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Le jardin des morts et ses adorables squelettes

Après n’avoir pas pu poster ici depuis très longtemps, j’ai décidé de faire mon retour avec de l’insolite (on ne se refait pas). Je suis un peu en retard sur Halloween mais vous me pardonnerez… n’est-ce pas ? En tout cas, aujourd’hui, je vous emmène en excursion dans… le jardin des Morts !

Hugo Simberg, Le Jardin de la mort (en finnois : Kuoleman puutarha), gouache, 15,8 x 17,5 cm, 1896, Musée d'art Ateneum, Helsinki, Finlande.
Hugo Simberg, Le Jardin de la mort (en finnois : Kuoleman puutarha), gouache, 15,8 x 17,5 cm, 1896, Musée d’art Ateneum, Helsinki, Finlande.
Excursion dans le jardin des Morts
Hugo Simberg et sa soeur, photo prise par lui-même en 1896. Finnish National Gallery, Helsinki.
Hugo Simberg et sa soeur, photo prise par lui-même en 1896. Finnish National Gallery, Helsinki.

Hugo Simberg est un artiste Finlandais de la fin du XIXème/début du XXème siècle (1873-1917). Déjà, ça sort de l’ordinaire ! Je ne vous parle pas souvent d’artiste Finlandais. Ensuite, parce que si vous avez jeté un coup d’œil à l’œuvre dont j’ai décidé de vous parler (voir ci-dessus), Le jardin de la mort (1896), vous vous êtes peut-être fait la même remarque que moi : « Mais, ça date de la fin du XIXème, ça ?! » (j’espère que vous avez prononcé cette question à voix haute en prenant l’expression du Cri de Munch… qui était Norvégien, pas Finlandais, ça n’a donc aucun rapport).

Ce squelette n'est-il pas adorable ?
Ce squelette n’est-il pas adorable ?

En effet, si j’ai choisi de vous parler de cette peinture, c’est parce qu’elle m’a sauté aux yeux quand je l’ai découverte. Premièrement parce qu’il n’est pas commun de voir la mort représentée de cette manière : des sympathiques squelettes semblant sourire et s’adonner au jardinage. Deuxièmement, parce que cette peinture m’a semblé très moderne (j’ai cru qu’elle était beaucoup plus récente que ça) et, dans le même temps, m’a rappelé des enluminures du Moyen-Age. Avec ses couleurs et son apparente naïveté, sa simplicité, elle semble sorti d’un autre temps. Et j’adore les œuvres aussi anachroniques !

« Hugo Simberg, symboliste obsédé par la mort et le fantastique, n’a pas laissé une oeuvre abondante, mais ses aquarelles, où des démons étranges personnifient les forces de la nature, sont fascinantes. »

[Source : Georges Desneiges, Finlande, Paris, Seuil, 1960, n.p.]

Des squelettes anachroniques ?

Mon étonnement ne s’est cependant pas arrêté là. Cette œuvre m’a surtout surprise parce qu’elle m’en a rappelé une autre, bien plus récente et bien différente : elle m’a immédiatement fait penser à (tenez-vous bien) un manga que je lis depuis un petit moment : Colette décide de mourir (« Colette decides to die« , en anglais, car il n’est pas encore sorti en France, ou « Colette wa Shinu Koto ni Shita » pour ceux qui voudraient le titre japonais). C’est un peu fou, non ? Personnellement, j’ai trouvé ça un peu fou. Et encore plus anachronique (j’adore les oeuvres anachroniques et le mot « anachronique » qui, d’ailleurs, est un « chrononyme », voilà, c’était une info supplémentaire, comme ça, c’est pour moi, c’est cadeau).

Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.

Ce manga de Yukimura Alto, dont la publication a commencé en 2013 au Japon, raconte l’histoire (tenez-vous bien, encore) de Colette qui décide de mourir (je vous avais prévenus). Pour ce faire, elle décide de se jeter dans un puits. Puits qui s’avère être un passage vers les Enfers.

C’est là qu’elle va faire la rencontre du dieu Hadès (et oui, la mythologie grecque, d’un coup, BAM, vous ne l’aviez pas vue venir celle-ci, hein ?) et de son équipe de gestion du monde des Morts : des squelettes absolument A-DO-RA-BLES. Je vous laisse en juger par vous-mêmes (je ne posterai pas beaucoup d’images car je ne voudrais pas trop vous spoiler) :

En plus de ces squelettes, qui se vouent corps et âme (façon de parler, ahah) à Hadès, le manga met en scène à peu près tous les personnages qui entourent ce dieu dans sa mythologie d’origine : Cerbère (adorable lui aussi !), Charon, le passeur des Enfers, ainsi que d’autres divinités grecs. Se mêlent aussi à cette joyeuse bande des personnages typiquement japonais. Dont Colette, dont on ignore finalement beaucoup de choses, hormis le fait qu’elle est médecin et souhaite, dans un premier temps, mourir.

Squelettes adorables et jardinage dans le monde des Morts

Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.

Outre la curieuse ressemblance entre les squelettes de ce manga et ceux de la peinture de Simberg, c’est aussi le thème du jardin qui a retenu mon attention. En effet, sans trop vous en dévoiler, tout un arc narratif du manga parle du fait qu’il est impossible de faire pousser quelque chose dans le monde des Morts. Une façon de dire qu’il est impossible de vivre dans cet endroit. Ce que le personnage de Colette va s’évertuer à combattre tant elle va s’attacher à celles et ceux qui font bel et bien vivre les Enfers.

On peut voir en cela toute une symbolique sur l’importance du souvenir mais aussi sur la résilience face à la perte. Il s’agit de maintenir le cycle de la vie, par-delà la mort : conserver la mémoire de ceux qui ne sont plus là mais continuer à avancer car ils l’auraient souhaité ou que d’autres le souhaiteront un jour. Celles et ceux qui ont vu le film d’animation Coco verront sans doute de quoi je veux parler car on y trouve une façon de percevoir la mort assez similaire, par moments. Ces œuvres nous encouragent à penser la mort non pas comme une fin en soi mais une autre forme d’existence, possible grâce à notre faculté à nous rappeler nos défunts et à entretenir leur souvenir.

Le squelette de Frida Kahlo dans le film d'animation Coco (2017)
Le squelette de Frida Kahlo dans le film d’animation Coco (2017)

Il semble en tout cas que le thème du Jardin des Morts était cher à Hugo Simberg car il en a réalisé plusieurs versions, avec différentes techniques. Vous pourrez en trouver quelques unes dans la galerie, à la fin de cet article.

Bref, Colette decides to die est un de mes mangas préférés depuis un petit moment. Je l’ai justement découvert peu de temps après avoir perdu ma maman et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, je ne le regrette pas. Il est très positif contrairement à ce que son propos pourrait laisser croire de prime abord. Je trouve qu’il a une façon originale de « dédramatiser » des sujets très durs (la mort, le suicide, l’abandon, la perte, la maladie… tellement de choses). Et puis, on y suit une jolie histoire d’amour (impossible ? On ne sait pas encore, le manga n’est pas encore terminé mais je crois en une happy ending parce que je suis une indécrottable romantique).

