour ou non ? Comment reconnaître ces fantômes ? citrouille-halloween

Une longue introduction pour vous souhaiter un joyeux Halloween ! Après les clowns ou les citrouilles chantantes, c’est au tour des fantômes de faire leur entrée chez Studinano !

Aujourd’hui, nous allons nous arrêter sur une œuvre que j’ai découvert il y a quelques années à Lille, au Tri Postal : celle de Théo Mercier, La Famille Invisible.

La Famille Invisible, Théo Mercier, Sculpture, 140x80x200 cm.
La Famille Invisible, Théo Mercier, Sculpture, 140x80x200 cm.

Cette œuvre a tout de suite retenu mon attention car elle est incroyablement polysémique. J’y ai vu plusieurs façons de l’appréhender. Mais mettons-nous tout de suite d’accord : ces interprétations sont tout-à-fait personnelles. Vous en verrez peut-être d’autres qui m’ont échappé et je vous invite à me les faire connaître dans les commentaires si c’est le cas !


Sommaire de l’article :

Une histoire de famille
Le Cousin Machin : star de l’Art ?
Fantômes ou Burka : identité(s) cachée(s)
Un problème plus profond : un secret de famille


Une histoire de famille

D’abord, bien sûr, il s’agit d’une famille. Un père, une mère, deux enfants, semble-t-il. Une famille de fantômes, certes, mais une famille quand même. L’artiste nous met là face à un thème qui pose question dans notre société actuelle : qu’est-ce qu’une famille, au XXIème siècle ? On a vu, ces dernières années, comme cette question pouvait créer des débats plus ou moins fondés, en particulier en France. Quand le Mariage pour Tous a été voté, nombre d’imbéciles de gens sont descendus dans les rues pour essayer de priver les autres de leur droit à fonder à leur tour une famille. Alors même qu’ils n’étaient en rien concernés. Les prétendus arguments portaient souvent sur leur représentation de la famille idéale : un papa, une maman, des enfants. Dans leur esprit, voilà la seule famille possible.

Cette famille type est celle que représente ici Théo Mercier. Mais c’est une famille de fantômes. Est-ce là une façon de dire que ce modèle est dépassé ? Qu’il n’est plus le seul existant ? A l’heure des familles monoparentales, homoparentales, recomposées, décomposées, inexistantes, surexistantes… Tout est désormais possible. Le modèle unique qui a longtemps été prôné par l’Eglise n’existe plus. Ou, en tout cas, il n’est plus le seul existant.

Mais en dehors des excités du pavé que sont les Manif pour Tous, il existe d’autres paranoïaques de la famille idéale. Dans le camp complètement inverse, j’ai entendu des gens s’exprimer contre l’idée même de famille : pour eux, la famille idéale est celle qui n’existe pas. Au XXIème siècle, pour eux, il serait temps de passer à autre chose. Vivre seul et avec tout le monde en même temps. S’autoriser la possibilité d’être avec une personne un jour, et une autre le lendemain. Bref, briser le couple car le couple est démodé. Soit… Ces extrêmes sont quand même un peu flippants à mon goût, mais soit.

On voit bien à travers ces différentes conceptions que la famille, le couple, l’amour posent de grandes questions de nos jours. Mais cela a toujours été le cas et nous nous posons tous des questions, même si elles sont souvent moins extrêmes que celles que j’ai pu exposer plus avant. Nous avons surtout la chance que beaucoup de tabous soient tombés au fil du temps, nous permettant d’exposer au grand jour des questions qui, autrefois, étaient gardées secrètes ou qu’on osait pas même se poser.

Dans l’œuvre de Théo Mercier, c’est une famille morte qui nous est montrée. Une famille fantomatique. On peut y voir à la fois la mort de la famille. Ou une famille qui reste elle-même par-delà la mort. Comment savoir ? Nous sommes dans un entre-deux. En pleine période de changements, d’interrogations, l’œuvre de Théo Mercier semble faire le pont entre différentes conceptions de ce qu’est la famille (si elle existe encore). Il ne nous donne pas de réponse : il nous pousse au questionnement.

Le Cousin Machin : star de l’Art ?