Hadès et deux de ses squelettes serviteurs du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.
Hadès et deux de ses squelettes serviteurs du manga Colette Decides to Die (コレットは死ぬことにした) de Yukimura Alto, publié depuis 2013, Japon.

Je ne peux que vous en conseiller la lecture (bon, il faudra lire l’anglais ou le japonais) si vous avez l’occasion de vous le procurer.

Galerie d’œuvres d’Hugo Simberg

Quant à notre artiste Finlandais, Hugo Simberg, je vous propose de découvrir quelques unes de ces autres œuvres ci-dessous. Je pense que, comme moi, vous en conclurez qu’il mérite d’être plus connu !

J’espère que vous ne le trouverez pas trop macabre. En ce qui me concerne, je trouve ses œuvres vraiment surprenantes. C’est pour cette raison que j’ai choisi de vous les faire découvrir. Il faut savoir qu’Hugo Simberg a notamment illustré des contes et a été un artiste Symboliste toute sa carrière (même quand ce mouvement n’était plus trop « à la mode »). Ceux qui suivent un peu les articles de ce blog savent à quel point j’adore ce genre de profil ! On peut donc s’amuser à trouver les histoires derrière ses œuvres et essayer d’y déceler tous les niveaux de lecture possibles. Mais comme le disait l’artiste lui-même :

« Il incitait les gens à faire leurs propres interprétations et il espérait que ses peintures touchent au plus profond et fassent pleurer les gens en leur for intérieur. A son avis on ne devait pas réfléchir à ce que le peintre avait pensé quand il a fait son œuvre ou ce qui se passe dans la peinture : le plus important, c’est la sensation du spectateur. »

[Source]

N’hésitez pas à me dire en commentaire laquelle de ses œuvres est votre préférée ! Et dites-moi si elles vous ont touché, comme l’espérait l’artiste.


Sources :

Wikipédia, Hugo Simberg
Google Arts and Culture – The Garden of Death

Bruegel : histoires au cœur de l’hiver

Joyeuses Fêtes à tous !

Je n’ai pas eu l’occasion de vous proposer un article d’Halloween cette année. Mais je suis contente de vous retrouver pour notre traditionnel article de Noël !

Cette année, je vous emmène au XVIème siècle. Voilà longtemps que nous n’avions pas fait un tel saut dans le temps ! Nous nous rendons en Belgique que nous appelons alors les Pays-Bas Espagnols. C’est l’hiver, la neige est tombée en abondance. La scène est idéale pour Pieter Bruegel l’Ancien, peintre de l’hiver.

Sommaire

Qui était Pieter Bruegel l’Ancien ?
Les petits théâtres de Bruegel
Bruegel l’Ancien, Bruegel le Jeune : plusieurs versions d’une même œuvre
Bruegel, entre mythe et réalité
Bruegel et Bruegel : de père en fils
Conclusion
Sources

Qui était Pieter Bruegel l’Ancien ?

Pieter Bruegel, dit l’Ancien (parce que son fils s’appelait aussi Pieter Bruegel, dit le Jeune, du coup, pas bête), ou Pierre Bruegel en France, est un peintre et graveur brabançon (ancien comté des Pays-Bas Espagnols, aujourd’hui situé en Belgique) du XVIème siècle. Il fait partie des plus célèbres peintres de l’Ecole Flamande, en plein Siècle d’Or Hollandais, parmi Jan van Eyck, Jérôme Bosch ou encore Pierre Paul Rubens, Vermeer ou Rembrandt.

De sa vie, on ne sait presque rien. On estime qu’il est né vers 1525 et l’on sait qu’il est mort à Bruxelles en 1569. Il existe peu de sources écrites à son sujet. Cela fait de lui un peintre relativement mystérieux (même s’il l’est moins que Jérôme Bosch, que les sujets de ses peintures ont participé à mystifier bien davantage ; j’espère que nous aurons l’occasion de parler de lui sur Studinano, un de ces quatre). Les peintures de Pieter Bruegel sont en effet très reconnaissables.

Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, Huile sur toile, 1,140mm x 1,550mm, XVIe siècle (1563), Kunsthistorisches Museum Vienna (Autriche)
Pieter Brueghel l’Ancien, La Tour de Babel, Huile sur toile, 1,140mm x 1,550mm, XVIe siècle (1563), Kunsthistorisches Museum Vienna (Autriche)

D’ailleurs, nous avions déjà parlé de Bruegel l’Ancien sur Studinano et, en particulier, de l’une de mes peintures préférée, qu’il a réalisé : la Tour de Babel (voir ci-dessus). Vous pouvez retrouver plus d’information sur cette œuvre dans cet autre article.

Les petits théâtres de Bruegel

Pieter Bruegel peint essentiellement la vie quotidienne du peuple de son temps et de son pays. Ses toiles fourmillent de vie et de détails qui donnent l’impression qu’elles bougent, comme si nous regardions les acteurs d’un théâtre miniaturisé. Ses personnages ont des trognes caricaturales, très expressives, comme s’ils portaient des masques grotesques. Cela leur permet de nous transmettre des émotions très variées.

Dans le même temps, cela a donné à Bruegel l’Ancien l’image d’un peintre de la joie. Les experts discutent beaucoup autour de cette réputation. Pour certains, les peintures du maître pourraient paraître plus joyeuses et gaies qu’elles ne le sont réellement. Pour d’autres, l’artiste dépeignait bien les bonheurs simples comme nul autre. Nous verrons plus après qu’il est parfois difficile de déterminer avec exactitude les intentions de Bruegel car sa production était essentiellement le résultat de commandes.

Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

En tout cas, il faut reconnaître qu’il est troublant d’observer certaines de ses peintures, comme Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux (voir ci-dessus), une de ses oeuvres les plus populaires et les plus connues. Le peintre nous y détaille nombre de loisirs et de jeux auxquels les gens s’adonnent en toute quiétude sur la glace. Paradoxalement, nous nous attendrions naturellement à voir représentée la dureté des conditions de vie hivernales (froid, famine, maladies, accidents…). C’est pourtant une vie de plaisirs simples qui, à première vue, nous est présentée. Notre inconscient collectif a plutôt retenu le labeur incessant des paysans, des serfs et des autres membres du Tiers Etat, contraints de rendre des comptes aux Seigneurs locaux et payer de nombreux impôts.

Nous verrons que la peinture de Bruegel ne s’arrête néanmoins pas aux apparences. Les mises en scène de ses tableaux sont complexes mais permettent de raconter une multitude d’histoires en une scène fixe.

Comme dans un Où est Charlie d’un autre temps, Bruegel l’Ancien nous entraine dans des images devant lesquelles il n’est pas rare de devoir passer un certain temps pour en saisir tous les détails. Et si la scène peut paraître triviale, dans un premier temps, elle recèle souvent des trésors.

C’est le cas de la toile que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui, en cette période de Noël : l’Adoration des Mages (oui, vous aurez envie de manger des galettes avant même d’avoir mangé vos bûches, c’est comme ça).

Bruegel l’Ancien, Bruegel le Jeune : plusieurs versions d’une même oeuvre

Bruegel a réalisé plusieurs peintures sur ce sujet alors précisons : nous parlerons essentiellement de l’Adoration des Mages dans un paysage d’hiver (parce qu’on veut de la neige en hiver, bon sang ! Rendez-nous notre climat nordique, qu’on puisse à nouveau blaguer sur nos igloos ch’tis !), réalisée en 1563. Il s’agit de cette œuvre :

Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Il existe plusieurs versions de l’œuvre . On fait le compte : Bruegel a peint plusieurs tableaux représentant la scène de l’Adoration des Mages. Et l’Adoration des Mages dans un paysage de neige a ensuite été copiée plusieurs fois par son fils.

Personne n’est perdu ?

Alors voici l’explication : il n’était pas rare qu’un peintre peigne plusieurs fois un même sujet, notamment religieux, sous des angles plus ou moins différents. Il n’était pas rare non plus que des peintres fassent deux versions (ou plus) d’un même tableau. Les raisons à cela étaient diverses : certains tableaux étaient des essais, d’autres des copies conçues pour la vente. Dans le cas de Bruegel l’Ancien, notons que son fils Bruegel le Jeune a pu réaliser des copies d’œuvres de son père (a priori, pour satisfaire des commandes et, ma foi, il faut bien manger, hein !) Les talents d’imitateur de Bruegel le Jeune envers l’œuvre de son père sont souvent soulignés. Et, en effet, si je vous proposais un petit qui a peint quoi, vous seriez bien embêtés pour y répondre (et moi aussi, très certainement, car j’ai eu des surprises en écrivant cet article).

En ce qui concerne l’Adoration des Mages dans un paysage d’hiver, j’ai pu admirer celle du Musée Correr de Venise (voir ci-dessus). Mais il faut avouer que mes photos ne sont pas bien belles. La version que je vais donc vous proposer d’admirer est celle de la Reinhart Collection, qui se trouve aujourd’hui dans la villa Am Römerholz à Winterthur (un nom de circonstance ;)) dans le Canton de Zurich en Suisse.

De plus, le tableau que j’ai vu a été peint par Bruegel Le Jeune et non pas Bruegel l’Ancien. Et ce n’est qu’une des copies de cette toile. Mais cela nous donnera l’occasion de jouer au jeu des sept différences ensemble ;)

Bruegel, entre mythe et réalité

La peinture que j’ai choisie est une huile sur bois de 1563 qui nous montre une vue d’un village de Flandres tel qu’il devait en exister au XVIème siècle, au temps de Bruegel l’Ancien.
Il neige à gros flocons mais de nombreuses personnes se pressent dans les rues.

Pour décrire au mieux cette peinture pleine de vie, nous allons procéder par étapes. Commençons par l’arrière plan.

Peindre l’hiver
Détail : un château à l'arrière plan, dans les brumes hivernales. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : un château à l’arrière plan, dans les brumes hivernales.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Au bout de l’allée principale, nous pouvons distinguer la silhouette d’une bâtisse beaucoup plus grande que les autres. Elle est vraisemblablement en pierre et possède des tours et une entrée qui semble assez monumentale. Il s’agit très probablement d’un château. Des gardes en armure et armés protègent le passage. Il s’agit de la rangée de personnages qui se trouvent juste derrière la roue.

On voit passer de nombreux personnages courbés par le froid. Ils tentent vainement de se réchauffer en serrant leurs bras sur leur poitrine. Au premier plan, un enfant semble faire de la luge sur l’eau gelée. D’un trou dans la glace, des personnes viennent tirer de l’eau qu’ils ramènent à l’aide de seaux. D’autres portent des sacs ou semblent couper du bois. Sous une sorte de tente, un feu réchauffe quelque chose. C’est la seule source de chaleur qui existe dans cette image.

Détail : habitants tirant de l'eau depuis un trou dans la glace. Un enfant faisant de la luge tandis que sa mère semble lui crier de revenir à elle. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : habitants tirant de l’eau depuis un trou dans la glace. Un enfant faisant de la luge tandis que sa mère semble lui crier de revenir à elle.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

On perçoit bien la dureté de l’hiver qui frappe le village. On dit que Bruegel est un des premiers à peindre la neige.

« Bruegel est l’un des premiers à représenter l’hiver en tableaux monumentaux, insistant sur la représentation de la neige. Avec lui, l’hiver devient un sujet. »

RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018 

Il serait tombé en admiration devant les paysages enneigés qu’il a croisés lors de son Grand Tour (1553-1555), voyage initiatique que de nombreux artistes ont longtemps effectué en Italie pour apprendre leur métier auprès des grands maîtres de cette région du monde. Il en a ramené des croquis des montagnes et des paysages hivernaux qu’il a pu observer.

« C’est dans les premiers temps d’une carrière assez courte (une vingtaine d’années), en 1552, que Bruegel effectue son voyage en Italie, d’où il rapporte, non des vues de monuments antiques, comme les autres « fiamminghi », mais des dessins de paysages, alpins en particulier. Commencés sur le motif et terminés à l’atelier, ces dessins sont absolument remarquables. Avec autant de précision dans le détail que de souplesse et de légèreté dans les graduations lumineuses, ils rendent compte, dirait-on, d’une expérience exaltante, comme si l’auteur éprouvait l’ivresse de l’immensément ouvert, de l’infini déploiement de la croûte terrestre – montagnes, vallées, plaines, fleuves, lacs, villes – sous la béance du ciel. Il y a là un sentiment de la totalité du monde, comparable seulement à ce qu’un Léonard de Vinci avait exprimé dans ses rares dessins de paysages. Ces dessins des Alpes furent déterminants pour l’art de Bruegel qui, par la suite, emplit nombre de ses tableaux de sublimes paysages, où les grasses campagnes se hérissent d’hétéroclites pitons rocheux, paysages qui englobent littéralement les scènes religieuses ou profanes qui s’y déroulent. Certes, Bruegel reprend là une tradition instaurée par Joachim Patinir, à Anvers même, dans les premières décennies du siècle : la formule du « paysage monde », vue panoramique déployée à perte de vue. Mais, là où Patinir « miniaturisait » l’infini, noyant tout dans un air bleu, enchanteur et irréel, Bruegel dote l’immensité, terre et ciel, de la même consistance concrète qu’il confère aux détails des premiers plans. L’espace ainsi construit est colossal, parfois même vertigineux. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

Dans ce tableau, on peut trouver deux explications à cet hiver rude :

  • Dans un premier temps, une observation de la météo de son temps. L’hiver était alors plus marqué qu’aujourd’hui dans les régions du Nord de l’Europe, frappées par une petite ère glacière qui durera jusqu’au milieu du XIXème siècle.
  • Dans un second temps, une allégorie montrant la dureté de la vie à cette période de l’Histoire dans son pays.
Détail : une église semble être en ruines. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : une église semble être en ruines.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

Pour appuyer cette idée, un autre grand bâtiment se distingue des autres, à droite de la peinture. Il semble en ruine mais ses fenêtres ressemblent à celles des églises ou des cathédrales. Un des murs semble maintenu par une grande poutre en bois. On devine que ce qu’il reste de l’édifice menace de s’effondrer.