Face à une œuvre comme celle-ci, la Famille Addams n’a qu’à bien se tenir ! Ceci dit, on sent quand même que Théo Mercier a pu y trouver son inspiration : les lunettes noires de ses personnages me font penser à celle du Cousin Machin. Il est d’ailleurs assez étonnant de voir à quel point ce personnage a pu inspirer nombre d’artistes (d’ailleurs, je m’en inspire aussi). Il faut dire que c’est un personnage qui a de quoi séduire : on ignore ce qu’il est sous son épaisse chevelure, il semble aussi humain que monstrueux, il est à la fois étrangement mignon et bizarrement effrayant. Bref, c’est un personnage qui porte en lui les caractéristiques de l’Inquiétante Etrangeté décrite par Freud et utilisée par de nombreux artistes.

L'un des premiers Cousin Machin de la Famille Addams. On retrouve les lunettes de soleil qui indiquent l'emplacement des yeux et donne une allure anthropomorphique au personnage, le rendant plus humain et... plus effrayant en même temps.
L’un des premiers Cousin Machin de la Famille Addams. On retrouve les lunettes de soleil qui indiquent l’emplacement des yeux et donne une allure anthropomorphique au personnage, le rendant plus humain et… plus effrayant en même temps.
Dans cette oeuvre, Javier Perez donne sa version du Cousin Machin. Comme dans beaucoup de ses oeuvres, on est dérangé par cette forme étrangement humaine, pendue au plafond. L'artiste fait en sorte de provoquer un certain malaise chez le spectateur.
Dans cette oeuvre, Javier Perez donne sa version du Cousin Machin. Comme dans beaucoup de ses oeuvres, on est dérangé par cette forme étrangement humaine, pendue au plafond. L’artiste fait en sorte de provoquer un certain malaise chez le spectateur.
Javier Perez semble apprécier le monstre ambigu qu'est le Cousin Machin. Ici, on aperçoit l'homme sous la fourrure... Ou peut-être pas.
Javier Perez semble apprécier le monstre ambigu qu’est le Cousin Machin. Ici, on aperçoit l’homme sous la fourrure… Ou peut-être pas.
Nick Cave est un artiste qui réalise des costumes fantaisistes et surréalistes. Nombre d'entre eux ont de faux-airs de Cousins Machins, plus ou moins multicolores. Comme Théo Mercier, ses oeuvres étaient présentées lors de l'exposition Phantasia de Lille, au Tri Postal.
Nick Cave est un artiste qui réalise des costumes fantaisistes et surréalistes. Nombre d’entre eux ont de faux-airs de Cousins Machins, plus ou moins multicolores. Comme Théo Mercier, ses oeuvres étaient présentées lors de l’exposition Phantasia de Lille, au Tri Postal.
On peut aussi retrouver le Cousin Machin dans la pub. Le photographe Hugh Kretschmer nous le prouve avec cette image qui a tout d'une oeuvre surréaliste. On retrouve la cigarette perturbante, comme chez Théo Mercier. Bizarre, vous avez dit bizarre ?
On peut aussi retrouver le Cousin Machin dans la pub. Le photographe Hugh Kretschmer nous le prouve avec cette image qui a tout d’une oeuvre surréaliste. On retrouve la cigarette perturbante, comme chez Théo Mercier. Bizarre, vous avez dit bizarre ?
Faceless Girl au manteau
Cette Faceless Girl au manteau est ma version du Cousin Machin.
(Encre sur papier Canson | Ink on Canson paper)

Fantômes ou Burka : identité(s) cachée(s)

Un questionnement qui peut aller plus loin encore. Ces fantômes, dont les corps sont recouverts de longs draps blancs, peuvent aussi évoquer les nombreuses questions du voile, de la burka, du burkini même. Ici, ça n’est pas seulement la femme qui est dissimulée sous le tissu mais tous les membres de la famille. Vous me direz, quoi de plus normal, ce sont des fantômes et c’est ainsi que nous représentons les fantômes, dans la culture pop ! Mais c’est aussi là que l’on s’aperçoit qu’il y a quelque chose d’étrange et d’inquiétant à ne pas voir le visages de ces personnages. Que cachent-ils sous ces draps ? Cachent-ils seulement quelque chose ? Tous les doutes sont permis. Et, de nos jours, ces doutes sont justement ceux qui nous poussent à craindre tout le monde et n’importe qui, à stigmatiser autant qu’à nous radicaliser, quel que soit le camp choisi au final.

Ces draps que portent les fantômes sont considérés comme des déguisements. Il n’est pas rare d’en croiser dans les rues au moment d’Halloween. On se cache pour faire peur, pour surprendre, pour jouer à être un autre.