Une scène ; des histoires multiples

Bruegel voulait-il témoigner de l’état de son pays à l’époque où il a peint cette scène ? L’église en ruine pourrait être la représentation, factuelle ou imagée, des Guerres de Religion qui agitent alors l’Europe. De plus, peu de temps après la réalisation de cette peinture, signe qu’une crise secoue ce territoire, les Pays-Bas Espagnols connaîtront un conflit que l’on surnomme la Révolte des Gueux (ou Guerre de Quatre-Vingt Ans). Représenter ainsi un bâtiment religieux, dans un état de délabrement avancé (il n’a plus de toit, il neige dans ce qui fut son intérieur), peut être le signe des conflits qui marqueront l’Histoire, en particulier des cultes, du XVIème au XVIIIème siècle.

« Pieter Bruegel l’Ancien (vers 1525-1569), le grand, le fondateur de la dynastie à ne pas confondre avec ses fils Pieter Bruegel II dit « d’Enfer » et Jan Bruegel dit « de Velours », vécut en un siècle où son pays, la Flandre d’alors, était sous le joug de la couronne espagnole, qui réprimait férocement toute contestation. Le Conseil des Troubles fut instauré pour cela. Et l’Inquisition châtiait tout ce qui était suspecté d’hérésie, en un temps où la Réforme se répandait dans tout le nord de l’Europe. Les années 1560 furent celles où se nouèrent des luttes qui, à terme, menèrent à l’indépendance des Pays-Bas. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

Pourtant, à l’opposé gauche de la peinture, une scène vient casser l’apparent réalisme et la trivialité de la scène. Une histoire bien connue : dans une étable, on aperçoit la Vierge Marie et son enfant, Jésus, dans ses bras. Des pèlerins arrivent pour lui présenter leurs vœux et ce ne sont pas n’importe lesquels : les Rois Mages.

L’Adoration des Mages
Détail : les Rois Mages viennent visiter la Sainte Vierge. Pieter Bruegel l'Ancien, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.
Détail : les Rois Mages viennent visiter la Sainte Vierge.
Pieter Bruegel l’Ancien, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 35 x 55 cm, 1563, Am Römerholz, Suisse.

C’est cette toute petite partie qui donne son nom à cette peinture, comme révélée par une observation minutieuse de l’ensemble : l’Adoration des Mages. Le récit biblique, tiré de l’Evangile selon Matthieu, raconte que des Rois Mages seraient venus d’Orient, guidés par une étoile (l’Etoile du Berger qui s’est finalement avérée être la planète Vénus et non une étoile) pour rendre hommage à Jésus. Ils sont trois : Melchior, Gaspard et Balthazar. Ils auraient apporté avec eux des présents : l’or, la myrrhe et l’encens. C’est cette histoire que l’on surnomme l’Adoration des Mages et qui fut représentée nombre de fois au cours de l’Histoire des Arts. Nous avons vu que Bruegel lui-même en avait fait plusieurs versions, signe de son importance dans l’imaginaire chrétien.

Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Dans la version de Bruegel Le Jeune (voir ci-dessus), l’ensemble de la scène est plus détaillée, bénéficie d’un traitement plus net et il ne neige pas.  Les couleurs sont également plus vives. Cela nous permet de voir davantage de détails.

Détail : Adoration des Mages par Bruegel le Jeune. Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Détail : Adoration des Mages par Bruegel le Jeune.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Dans la partie qu’il consacre à l’Adoration des Mages, certains chercheurs pensent qu’il aurait pu glisser un portrait de son père, Bruegel l’Ancien, parmi les Rois Mages (voir ci-dessus).

Détail : Des soldats en bleu et or. Pieter Bruegel le Jeune, L'Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d'hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.
Détail : Des soldats en bleu et or.
Pieter Bruegel le Jeune, L’Adoration des Mages dans un paysage de neige (ou dans un paysage d’hiver), Huile sur bois, 36 x 57 cm, n.d., Collection particulière, France.

Sur cette version de la peinture, on peut voir plus clairement certains personnages. C’est le cas notamment de certains soldats ou gardes de la cité (voir ci-dessus) qui semblent porter des armoires bleues et or. Les vêtements des personnages sont aussi beaucoup plus détaillés, là où dans la version de son père, tout semble frémir dans le froid comme sous une vraie tempête de neige. Chez Bruegel l’Ancien, la touche est plus marquée. Tandis que chez Bruegel le Jeune, on pourrait presque parler d’un style plus « cartoonesque » tant les contours des formes sont précises et les couleurs marquées. D’autant plus que l’on retrouve les personnages burlesques de son père, à la carrure forte, la tête quasiment visée aux épaules et le tronc court, rappelant les personnages de certains de nos dessins animés modernes et contemporains, aux silhouettes simplifiées et enfantines.

Comme dans de nombreuses peintures religieuses, les espace-temps se superposent ici. La réalité rencontre la fiction, les légendes, la mythologie. Ici, la vie au XVIème siècle, au cœur des Pays-Bas Espagnols, fusionne avec le temps de la Bible et sa réalité, son imaginaire. L’étable où Jésus aurait vu le jour est transposée dans un autre lieu et une autre époque : de Béthléem au Nord de l’Europe ; de l’Antiquité (si tant est que nous puissions dater comme un fait véritable la naissance de Jésus) à la Renaissance. Ainsi, les légendes bibliques deviennent intemporelles et universelles. De plus, dans un esprit humaniste, elles sortent du monde sacré pour entrer, comme c’est le cas ici, dans la vie de tout un chacun. Le monde des dieux n’est plus ; il est inscrit dans le monde humain.

« Même les scènes bibliques ou historiques se déroulent dans le monde contemporain de l’artiste, en costumes modernes et dans un environnement flamand. Ce processus d’actualisation des thèmes n’est ni nouveau ni unique en son temps, certes. Mais l’actualisation, chez Bruegel, est aiguë, elle acquiert une pertinence et une acuité de sens inédites jusqu’alors. Et qui culminent peut-être dans l’Adoration des mages dans un paysage d’hiver, du musée de Winterthur, où l’événement passe presque inaperçu, dans un coin, voilé par les myriades de flocons tombant sur les villageois affairés. Le sacré s’insère dans la vie quotidienne avec un naturel déconcertant, le peintre graduant à sa guise les effets de réalité. »

Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019

On remarque d’ailleurs que la vie continue autour de la scène biblique, pourtant ô combien importante pour les croyants. Elle n’est pas un évènement pour les autres personnages visibles ; l’histoire est rendue ordinaire. Elle est mise sur le même plan que le reste. Elle n’occupe d’ailleurs qu’une toute petite partie du tableau, en bas, à gauche. Une partie est même dissimulée par un pan de mur et les nombreux flocons qui agitent l’ensemble du tableau. C’est l’être humain ordinaire qui occupe la place centrale de l’œuvre et non plus le sacré, la religion et ses icônes.

La pratique, assez iconoclaste d’ailleurs, n’est pas sans lien avec l’expansion du Calvinisme et, plus généralement, du Protestantisme.  Notons, de plus, que la Vierge Marie, tout comme les Rois Mages considérés comme des Saints dans la religion catholique, sont représentés sans auréole. Ils semblent être de simples humains ordinaires.