Le thème du déguisement qui dissimule pour mieux inquiéter, intriguer, attirer l’attention tout en cachant qui l’on est vraiment, est très présent dans l’Art et dans l’Histoire. Le masque est le premier pas vers le déguisement. Les bals masqués existent depuis très longtemps, partout dans le monde. Le carnaval de Venise est célèbre pour ses déguisements qui dissimulent complètement les personnes qui les portent. Sous le Second Empire, on sait que les bals masqués étaient le lieu de tous les possibles ; on y venait autant pour tromper son conjoint que pour prendre des décisions politiques majeures ; on s’y montrait, on devait y être vus mais, en même temps, on mettait un grand soin à ne pas être reconnu trop facilement, à se dissimuler derrière un masque et tout un déguisement plus ou moins élaboré.

Qui est le monstre inquiétant, alors ? Celui qui se montre ou celui qui se cache ?

Henri Gervex (1852-1929)Le bal de l'Opéra, Paris1886Huile sur toileH. 85 ; L. 63 cmCourtoisie Galerie Jean-François Heim, Bâle© Photo courtesy of Galerie Jean-François Heim, Basel / cliché Julien Pépy
Henri Gervex (1852-1929)Le bal de l’Opéra, Paris1886Huile sur toileH. 85 ; L. 63 cmCourtoisie Galerie Jean-François Heim, Bâle© Photo courtesy of Galerie Jean-François Heim, Basel / cliché Julien Pépy

Dans l’œuvre de Théo Mercier, on constate que le fantôme qui semble être le père tient une cigarette à la main ; n’est-il pourtant pas mort ? J’ai la même impression face à ce fantôme à la cigarette que lorsque je croise des femmes couvertes de la tête aux pieds à Disneyland Paris. Comme si deux visions du monde se rencontraient, se croisaient tout du moins, en créant sur leur passage une impression d’étrangeté. Comme quand quelque chose cloche mais qu’on est incapable de dire exactement pourquoi. La cigarette du fantôme est une bizarrerie qui nous interpelle. La femme voilée au milieu d’un des temples du consumérisme à l’américaine également. De la même manière, je ne cesse de trouver des plus étranges de voir des touristes en tong et chaussettes se balader dans les couloirs du Louvre, au milieu des département des Antiquités, là où sont exposées des œuvres dont les cousines sont explosées, actuellement en Syrie et ailleurs, dans l’indifférence la plus complète.

Quelque chose cloche dans notre société. Et, à mes yeux, cette œuvre pointe du doigt ce paradoxe, ce problème, ce truc coincé dans l’engrenage et qui l’empêche de tourner correctement. Le déguisement, le costume qui cache, permet ici de pointer du doigt et d’attirer l’attention sur un problème plus profond.

"Cette sculpture représente la Vierge enceinte de Jésus, debout les bras ouverts, figure de l’iconographie chrétienne rarement traitée. La Vierge est vêtue d’une tunique qui, tel un drapé mouillé, colle au corps, révélant avec impudeur sa nudité. Un voile, fabriqué à partir de boyaux de porc séchés, la recouvre de la tête aux pieds. La Vierge, paradigme d’une maternité sans tâche, devient ici une figure fantasmagorique, inquiétante, dans laquelle s’opposent, comme souvent dans les œuvres de Javier Pérez, les notions antagonistes du charnel et du spirituel, du laid et du beau, de l’impur et du sacré." (Source)  Javier Pérez Virgo Mater, 2012, Résine et boyaux de porc séchés
« Cette sculpture représente la Vierge enceinte de Jésus, debout les bras ouverts, figure de l’iconographie chrétienne rarement traitée. La Vierge est vêtue d’une tunique qui, tel un drapé mouillé, colle au corps, révélant avec impudeur sa nudité. Un voile, fabriqué à partir de boyaux de porc séchés, la recouvre de la tête aux pieds. La Vierge, paradigme d’une maternité sans tâche, devient ici une figure fantasmagorique, inquiétante, dans laquelle s’opposent, comme souvent dans les œuvres de Javier Pérez, les notions antagonistes du charnel et du spirituel, du laid et du beau, de l’impur et du sacré. » (Source)Javier Pérez
Virgo Mater, 2012,
Résine et boyaux de porc séchés 

 

Un problème plus profond : un secret de famille

D’ailleurs, Théo Mercier n’a pas seulement réalisé son étrange famille fantomatique. Il a remis ça avec cette autre œuvre, intitulée Le Grand Public. Tout aussi mystérieuse que la précédente, cette œuvre nous montre cette fois des personnages très différents les uns des autres. Du fou (qu’on reconnaît à l’entonnoir retourné sur sa tête) à l’enfant, du vieillard au parfait inconnu, en passant, justement, par le personnage coiffé d’oreille de Mickey.