Semblent bien exister des liens avec les Guerres de Religion ainsi qu’avec l’Humanisme de la Renaissance qui fait évoluer les mentalités depuis déjà plusieurs décennies, plaçant l’Homme au centre des préoccupations, plutôt que Dieu (ou les dieux).

Bruegel et Bruegel : de père en fils

Comme le rappellent les chercheurs ayant contribué à l’ouvrage Bruegel et l’Hiver (voir Sources), il est important de ne pas analyser une œuvre uniquement sur ce qu’elle représente mais de chercher aussi à qui elle était destinée.

Il y a plusieurs histoires dans un tableau, quel qu’il soit, et c’est d’autant plus vrai chez Bruegel comme chez son fils, qui furent les peintres d’une certaine élite bourgeoise locale. Ces histoires qui s’entremêlent comme les fils d’une toile sont :

– D’abord, le sujet du tableau (dans le cas qui nous intéresse : l’Adoration des Mages).
– La représentation que l’artiste fait du sujet (l’Adoration des Mages plongée dans une scène de genre, sous la neige du Nord de l’Europe).
– Le contexte historique au moment où l’œuvre est réalisée (ici, les Guerres de Religion, notamment).
– Et l’un des points souvent mis de côté, voire oublié : à qui le tableau est-il destiné ?

C’est moins le cas aujourd’hui (encore que… vaste débat !) mais les artistes ont très longtemps dépendu de mécènes et de commanditaires. Des personnes souvent fortunées et puissantes. Leurs œuvres étaient essentiellement des commandes. Autrement dit, ils ne peignaient pas ce qu’ils voulaient et leur travail devait plaire pour être acheté. Comme n’importe quel autre bien. Ils étaient ce que nous appellerions des artisans, de nos jours, voire des graphistes ou des designers (je me suis déjà souvent opposée aux gens qui considèrent que les artisans, graphistes et autres créateurs et créatifs ne sont pas des artistes : bien sûr qu’ils le sont ! Aucun artiste ne vit d’amour et d’eau fraîche, malheureusement.)

Par ailleurs, l’on sait que Bruegel était aussi dessinateur. Les gravures tirées de ses dessins, largement diffusées, lui ont apporté une certaine notoriété. Il signait ses toiles, comme de plus en plus d’artistes de l’époque, preuve qu’il devait être reconnu de son vivant.

Tout laisse croire que les affaires marchaient bien, pour lui.

Bref, si Bruegel et son fils dépeignent leur époque et que leurs peintures s’inscrivent dans l’air du temps, c’est aussi pour répondre à des commandes. Il convient donc d’être prudent avant de penser qu’une œuvre est porteuse d’un message ou représente une critique de son temps. En effet, quand un banquier lui commande une peinture, on imagine qu’il est serait malvenu de lui livrer la représentation de la misère économique et sociale du pays, causée par des impôts trop lourds.

Après lecture de Bruegel et l’Hiver, le journaliste Harry Bellet écrit dans Le Monde des Livres :

En collaborant avec une équipe de recherche internationale, les historiens d’art ont reçu le secours d’autres historiens. Leurs approches croisées permettent de bousculer quelques idées reçues, comme celle qui lisait dans Le ­Dénom­brement de Bethléem une critique du peintre contre les impôts injustes écrasant les pauvres gens. Une fois identifié le commanditaire du tableau, Jan Vleminck, banquier de la régente Marguerite de Parme et seigneur de Wijnegem, qui à ce titre percevait le cens auprès de ses paysans, l’hypothèse est soudain moins crédible. Qui voudra se convaincre des précautions à prendre avant d’écrire des bêtises sur un tableau lira avec profit le chapitre consacré à l’historiographie et la fortune critique de Bruegel : il est exemplaire.  »

Source : Revue de presse, site d’Acte Sud pour Bruegel et l’Hiver.

L’image de l’artiste engagé en prend un coup, je sais ! Ceci dit, on peut penser que ces artistes, qui étaient souvent des personnes intelligentes et cultivées, étaient assez malignes pour séduire les commanditaires sans se départir totalement de leur esprit critique et de leur individualité artistique. Mais n’oublions pas que nous prêtons là des intentions à des personnes que plusieurs siècles séparent de nous. Nous analysons leur travail avec nos yeux, nos expériences, nos savoirs actuels. Dans le cas de Bruegel, nous savons peu de choses de sa vie et devons faire de nombreuses conjectures. Si nous avions une machine à voyager dans le temps, peut-être que cet artiste nous dirait que nous nous trompons totalement sur ses intentions. Nous serions peut-être même surpris par elles. Alors, comme pour n’importe quelle analyse d’œuvre, la prudence est de mise.

Pieter Bruegel l'Ancien, Le Dénombrement de Bethléem, Huile sur bois, 116 × 164,5 cm, 1566, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Le Dénombrement de Bethléem, Huile sur bois, 116 × 164,5 cm, 1566, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

Dans un autre de ses célèbres tableaux enneigés, Bruegel l’Ancien dépeint une autre scène biblique « cachée » dans un village flamand en hiver, d’apparence triviale. Ce tableau s’intitule Le Dénombrement de Béthléem (voir ci-dessus). Ce tableau « date de 1566, une année qui connaît une vague iconoclaste extrêmement violente. On a voulu interpréter ce tableau comme une critique à peine voilée du gouvernement des Habsbourg, mais ça ne se vérifie pas du tout (Source). » En effet, voici ce qu’explique l’historienne de l’art, Sabine Van Sprang :

« Il est en effet anachronique de s’imaginer qu’un artiste du XVIe s puisse exprimer ses convictions personnelles dans des tableaux de commande, sans tenir compte des convictions des commanditaires. La clientèle connue de Bruegel est composée de grands commerçants, de gens proches du gouvernement. Ce n’est certainement pas un tableau qui remet en question le gouvernement central. »

Sabine Van Sprang dans RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018 

La polysémie des œuvres de(s) Bruegel
Pieter Bruegel l'Ancien, Paysage d'hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.
Pieter Bruegel l’Ancien, Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux, Huile sur bois, 37 × 55,5 cm, 1565, Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.

Dans un autre paysage hivernal encore Paysage d’hiver avec patineurs et trappe à oiseaux (voir ci-dessus), Bruegel l’Ancien dépeint des gens faisant du patin sur un fleuve gelé. Loin de sembler mourir de faim, comme on pourrait l’imaginer, la région est alors riche et l’économie florissante. La scène est festive, les gens semblent s’adonner à divers loisirs permis par le grand froid. L’artiste semble montrer l’aspect positif de l’hiver et les possibilités qu’ont les gens de s’amuser, alors que nous voyons plutôt les gens du peuple au travail, habituellement. Il semble donc bien exister une vie en dehors du travail !

Pourtant, on pourrait analyser cette peinture au-delà du visible. Le symbolisme est très présent dans les œuvres de la Renaissance et notamment chez Bruegel l’Ancien. On peut notamment voir un piège à oiseaux dans cette peinture. Or, les oiseaux symbolisaient l’âme. Ce piège pourrait donc être celui du Diable, prêt à attraper les gens s’adonnant trop aux plaisirs.
On remarque aussi un trou dans le lac gelé, dans lequel un imprudent pourrait facilement tomber.
Quant à la composition de la scène, elle nous place en hauteur par rapport au fleuve qui s’éloigne dans le lointain, disparaissant dans l’horizon hivernal. S’agit-il d’une allégorie de la vie, sur laquelle les patineurs glissent plus ou moins facilement, essayant de se maintenir debout, tant bien que mal, et d’éviter les dangers, les accidents ?

« Le Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux, comme les autres scènes d’hiver de la main de Bruegel, est une oeuvre résolument innovante. Au cours des décennies suivantes, ces représentations enneigées donneront naissance à une véritable tradition picturale. Hendrick Avercamp (né à Amsterdam en 1585) en sera l’un des principaux tenants. Loin d’être des oeuvres uniquement contemplatives, les paysages hivernaux de Bruegel l’Ancien dissimulent souvent un sens caché. Outre les différents degrés de lecture possibles, ces paysages enneigés sont avant tout des fresques incroyablement vivantes illustrant les moeurs et coutumes du Brabant au XVIe siècle. »

Jennifer Beauloye, Bruegel et l’hiver, pour Google Arts & Culture

Une œuvre est toujours polysémique : elle a plusieurs sens. On peut la lire de façon littérale : décrire ce qu’on y voit. Puis, l’analyse nous amène à décrypter ses sens plus ou moins cachés. À titre personnel, c’est ce qui me plaît dans l’analyse d’oeuvre : l’impression d’être devant une énigme à résoudre, un coffre au trésor à ouvrir.

Conclusion

Bref, connu pour ses représentations de l’hiver, Bruegel a aussi peint de nombreuses autres œuvres et, par conséquent, dépeint d’autres saisons.

Les saisons sont le principal signe visible du temps qui passe. Elles sont perceptibles par tous les hommes, des plus pauvres aux plus puissants. Elles balisent nos existences depuis nos premiers pas jusqu’à la tombe. Elles ont longtemps semblé être immuables – nous savons aujourd’hui qu’elles sont le résultat d’un équilibre très fragile, que nous mettons à mal depuis maintenant plusieurs siècles. Quoi qu’il en soit, rien ne saurait arrêter la course folle du temps qui passe et c’est aussi ce dont parlent les œuvres de Bruegel.

Une chose semble rester éternelle, capable de traverser les temps, les frontières, dans ce tableau : les religions, les croyances (en l’occurrence chrétiennes). Bruegel n’en fait pas un élément ostentatoire de son œuvre et c’est en cela que l’on perçoit la montée du Protestantisme en terres de Flandres. Toutefois, elle est présente dans un coin de l’œuvre, discrète mais toujours présente. Malgré la dureté de l’hiver, malgré les conflits et tandis que la vie suit son cours, que le monde des hommes change, se transforme, évolue, Bruegel laisse entendre que la foi reste dans un coin des esprits et des cœurs, accompagnant la vie des hommes comme un héritage toujours d’actualité.

« Le Plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
À chaque homme accordé pour toute sa saison. »

Charles Baudelaire, « L’Horloge », dans Les Fleurs du mal, 1861.

Personnellement, je suis athée mais c’est ainsi que ma maman, aujourd’hui décédée, vivait sa foi chrétienne : dans son cœur, comme un élément de son jardin secret qui n’avait pas à être exposé en place publique. Cela lui faisait du bien et était important dans sa vie. En cette veille de Noël, comme toujours, j’aurai une pensée pour elle car elle me manque énormément et j’ose croire qu’elle aurait apprécié la lecture de cet article et les œuvres de Bruegel.


Sources :

Tine Luk Meganck, Sabine van Sprang (dir.), Bruegel et l’Hiver, Paris, Actes Sud, 2018.
Revue de presse, site d’Acte Sud pour Bruegel et l’Hiver.
RTBF, « Bruegel et ses paysages d’hiver, un témoignage historique du climat au XVI siècle ? », 03/12/2018
Véronique Vandamme et Jennifer Beauloye pour Google Arts & Culture, « L’artiste et son métier, Bruegel peintre ».
Manuel Jover, « Bruegel, le géant flamand », dans Connaissance des Arts, 31/07/2019
Jennifer Beauloye, Bruegel et l’hiver, pour Google Arts & Culture

Aviary Attorney : Enquête dans l’univers de J.J. Grandville

Aujourd’hui, nous allons parler d’un jeu vidéo !
Oui, oui, un jeu vidéo.
C’est un manque, sur Studinano. Beaucoup de jeux mériteraient pourtant qu’un article leur soit consacré. En effet, tant sur la forme que sur le fond, les jeux vidéo peuvent s’avérer être des œuvres d’art à part entière. En grande partie parce que de véritables artistes travaillent à leur réalisation. Et il arrive aussi qu’ils soient les supports idéaux à l’exposition d’œuvres préexistantes. Y compris des œuvres qu’on pourrait croire très éloignées du monde vidéoludique de prime abord. C’est le cas de celles dont nous allons parler aujourd’hui.
Je suis tombée totalement par hasard sur ce jeu et je suis tombée sous le charme. La raison à cela ? C’est un jeu réalisé entièrement à partir de gravures de J.J. Grandville, l’un de mes artistes favoris !

Présentation du jeu

Ce jeu s’appelle Aviary Attorney (qu’on pourrait traduire par « la volière aux avocats »; dans le contexte). A priori, il n’est pas d’une originalité folle : c’est un jeu d’enquête qui rappellera aux connaisseurs les aventures du Professeur Layton ou Ace Attorney (dont on peut imaginer que l’emprunt partiel du nom n’est pas un hasard ; c’est aussi une histoire d’avocats, d’enquêtes et la façon dont se joue le jeu est quasiment identique).
Je vous laisse jeter un œil à la vidéo de présentation du jeu avant de poursuivre :

Au cours du jeu, nous incarnons Jayjay Falcon, un oiseau de proie au bon cœur mais à l’expertise judiciaire discutable. Avec l’aide de son apprenti, Sparrowson (un moineau), notre but est de venir en aide à nos clients, d’interroger des témoins, de recueillir des preuves et, finalement, de condamner les coupables au cours de différentes affaires. Bref, un jeu d’enquête, vous disais-je !

L’originalité du jeu

Toutefois, ce qui fait toute la magie et l’intérêt de ce jeu, ce n’est pas son gameplay (et j’ai envie de dire tant mieux car, de ce point de vue, ça n’est guère original, vous l’aurez compris) mais la superbe utilisation des gravures de J.J. Grandville.
Ces œuvres, tombées dans le domaine public, sont ce qui a motivé la réalisation même du jeu. Malheureusement pour nous, francophones, le développeur à l’origine du projet est britannique. Le jeu n’est donc actuellement disponible que dans la langue de Shakespeare. Un comble pour un jeu basé sur les travaux d’un artiste français (enfin… Nancy, la ville dont il est originaire, était sous domination allemande à l’époque… mais on ne va pas chipoter pour si peu, là, oh, hein !) et dont l’intrigue se déroule à Paris ! En ce qui me concerne, j’espère qu’il y aura une traduction française bientôt.

Quoiqu’il en soit, Aviary Attorney démontre que J.J. Grandville, artiste français du XIXe siècle, était un illustrateur magistral et qu’il aurait sans nul doute trouvé sa place à notre époque. Grandville était clairement en avance sur son temps et il illustrait les mœurs de son époque avec grand talent.