Théo Mercier, Le Grand public, 2012 Courtesy de l’artiste et galerie Gabrielle Maubrie, Paris
Théo Mercier, Le Grand public, 2012 Courtesy de l’artiste et galerie Gabrielle Maubrie, Paris

Le truc coincé dans l’engrenage apparaît bien plus clairement dans cette œuvre. Ces fantômes sont tout le monde et personne à la fois. Ils nous évoquent des êtres que nous avons pu croiser, ils nous rappellent des choses que nous avons vues, ils nous aident à mettre le doigt sur ce sentiment d’incompréhension qui nous envahit parfois. Et c’est ainsi que les fantômes de Théo Mercier deviennent un peu nos fantômes ; ceux de notre passé commun, ceux sur lesquels nous avons basé notre monde et son système de fonctionnement, ceux qui nous rattraperont tôt ou tard.

Ces fantômes, je les vois comme des personnifications d’un secret de famille. Or, le « secret de famille » est typiquement le genre de « fantôme » qui peut ressurgir tout-à-coup et faire très mal. On en a fait des livres et des films sur le sujet ! Plutôt des drames que des comédies légères. Le secret de famille est le fantôme qu’on a enfermé un beau jour au fond d’un placard, qu’on a presque oublié et qui parvient à s’échapper pour tout envoyer valser sur son passage quand on s’y attend le moins. Et cette famille, c’est celle que nous formons tous, c’est l’Humanité toute entière, qui n’hésite pas à tout planquer sous le tapis plutôt que de faire le ménage nécessaire. Il n’y aura bientôt plus de place sous le tapis. D’ailleurs, on ne sait plus très bien ce que cache le dit tapis. Un peu comme on ne sait pas très bien ce qui se cache sous les draps des fantômes de Théo Mercier. Quand quelqu’un viendra le secouer un beau jour, nous aurons sans doute de sacrées surprises… et pas que des bonnes.

L'Enfance du Mal, Théo Mercier.
L’Enfance du Mal, Théo Mercier. (Source photo)

Si vous souhaitez voir d’autres créations que j’ai pu réaliser pour Halloween, ces dernières années, vous pouvez visiter cette page sur laquelle je les regroupe.

Jack-o'-Lantern
Quitte à vous souhaiter un joyeux Halloween et à vous parler de fantômes… revoici mes Jack-o’-Lantern !
(Aquarelle et encre sur papier Canson)

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Pixel Art : Monstrhom

Présentation

Monstrhom : formé à partir des mots « monstre » et « homme ». Le mot peut aussi rappeler celui de « maelstrom » dans sa prononciation. Un maelstrom étant un violent tourbillon se formant dans la mer ou dans un fleuve.

Comme son nom l’indique, cette série de réalisation pixelisées, datant de 2012, porte sur la monstruosité inhérente à l’espèce humaine. La religion a pu m’inspirer dans le cas de J’ai aussi une couronne d’épines, dont la figure est volontairement christique, mais c’est surtout le fait d’être née dans un monde menacé par le spectre de la bombe nucléaire qui m’a poussée à réaliser cette série. Atomic Sky représente assez directement le champignon atomique, tandis que He’s here évoque les ombres laissées par la dissipation des corps lors de l’explosion. La réalisation que j’ai finalement choisi de laisser sans titre, mais qui a pu s’intituler un temps Maybe Humans, a été pensé comme une accumulation de corps ensanglantés, poussant des hurlements. C’est une référence au Cri d’Edvard Munch.
Mon but, dans cette série, était de parvenir à suggérer le monstre, la forme monstrueuse, sans directement la représenter. A première vue, ces représentation peuvent donc paraître abstraites mais si l’on s’y attarde ou si on se laisse porter par les titres que j’ai pu donner à ces réalisations, le but est d’y voir surgir des figures humanoïdes mais difformes, inquiétantes, monstrueuses.
C’est en m’inspirant à la fois du travail des Surréalistes et des Expressionnistes que j’ai travaillé à l’élaboration de cette série. Car si tout est fait par ordinateur, ici, j’ai pensé chacune de ces images comme des peintures.

Lors de leur présentation, je fais imprimer mes réalisations de pixels sur papier photo ou sur toile. Ainsi, leur taille peut atteindre plusieurs mètres. C’est pourquoi je les qualifie souvent de « fresques ». Dans la mesure du possible, je tente de photographier ce genre d’exposition de mes travaux mais cela n’a pas encore été possible pour tous.

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