J.J. Grandville : Présentation

J.J. Grandville se distingue de ses comparses graveurs, dessinateurs et caricaturistes parce qu’il excelle dans l’imagerie animale. Le zoomorphisme, plus exactement, est sa spécialité : il donne aux hommes des figures animales censées caractériser leur comportement, leurs qualités et leurs défauts, leur façon d’être. L’une de ses gravures les plus célèbres, Les Ombres Portées, montre comment l’artiste parvient à se moquer de ses contemporains en les comparant à tel ou tel animal auquel on prête tel ou tel trait de caractère. Cette pratique rappelle l’engouement de l’époque pour la physiognomonie, pseudo-science qui consistait à penser que le caractère des gens était lié à leurs caractéristiques physiques. Ce courant de pensée qui connaîtra les dérives racistes que l’on sait (l’antisémitisme, notamment, sera grandement alimenté par des pensées physiognomonistes et conduira jusqu’au délire aryen des Nazis).

 Jean-Jacques-Isidore Gérard, dit Grandville,  Les Ombres portées, planche 1, La Caricature, n°2, 11 novembre 1830, lithographie coloriée, Nancy, musée des Beaux-Arts.
Jean-Jacques-Isidore Gérard, dit Grandville,
Les Ombres portées, planche 1, La Caricature, n°2, 11 novembre 1830, lithographie coloriée, Nancy, musée des Beaux-Arts.
 Jean-Jacques-Isidore Gérard, dit Grandville,  Les Ombres portées, planche 1, La Caricature, n°2, 11 novembre 1830, lithographie coloriée, Nancy, musée des Beaux-Arts.
Jean-Jacques-Isidore Gérard, dit Grandville,
Les Ombres portées, planche 1, La Caricature, n°2, 11 novembre 1830, lithographie coloriée, Nancy, musée des Beaux-Arts.

J.J. Grandville, lui, joue avec le zoomorphisme et la physiognomonie pour caricaturer son temps et en faire la critique, souvent acerbe. Pour ce faire, il doit jongler avec les lois de censure qui touchent la presse. L’artiste vivra d’ailleurs très mal une perquisition de son domicile, au point de ne plus se consacrer, après elle, qu’à l’illustration de livres.

Comme son admirateur, Gustave Doré, il illustrera ainsi les Contes de Perrault, les Fables de la FontaineLes aventures de Robinson Crusoé ou encore Les Voyages de Gulliver, pour ne citer que les plus connus. Il écrira et illustrera également ses propres romans comme Un autre monde, Les Métamorphoses du jour ou, son plus célèbre ouvrage, Scènes de la vie privée et publique des Animaux pour Hetzel (célèbre éditeur de Jules Verne et Victor Hugo, dont il était également l’ami proche). Dans ce dernier, l’artiste démontre toute l’étendue de son talent pour le fantastique et donne vie à un monde peuplé d’animaux étrangement humains qui ont bien à nous apprendre sur la société de l’époque (c’était déjà le cas dans Les Métamorphoses du jour, tandis qu’Un autre monde ressemble à une œuvre surréaliste avant l’heure !).

Les personnages qui évoluent dans le jeu vidéo Aviary Attorney sortent de ce livre qui est, à l’origine, un recueil d’articles, de nouvelles et de contes satiriques. Honoré de Balzac ou encore George Sand participeront à son écriture mais toutes les vignettes accompagnant sa lecture seront réalisées par J.J. Grandville.

Grandville était en avance sur son temps. Par conséquent, rien d’étonnant à ce qu’il ait été un grand caricaturiste de son époque car, après tout, il faut avoir le recul nécessaire pour dépeindre une situation de façon critique. Il excellait dans ce domaine et c’est aujourd’hui ce savoir-faire, mêlé à son talent pour les représentations fantastiques, qui lui permettent de rester parlant, même aux yeux du public d’aujourd’hui. S’il avait été illustrateur de nos jours, il y a fort à parier que Grandville aurait pu travailler dans bien des domaines de la production graphique. Le jeu vidéo en fait partie, bien évidemment, puisqu’il mêle bon nombre de disciplines. On voit bien avec Aviary Attorney comme ses dessins s’y seraient en tout cas fort bien prêtés ! Lui manquera seulement la véritable patte du maître, celle qui lui aurait permis d’être davantage qu’un très beau jeu : car s’il avait vraiment pu réaliser un jeu vidéo, on peut penser que Grandville aurait sûrement, comme  son habitude, été en avance sur son temps. Il nous est finalement impossible de savoir quelle merveille il aurait été capable de mettre au jour sans posséder sa prescience unique !


Sources :
Lien du site officiel Aviary Attorney
Aviary Attorney disponible sur Steam
Article Gamekult (2014) : « Aviary Attorney : les ailes du délire »

Les amoureux de Peynet

A l’heure de mes premières amourettes d’enfant (à l’école maternelle, j’étais précoce, que voulez-vous), j’ai commencé à entendre mes parents me dire en plaisantant : « On dirait les amoureux de Peynet ! » Cette phrase m’a poursuivie longtemps car j’étais ce genre de petite fille qui tombe amoureuse plus vite que son ombre (à l’époque, un gamin me disait « Wesh » et je tombais sous son charme ravageur et me mettais à aduler ses couches culottes…). Et j’ai dû mettre autant de temps à comprendre que derrière cette phrase se cachaient les dessins d’un artiste nommé Raymond Peynet.

C’est en 1942, à 34 ans, que l’artiste français crée et commence à décliner des personnages qui deviendront ses amoureux. L’homme qu’il représente est un poète, vêtu d’un costume et d’un chapeau rond. La femme varie, tantôt blonde ou brune, aux cheveux longs ou courts, et aux styles vestimentaires allant de la robe longue façon Belle Epoque aux pantalons patte d’eph’ de la période Hippie. Il semble, en tout cas, que ces deux amoureux le représentent souvent, sa femme et lui. Une femme qu’il épouse en 1930 et qui s’appelle, de façon fort à propos, Denise Damour ! On raconte d’ailleurs qu’il était fou amoureux d’elle.

En regardant les dessins de Peynet, on se rend rapidement compte que son poète amoureux est un mélange de tout un tas d’amoureux possibles et imaginables (le mien, par exemple, m’apparaît beaucoup dans certains dessins, je suis sûre qu’il saura où je veux en venir !)
Ainsi, dans certains dessins, il est clairement romantique :

Dans beaucoup d’autres, il est beaucoup plus grivois :

Il sait aussi être drôle, avec des dessins qui s’éloignent parfois un peu de ses célèbres amoureux :

Ou poétique, bien sûr (puisque c’est un poète !) :

Mais en ce qui me concerne, je ne peux m’empêcher de trouver certains dessins plus sexistes que simplement coquins et clairement pas aussi romantiques qu’on les décrit souvent, malheureusement (question d’époque ?) :

En fait, je trouve que quelque chose de très franco-français se dégage de l’oeuvre de Raymong Peynet. Peut-être est-ce le romantisme très porté sur la chose ? C’est le libertinage remis au goût de l’époque. Peynet me faisant un peu l’effet d’un Antoine Watteau des sixties. Les dessins de Peynet comportent énormément de références sexuelles. Nous sommes parfois très loin de l’image qu’il a laissée dans les esprits : celle du poète contant fleurette avec une naïve timidité. Le personnage de Peynet est un poète, certes, mais un poète qui aime les femmes dans tout ce qu’elles ont à lui offrir : y compris, voire surtout, les plaisirs de la chair ! En tout cas, l’artiste ne cache pas son amour des seins. Dans son oeuvre, des poitrines en veux-tu en voilà !

Les amoureux de Peynet sont vites devenus les icônes françaises de la Saint-Valentin. Aussi parce que la Poste a fait éditer des timbres à l’effigie de ces personnages. Ce dessin humoristique, illustrant les difficultés liées à l’envoi d’une simple lettre, n’aura donc pas porté préjudice à l’artiste :

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« Par la poste, pas question. Par pigeon voyageur, peut-être. Réflexion faite, j’ai plus de chances qu’elle arrive en la portant moi-même… »
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En 1985, Raymond Peynet réalise un timbre nommé « La Saint Valentin » pour La Poste. Aujourd’hui, l’Adresse Musée de La Poste est depuis en possession des différentes esquisses proposées à l’époque par l’artiste.
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Le premier jour d’émission du timbre, le 14 février 1985, le cachet de La Poste était un peu spécial. On pouvait y lire : « Peynet – La Saint Valentin – 39 St Amour », du nom de la ville de Saint-Amour dans le Jura.
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Carte postale de Raymond Peynet sur laquelle se trouve le timbre éditée par La Poste en 1985. Le tout portant l’oblitération suivante : « Kiosque des amoureux de Peynet – Valence ».

C’est apparemment ce kiosque, dessiné ci-dessus et se trouvant sur le Champ de Mars à Valence (Drôme) qui inspira à Peynet ses célèbres amoureux. L’histoire est tellement célèbre que le kiosque s’appelle désormais le Kiosque Peynet. On dit également que c’est ce même kiosque qui inspira à Georges Brassens sa célèbre chanson Les amoureux des bancs publics. Décidément, il serait inspirant !

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Vue du kiosque de Valence (Drôme), aujourd’hui appelé Kiosque Peynet.
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Vue du kiosque de Valence (Drôme), aujourd’hui appelé Kiosque Peynet.

kiosque-de-peynet-valence-dessin-02 Les dessins de Peynet, par leur simplicité d’exécution et le langage amoureux que l’artiste y a développé, sont aujourd’hui universellement connus et reconnus. Pas moins de deux musées leur sont d’ailleurs consacrés au Japon ! Au pays du « kawaii » (« mignon » en japonais) et du « hentai » (nom donné aux manga pornographiques), les amoureux franchouillards ont su se faire une place, ce qui n’est pas si étonnant que ça, quand on y réfléchit.

Couverture du livre "Les amoureux de Peynet", Ed. Hoëbeke, 2015
Couverture du livre « Les amoureux de Peynet », Ed. Hoëbeke, 2015

Enfin, jusqu’au 21 février 2015, une exposition est consacrée aux amoureux que j’ai tâché de vous décrire tout au long de cet article. Elle se tient à la Galerie Oblique à Paris et marque égalemet la sortie du livre Les Amoureux de Peynet aux éditions Hoëbeke.

Si cet article vous a plu (ou non !), que vous avez quelque chose à ajouter (ou pas !) n’hésitez pas à laisser un commentaire ! ;)

Sources :
Le blog de L’Adresse Musée de la Poste, « Les Peynet de coeur de la Saint-Valentin », 2013
A découvrir également :
Le Louvre vous propose toute une série d’histoires sur des couples mythiques de l’Histoire de l’Art : Parcours « Je vous aime, Images de l’amour au Louvre ».  « De l’Antiquité au XVIIIe siècle, découvrez comment les artistes choisissent de représenter les relations amoureuses. »

Jackie Coogan : du Kid à La Famille Addams !

A gauche : Jackie Coogan aux côtés de Charlie Chaplin pour The King (1921). A droite : Jackie Coogan sous le maquillage de l'Oncle Fétide dans la Famille Addams (série de 1963).
A gauche : Jackie Coogan aux côtés de Charlie Chaplin pour The Kid (1921).
A droite : Jackie Coogan sous le maquillage de l’Oncle Fétide dans la Famille Addams (série de 1964).
Le saviez-vous ?

Jackie Coogan. Ce nom ne vous dit peut-être rien pourtant vous connaissez tous la bouille adorable de l’enfant qui joua aux côtés de Charlie Chapin dans The Kid. Jackie Coogan avait alors à peine 7 ans. Mais saviez-vous que c’est le même Jackie Coogan qui, pas moins de 43 ans plus tard, interpréta le célèbre Oncle Fétide (Oncle Fester en anglais) dans la série télévisée La Famille Addams ? Méconnaissable, bien sûr, dans ce rôle, mais non moins talentueux dans son interprétation du célèbre étrange bonhomme chauve.

Les personnages inventés par le dessinateur Charles Addams à la fin des années 1930 pour le New Yorker ont inspiré deux séries télévisées, deux séries animées et deux films réalisés par Barry Sonnenfeld en 1992 et 1993. Ce sont souvent ces deux dernières adaptations qui sont les plus connues du grand public. Toutefois, il est clair que leur esthétique fut grandement inspirée par celle de la première série, avec Jackie Coogan. Et pas seulement par l’univers de Tim Burton, comme on le pense souvent.

On peut toutefois noter que dans ces deux films Jackie Coogan eut un successeur de choix puisque c’est Christopher Lloyd qui reprit le rôle de l’Oncle Fétide. Son nom ne vous dit rien ? Il s’agit du célèbre Dr Emmett Brown de Retour vers le Futur !

A gauche : Jackie Coogan sous le maquillage de l'Oncle Fétide dans la Famille Addams (série de 1963). A droite : Christopher Lloyd, qui reprit le rôle en 1991.
A gauche : Jackie Coogan sous le maquillage de l’Oncle Fétide dans la Famille Addams (série de 1964).
A droite : Christopher Lloyd, qui reprit le rôle en 1991 dans le film La Famille Addams.

Autre « enfant star » liée à cette histoire : la jeune Mercredi (Wednesday en anglais), interprétée par Christina Ricci dans le film de 1991, jouera également dans un autre film de l’univers Burtunien, Sleepy Hollow (1999) aux côtés de Johnny Depp. En 1991, elle n’a que 11 ans. Elle reprendra ce rôle dans le film de 1993. Elle a aujourd’hui de nombreux films et séries à son actif.

En haut : Dessin de Charles Addams, le dessinateur originel de la Famille Addams. En bas à gauche : Photographie des acteurs interprétant la famille dans la série de 1964. En bas à droite : Photographie des acteurs interprétant la famille dans le film de 1991.
En haut : Dessin de Charles Addams, le dessinateur originel de la Famille Addams.
En bas à gauche : Photographie des acteurs interprétant la famille dans la série de 1964.
En bas à droite : Photographie des acteurs interprétant la famille dans le film de 1991.